Chapitre 37 - 4 janvier 2014
- Je voudrais vous inviter à une réunion de l’antenne associative Étoile filante dont je suis Présidente. Elle vient en aide aux parents qui ont subi un deuil périnatal ou la mort in utero de leur bébé.
Je laissais traîner la fin de la phrase.
- Oh… je suis désolée pour vous… a répondu Caroline.
Elle avait marqué une pause.
- J’attendais des jumeaux, l’un d’eux nous a malheureusement quittés. Je m’étais rendue chez les parents de ma voisine apicultrice afin d’y trouver sa sœur. Maintenant que leur père m’y avait invitée, je n’allais pas me dégonfler.
- Oh… a-t’elle soufflé.
- C’est la vie !
Je trouvais cette phrase ridiculement bateau… mais je ne savais que dire d’autre pour remplir les vides dans la conversation, qui avaient le don de m’angoisser.
- La douleur est passée, ça va mieux maintenant, l’ai-je rassurée.
- Tant mieux, je sais à quel point ça peut être difficile.
Nous étions enceintes toutes les deux lorsque nous nous sommes rencontrées, au supermarché du coin. Elle était plus avancée dans la grossesse que moi. Nous nous sommes revues quelques temps après et en lui demandant comment cela se passait, elle m’a annoncé qu’elle l’avait perdu. Elle était assise dans sa voiture, et je n’aurais pas pu remarquer de changement, à vrai dire. Elle a accepté mon invitation avec plaisir, et soulagement, manifestement. Elle en avait les larmes aux yeux. On a continué de parler de nos bébés, puis de ma future maternité et de ses enfants. Caroline m’a ensuite raccompagnée jusqu’à la porte. Nous avons échangé nos numéros de téléphone portables, afin de garder contact, pour les futures réunions de l’association mais aussi pour nous rencontrer à d’autres moments, et échanger comme nous l’avons fait cette fois-ci.
En marchant jusqu’au chemin en cailloux qui rejoignait la route communale, j’ai aperçu la sœur de Caroline qui marchait jusqu’aux ruches. Comme elle a regardé dans ma direction en me souriant, je lui ai lancé :
- Merci pour la dernière fois. Je me rends compte que je n’ai pas pris le temps de vous le dire...
- Je n’ai rien fait de spécial. Elle se rapprochait de moi. - Vous m’avez écoutée, sans me juger, ai-je rétorqué plus doucement. - Vous n’avez presque rien dit...
- C’est votre attitude bienveillante qui a fait que je me suis sentie bien mieux ensuite.
- À moi aussi, ça m’a fait du bien...
Je sondais son esprit en fixant ses yeux.
- Merci, a-t’elle ajouté.
Mes yeux regardaient les siens, tantôt le droit, tantôt le gauche.
Elle avait un liseré noir autour de l’iris, ce qui accentuait le bleu très clair de ses yeux. Et rendait son regard très intense, hypnotique, même. Elle, elle regardait ma bouche puis mes yeux, passant de l’un à l’autre sans cesse…
- Je dois rentrer chez moi. À bientôt, ai-je dit en chuchotant presque, et en rosissant légèrement.
- Là, je n’ai pas le temps mais à l’occasion, je vous montrerai ce que je fais...
- Avec plaisir, ai-je répondu avec plus d’entrain.
On n’a rien dit pendant quelques secondes.
- Bon, ben, à bientôt !
- À bientôt ! Ai-je répondu en déglutissant avec difficulté.
Je lui ai fais un signe de la main avant de m’éclipser, et que mes joues cramoisies ne se remarquent trop. Je me sentais mal. Je n’avais pas le droit de faire ça. Pas dans mon état. C’était injuste pour Sébastien, et certainement pour mon bébé. Mais en même temps, quand j’essayais d’arrêter, je n’y arrivais pas.
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