Chapitre 7 - 7 Septembre 2013
- Non, en fait votre taux de bêta-HCG est aussi élevé parce que vous êtes enceinte de jumeaux, m’a répondu le gynéco. Vous en êtes à six semaines de grossesse mais avec deux fœtus, le taux est forcément plus élevé, d'où votre confusion lorsque vous avez eu les résultats. Il y a des jumeaux dans votre famille ?
- Oui, mes oncles, a répondu Sébastien, avec un grand sourire.
Il paraissait aux anges. Moi, j'étais estomaquée, cette nouvelle m’avait prise de court.
***
- Comment est-ce qu'on va faire ? ai-je dis en sortant de l’hôpital, assez inquiète.
- Ils disent que ton congé maternité peut être plus long, a nonchalamment répondu Sébastien en cliquant sur son téléphone, alors qu’on se rendait à la voiture pour rentrer. Ton congé parental peut aussi être allongé...
- D'accord, mais, la nuit, quand les deux pleureront en même temps, comment est-ce qu'on va faire? Et quand tu auras repris le travail et que je devrais aller faire les courses avec deux nourrissons ? Ça me préoccupe légèrement.
- Je ferai tout, tu n’auras pas à t’en occuper !
- Tu dis ça maintenant, mais on aura forcément des moments où ce sera le bazar !
- Comme pour tous les nouveaux parents, non ? Et même pas que les nouveaux, d’ailleurs !
- Oui… ça me stresse ! Tu peux arrêter avec ce truc, s’il te plaît ? Tu me regardes même pas quand je te parle !
C’est vrai, depuis que ce machin était sorti, maintenant on pouvait aussi avoir Internet sur son téléphone. Super invention. Bientôt on allait plus se parler, mais « communiquer » tous avec notre extension greffée à la main sans avoir besoin d’ouvrir la bouche, ni même de regarder son interlocuteur. Séb était intelligent, il avait déjà un peu anticipé les dérives que tout ça allait provoquer, mais quand même, je me sentais en droit de lui demander d’éteindre ce truc quand on se parlait, non ?
- Pardon, je le range ! A-t’il annoncé en cliquant encore dessus.
D’ailleurs maintenant il n’y avait presque plus besoin de cliquer, tout était tactile.
- Je sais que ton nouveau joujou te plaît beaucoup… Comme l’ancien, et celui d’avant aussi, ai-je marmonné. Je suis stressée qu’on n’y arrive pas avec deux bébés, tu comprends ?
- Mais, oui… Mais tu es contente quand même ? A-t’il vérifié en levant la tête de son téléphone, l’air inquiet.
Il le rangeait, enfin.
- Oui, bien sûr ! Mais je ne m'y attendais pas… Il va falloir qu'on déménage, notre appartement est beaucoup trop petit pour quatre. Et à chaque fois que je voudrais descendre pour faire quelque chose, ce sera compliqué avec les deux coques, le sac à langer rempli à ras bord, la poussette double à déplier ... Ça aurait déjà été compliqué avec un seul bébé mais là avec deux, plus le matériel en double, c'est carrément mission impossible!
C’était la folie dans ma tête, les idées s’empilaient. Autant de tâches à réaliser qui me donnaient l’impression que le résultat était tellement fouillis que presque impossible à accomplir sans heurts. Je commençais à avoir mal à la tête. Le stress me réduisait en bouillie.
- Hé, mon cœur, on va s’organiser ! Tout ira bien !
- …
- Mais, oui, tu verras !
Il a pris ma main et m’a souri. Je me suis arrêtée de marcher, j’ai soufflé un grand coup et l’ai regardé en souriant.
- Justement, ça fait longtemps que je voulais te dire quelque chose, a repris Sébastien.
- …
- Je voulais t’en parler depuis un moment… a-t’il dit d’un air hésitant.
J’attendais la suite, impatiemment curieuse.
- Oui ? L’ai-je encouragé
- Je me disais que ce serait bien si on allait vivre à la campagne...
- T’es sérieux ?
- Oui, très !
- On pourrait avoir une maison, alors ? Avec un jardin ?
- Oh ouais, ce serait vraiment chouette! Et puis ça devient vraiment compliqué pour moi, le travail, ici. J'ai trop de stress, trop de responsabilités. J'aimerai qu'on ait une vie plus simple. Je sais pas toi, mais moi, Paris, j'en peux plus! En plus, les bébés dans la poussette vont être très exposés à la pollution! Je ne veux vraiment pas ça pour eux.
- Je ne sais pas du tout ce que ça donne en terme de prix mais je me dis que la Bretagne, ça peut être bien, non ?
- Sérieusement? Il faut que je regarde, je ne connais pas du tout les prix de maintenant. Ce sera toujours moins cher que Paris, de toute façon…
- Il pleut beaucoup là-bas, non ?
Il a souri en haussant les sourcils.
- À ton avis ?
- Pour moi, tout ce qui compte c'est que nous soyons au calme, en fait.
On s’est mis à rire comme si cette décision nous soulageait beaucoup. Nous étions plein de gratitude.
- Tu veux qu’on se rapproche de tes parents, j’imagine ?
- Oui, aussi. Mais pas trop, quand même !
- Moi aussi, je veux rester à bonne distance… ai-je confirmé en rigolant.
- Mais quand on aura besoin d’aide, quand tu reprendras le travail, par exemple, ce sera pas du luxe de les avoir pas trop loin.
- Pas faux !
***
Plus tard dans l'après-midi, nous étions chacun de notre côté en train de regarder les paysages, les prix des terrains, des maisons, les infrastructures de chacune des villes qui composent la Bretagne. Moi assise sur le canapé et Sébastien sur la chaise de l’îlot central dans la cuisine. De temps en temps, l'un de nous deux disait à l'autre ce qu'il voyait, ce qu'il trouvait sympa, ce qui l’était moins. Nous avons échangé ainsi pendant un long moment.
- Waouh! me suis-je écriée, au bout de quelques minutes sans parler. Il y a un lac magnifique dans cette ville!
- Montre! m'a répondu Sébastien, en se levant de sa chaise.
Il a soufflé d’un air admiratif.
- C'est trop beau! A-t-il fini par dire. Je connaissais pas du tout !
- C’est assez loin de chez tes parents… mais pas trop non plus !
On a échangé un regard en souriant.
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