Chapitre 33 - 19 décembre 2013
J’ai attrapé mon téléphone pour prendre rendez-vous avec la fameuse sage-femme qui proposait un accompagnement global. J’avais rencontré Anne à l’association de laquelle j’étais devenue présidente après la perte du bébé jumeau. Elle avait malheureusement accouché d’un bébé mort-né. Comme quoi, lorsqu’on regardait autour de soi, il y a toujours une personne qui a vécu pire.
- Allô ? Norah Carrez. Vous m’avez été recommandée par Anne Andrès.
Léger silence. Puis mon interlocutrice m’a enfin révélé sa voix.
- Ah oui, Anne ! Merci de votre appel, Norah. C’est pour un suivi de grossesse ?
- Oui. Vous pratiquez des accouchements naturels, Anne m’a dit ?
Elle a ri très joyeusement. Cette femme avait une énergie follement douce. J’adorais ça.
- C’est vous qui allez accoucher. Je vais me contenter de vous accompagner, de vous guider afin que vous gériez vos sensations, la douleur, les peurs qui pourraient survenir pendant la grossesse et le jour de l’accouchement…
- D’accord. On peut faire ça à l’hôpital, aussi, c’est ça?
- Oui, la maternité de l’hôpital dispose d’une salle nature dans laquelle vous pouvez accoucher naturellement. Il y a une baignoire et de multiples autres équipements pour vous y aider. Vous voulez qu’on se rencontre pour discuter de tout ça plus en détails ?
- Oui, je veux bien.
- Je suis disponible lundi en début d’après-midi ?
- Lundi je travaille. Mercredi, le matin, ce serait possible ? Où se trouve votre cabinet ?
- Je peux me rendre chez vous, si vous le souhaitez ?
- Ah super !
- Mercredi, j’ai 10h ?
- 10h, c’est parfait! Je vous envoie l’adresse par texto.
- Très bien, c’est noté. Si l’autre parent du bébé est là, et que vous le souhaitez tous les deux, c’est bien qu’il puisse être présent aussi, s’il a des questions à me poser.
- Le papa sera là, oui. Et souhaitera de toute façon assister à l’accouchement. Merci à vous.
- Je vous en prie. À mercredi alors.
- À mercredi !
Je me sentais hyper excitée à l’idée de la rencontrer, et de mettre au monde naturellement mon bébé. J’en étais capable, je le sentais. Depuis que j’ai ressenti ce vide qui remplissait mon ventre si bizarrement dans le cabinet du gynéco, j’avais besoin de faire ce qui était en mon pouvoir pour donner tout ce que je pouvais donner à ce bébé. Je ressentais déjà un amour infini pour lui.
***
23 décembre 2013
Les jours sont lentement passés jusqu’à finalement arriver à ce mercredi matin tant attendu. À 10h02, la sage-femme a frappé à la porte.
- Bonjour ! a-t-on clamé en chœur.
- Entrez, lui ai-je répondu avec un sourire chaleureux. Asseyez-vous, ai-je poursuivi en montrant le canapé. Vous voulez boire quelque chose ? Café, thé, jus de pomme ?
- Un jus de pomme, merci, m’a-t-elle répondu en penchant légèrement la tête.
Elle s’était à présent assise et retirait son manteau. Il faisait encore frais malgré que nous étions déjà au mois d’avril. Il ne semblait pourtant pas faire beaucoup plus froid qu’à Paris, mais je supportais pourtant plus mal le climat. Le taux d’humidité y était nettement supérieur, voilà ce qui devait me faire moins bien vivre les températures fraîches.
- Mon conjoint n’a pas pu se libérer aujourd’hui mais m’a noté des questions sur une feuille de papier.
- D’accord, a-t-elle répondu en souriant affectueusement.
Le bouton de la bouilloire a claqué. J’allais la récupérer et l’installais à présent sur un plateau pour avoir tout à portée de main pendant mon entretien avec la sage-femme.
- Au fait, je m’appelle Léa.
- Enchantée, Léa. Du coup, moi c’est Norah.
- Oui ! Et nous pouvons nous tutoyer, je trouve que cela apporte plus de proximité, vu l’expérience que nous nous apprêtons à vivre.
- Oui d’accord ! ai-je lancé de la cuisine.
Il ne me manquait plus que le miel pour sucrer mon infusion. Je l’ai rapidement pris dans le placard, l’ai posé sur le plateau et suis allée rejoindre Léa dans le salon.
- Tiens, ai-je dit en lui tendant son verre de jus de pomme.
- Merci ! C’est votre premier enfant ?
- Oui.
Je marquais une pause avant d’ajouter :
- Autant que tu le saches mais on attendait des jumeaux. Nous en avons perdu un il y a quelques semaines.
