Chapitre 17
Ma balade a certainement duré plusieurs heures puisque je suis rentré alors qu’il faisait nuit. J’ai erré, sans but, avec plein d’idées qui devaient défiler dans mon esprit même si j’ai eu une puissante impression de vide tout le temps où je suis resté dehors. Comme me l’a fait remarquer Norah, je n’étais pas en colère. Il m’a fallu marcher tout ce temps pour réussir à mettre des mots sur ce que je ressentais. C’était très bizarre, comment sensation. J’étais presque soulagé.
Ouah ! Rien que de le réaliser, ça m’enlevait un poids, c’était dingue. Je ne m’y attendais pas ! Je suis allé trouver Norah qui était dans la cuisine.
- D’accord, je veux bien qu’on divorce, ai-je dit, dans un souffle. Non, je suis pas en colère.
Moi non plus, je ne l’aimais plus. Il fallait que je me rende à l’évidence. Bon, évidemment, j’étais vexé qu’elle ait un amant. Et je détestais être quitté, je préférais quand c’était moi qui rompait avec une femme. Enfin, je crois, vu que j’ai jamais connu d’autre femme… Mais bon, là, je sentais que ce n’était qu’une petite affaire d’égo qui me dérangeait. Il fallait que je sois honnête. Mon cœur n’était pas brisé. C’est ce qui arrive quand on épouse sa meilleure amie, j’imagine!
On s’était rencontrés quand on était au lycée, et on est devenus amis, très amis. Mais on n’est sortis ensemble que quatre ans plus tard. On n’avait pas beaucoup de points en communs, si ce n’est que je la faisais rire. Je l’ai tout-de-suite trouvée très belle, mais tous les garçons lui tournaient autour alors je pensais que je n’avais aucune chance avec elle. Au bout de deux ans d’amitié, j’ai eu envie de lui déclarer ma flamme mais j’étais en concurrence avec un gars que je ne supportais pas. Comment il s’appelait déjà ? Arnaud ? Non, c’est pas ça… Ah oui ! Je me souviens !
- T’as eu une aventure avec Armand ?
- Qui ça ?
- Mais si, quand on était à la fac. Armand Martin… me suis-je expliqué.
Elle a gonflé les joues et soufflé fort :
- Je vois pas de qui tu parles…
- Mais si, le mec super bien gaulé, qui parlait bien… ai-je énuméré en dodelinant de la tête. Complètement imbu de sa personne, ai-je ajouté, pour moi-même.
Elle a levé les sourcils et reculé sa tête en signe d’incompréhension.
- Pourquoi tu me parles de lui ?
- Non, je pensais à lui, tout d’un coup…
Et il avait le don de m’énerver encore maintenant. J’ai fait la moue en balayant l’air devant moi comme pour lui dire de laisser tomber.
- Tu penses à Armand Martin ?
- Non, mais, je vois ce que tu veux dire !
Je rigolais, puis je me rendais compte que le moment était mal choisi. En fait, notre histoire, en tant qu’histoire d’amour, n’aurait jamais du avoir lieu. On était seulement faits pour être amis. Je ne ressentais rien à part de l’incompréhension. Je n’étais pas triste, seulement un peu nostalgique car on a vécu de beaux moments mais je n’avais pas l’impression de perdre l’amour de ma vie. Je n’étais même pas jaloux, en vrai…
- C’est juste que j’ai perdu vachement de temps à t’avouer mon amour à cette époque, et je sais qu’à un moment donné tu t’étais beaucoup rapprochée de lui et ça m’avait un peu éloigné. Je m’étais senti moins bien que lui, je croyais que tu ne t’intéressais pas du tout à moi.
- T’es tellement moins bien que lui que je me suis mariée avec toi. Lui, il m’a fallu plusieurs minutes pour me souvenir de son existence.
J’ai rigolé, plutôt soulagé.
- Le bon moment pour m’avouer tes sentiments était celui que tu as choisi, tu crois pas ?
- Oui, tu dois avoir raison. Je soupirais à nouveau.
- Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? Je veux pas m’immiscer dans ta vie mais ça fait combien de temps?
- De quoi ?
- Avec ton nouveau mec ? Vous voulez vous installer ensemble ?
- Euh… on n’en est pas du tout là, encore ! Ça fait quelques jours…
Elle paraissait bien plus gênée par la situation que moi. Elle avait les joues roses, les mains qui tremblaient et elle bafouillait.
- OK, oublie ça. Je vais aller dormir chez Anthony, ce soir. Je reviendrai demain matin et je passerai la journée avec Anouk. T’auras qu’à la prendre dimanche, ça te va ? On verra plus tard comment on s’organise…
- Euh, oui, d’accord. Elle paraissait perdue.
- Séb ? A-t’elle lancé alors que j’allais chercher quelques affaires. Pardon.
J’étirais ma bouche en soupirant.
- Merci de me dire ça. Le plus important, maintenant, c’est qu’on soit là pour la petite, non ?
Elle a hoché la tête en signe d’approbation.
- Elle sera prête demain matin à 10h avec son sac.
- OK, merci. Je vais chercher des fringues et je file.
- OK… je vais au lit. À demain. - À demain.
Annotations
Versions