Chapitre 36 - 4 janvier 2015

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Je cherchais partout le chargeur de mon portable, sans parvenir à mettre la main dessus. J’ai ouvert le tiroir de mon bureau et ai trifouillé dans la paperasse même si je sentais bien qu’il n’y était pas.

J’avais trop d’affaires, il fallait que je fasse un grand vide dans tout ça. Genre, ce truc : qu’est-ce que c’était au juste ? Une sorte de morceau de plastique, avec un boulon au bout. La pièce retirée d’un meuble ? Oui, mais lequel ? Je pouvais le balancer ou il fallait absolument que je le garde ? Je crois que plus jamais ça n’allait me servir, je l’ai donc jeté. Et il fallait que je me force à me débarrasser d’un tas d’autres merdes qui me pourrissaient la vie plutôt que d’être réellement utiles… Je me suis tellement souvent dit qu’un objet pourrait me servir dans le futur, jusqu’à admettre qu’il ne me servira pas ou très peu. Puis au moment de le donner ou de le jeter, je n’y arrive pas. J’ai tellement peur de manquer, de me tromper et d’avoir jeté quelque chose dont je vais avoir besoin un jour…

Mais là, j’en arrive à un point où c’est plus possible, il fallait que je me discipline et que je sois honnête avec moi-même. Ce qui n’a pas servi depuis plus de six mois, on balance. J’ai cherché dans le fond du tiroir où se trouvaient un tas de papiers mais à en juger par l’épaisseur, il y avait des objets plus gros dans ce fourbis. J’ai attrapé le tout et ai commencé à trier. J’ai senti un petit bout de papier cartonné, que j’ai pris pour regarder ce que c’était.

« Laure Delmont – comprendre son essence »

C’était la carte de visite de la psy que Shannah était allée consulter et chez laquelle elle a appris qu’elle avait eu un jumeau. J’avais pris rendez-vous avec elle, il y a longtemps, lorsqu’on a perdu le jumeau, avec Norah. Mais finalement, après trois rendez-vous, j’ai arrêté d’y aller.

Je commençais à sentir la colère… Non, c’était de la rage qui montait en moi. Comment elles ont pu me faire ça ? Elle se disait mon amie, pourtant. Fallait plus que j’y pense parce que j’allais devenir fou.

                     ***

5 janvier 2015

- Bonjour, je voudrais prendre rendez-vous, s’il vous plaît.

- Oui, bien-sûr. Quelles sont vos disponibilités ?

- Vous consultez le samedi ?

- Oui, le matin.

- Ce serait parfait.

- Je peux le 17, dans deux semaines, donc. À 10h ?

- Oui, très bien. Je note.

- C’est à quel nom ?

- Sébastien Carrez.

- D’accord… On s’est déjà vus il y a quelques temps.

- Oui, en effet… après, je pouvais plus...

Je me sentais con, je ne savais plus quoi dire.

- D’accord, pas d’inquiétude, Sébastien.

- Merci.

- Merci à vous. À bientôt !

- Oui, à bientôt. Bonne journée.

- Merci, également.

Après avoir raccroché, j’ai lu ce qu’il y avait au dos de la carte. Je l’avais retournée pendant mon entretien téléphonique mais j’étais plutôt perplexe.

« Psychothérapie, kinésiologie, rebirth »

Kinésiologie ? C’était quoi, déjà ? Je détestais tous ces nouveaux métiers qui se résumaient bien souvent à une seule chose : brasser du vent pour arnaquer le client. Mais bon, là, j’avais besoin de parler à quelqu’un que je ne connaissais presque pas. En plus, elle n’était pas du tout comme je m’y attendais. Son cabinet était beau, propre. Elle présentait bien, était habillée normalement. Enfin, vous voyez ce que je veux dire ? Je m’attendais à voir une chamane en sarouel avec des dreadlocks et je vois une belle jeune femme en jean slim avec un chemisier noir et des cheveux lisses et brillants de propreté . La coupe au carré.

La dernière fois, je n’ai pas eu la force de continuer à aller la voir mais la manière dont elle s’était comportée, sa douceur, son empathie et en même temps sa fermeté et sa rigueur m’ont donné confiance en elle. Elle pouvait m’aider à aller mieux. Et j’en avais vraiment besoin.

Ça m’embêtait beaucoup de me dire que c’était à moi de faire quelque chose pour aller mieux, et non à ceux qui me faisaient du mal. D’ailleurs, c’étaient ceux-là même qui ressentaient du bonheur et de la joie de vivre en ce moment, alors qu’ils m’ont tant éprouvé. J’avais des pulsions qui me donnaient envie de leur faire du mal rien qu’en y pensant. Mais ça, je ne pouvais pas me le permettre. Et je ne voulais pas ressentir ça. Je ne voulais pas être comme ça.

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