- Oh mince… Tu veux qu’on en parle ?
J’ai secoué la tête en signe d’approbation.
- Je pense avoir bien vécu le deuil, mais c’était très difficile pour Sébastien, mon mari. Il rêvait d’avoir des jumeaux. Je crois qu’il a très mal vécu le fait d’être fils unique. Il a toujours pensé qu’en ayant plusieurs enfants, il serait plus heureux et les rendrait heureux de ne jamais être seuls, de pouvoir toujours avoir un camarade pour jouer, se confier, faire des bêtises.
- Je comprends très bien.
- Pour lui, un enfant sans frère ni sœur, c’est triste. Je crois qu’il n’avait jamais été conscient de son désir à ce point mais lorsqu’on a su que c’étaient des jumeaux qu’on attendait, ça lui a fait énormément plaisir. Bien plus qu’à moi, je crois.
- Tu as mal vécu la nouvelle ?
- Non, pas véritablement. J’étais choquée, en fait. Mais il était tellement content que c’était indécent de le montrer de trop. Je pense avoir eu une réaction normale de surprise, mais à côté de lui, forcément, on aurait dit que je n’étais pas contente.
Nous avons ri. Et Léa a eu l’air compatissante. Elle m’a dit avoir très bien compris ma réaction, et m’a avoué qu’elle aurait certainement réagi ainsi, elle aussi, à ma place.
***
- Et comment font les femmes pour gérer la douleur ? Elles n’ont pas peur d’entreprendre un accouchement naturel ? Si j’ai trop mal, qu’est-ce qu’il va se passer ?
- Il existe beaucoup de techniques pour apaiser la douleur et parvenir à mieux gérer son stress... Beaucoup ont peur, et c’est à ça aussi que servent les cours de préparation à l’accouchement. Je vais t’aider à te créer une bulle dans laquelle tu te sentiras bien, à l’aise, en sécurité. Cette bulle, tu pourras t’y réfugier pendant l’accouchement.
- Comment faire pour savoir si on est bien en train d’accoucher ou si ce ne sont que de simples contractions ?
- On en parlera plus en détails en cours de préparation à l’accouchement mais si tu perds les eaux et/ou que tu as des contractions régulières pendant plusieurs heures, ou que le temps entre les contractions se rétrécie, tu es probablement en phase de travail. Si tu prends un bain et que la douleur des contractions ne s’apaise pas, ou peu, il y a de fortes chances que tu sois en train d’accoucher, également.
- Pendant l’accouchement, ce sera toi qui t’occuperas de moi ?
- Oui. Si tout se passe bien pour toi et pour le bébé, ce sera uniquement moi qui serai présente le jour de l’accouchement. Si tout se déroule normalement jusqu’à la fin de la grossesse, ce projet pourra être maintenu, mais bien-sûr, si tu as besoin d’une césarienne, ou pour toute autre raison médicale, nous devrons abandonner ce projet… Si le bébé se présente en siège, ou en cas de grossesse gémellaire, l’accouchement naturel est impossible à envisager, par exemple.
- Une césarienne est programmée si mon bassin est trop étroit pour laisser passer le bébé, c’est ça ?
- Entre autres, oui. Si le bébé se présente en siège, c’est-à-dire tête en bas et qu’il ne se retourne pas, au dernier moment, on peut envisager une césarienne, également...
- On peut ?
- La césarienne n’est pas obligatoire, dans ce cas. Mais l’accouchement ne pourra pas être physiologique, par contre, comme je te disais tout-à-l’heure.
- Je ne savais pas qu’on pouvait accoucher par voie basse d’un bébé positionné en siège… C’est extraordinaire !
- Notre corps est fait pour enfanter. Il met toujours tout en œuvre pour que nous le fassions le plus facilement et en maintenant la santé du bébé et de la mère au maximum.
- C’est magique !
- C’est la beauté de la nature...
- J’aimerai bien rester le moins possible à la maternité après l’accouchement, aussi...
- Si vous le voulez, vous pourrez rédiger un projet de naissance, dans lequel vous noterez tous vos désirs pour l’accouchement, les suites de couches et les premières heures de vie du bébé. Je pourrai vous y aider, si vous en avez besoin.
- Un projet de naissance ? Je ne savais même pas qu’on pouvait faire ça !
- En fin de grossesse, tu devras rencontrer une des sage-femme de l’hôpital, ainsi que l’anesthésiste, au cas où tu aurais besoin d’une péridurale ou d’une césarienne. Vous pourrez leur présenter votre projet de naissance et en discuter avec eux.
- D’accord, merci, ai-je répondu avec un sourire de soulagement
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