Chapitre 39 - 4 janvier 2014

2 minutes de lecture

Je m’en voulais d’être aussi intrusive, mais je pourrais le jurer, je ne l’ai pas fait exprès. Je n’étais pas du genre à écouter aux portes, d’habitude. C’est juste que là, je devais réparer l’enfumoir, et que j’ai malencontreusement entendu ce que Norah disait à Caro...

Norah… j’ai entendu mon père l’appeler comme ça, tout à l’heure. Ce prénom lui va comme un gant. C’est donc ça qui la rendait si triste, depuis quelques jours. Je me suis soudain sentie très nombriliste d’avoir pu penser que ses problèmes l’avaient éloignée de moi. Mais en aucun cas je l’ai moins aimée lorsqu’elle m’est apparue de la sorte. Comme je voudrais la prendre dans mes bras pour lui dire que tout va bien aller, car je suis là pour elle.

- Tu délires, ma jolie… elle est mariée avec un homme. Déjà, elle est pas libre, et en plus, elle te regardera jamais, t’as trop de poitrine et pas assez de poils...

Je pouffais. Au moins mon double me faisait rire aujourd’hui.

Je sentais vraiment quelque chose quand mon regard croisait le sien. Quelque chose de réciproque… d’unique, de doux, de tendre. Nous nous sommes parlé un instant lorsqu’elle est sortie de la longère de mes parents, et en fait, nous avons plutôt échangé de longs regards intenses. Je sais que jamais il ne se passera rien entre nous. Mais ce n’est pas grave. J’ai juste envie d’être près d’elle. De l’écouter, de lui apporter mon soutien et de la voir tous les jours pour savoir si elle va bien. C’est de l’amour ou de l’amitié quand une histoire d’amour n’est possible que dans son imaginaire mais qu’on peut pas s’en empêcher malgré tout ?

Un peu plus tard, j’étais en train d’emmener le fameux enfumoir chez l’homme à tout faire du coin. Je n’aimais pas spécialement lui demander service, mais là, je ne m’en sortais pas toute seule. Et lui, c’était le McGyver du village, rien ne lui faisait peur. Et discret avec ça, ce qui m’arrangeait : je détestais l’idée que quelqu’un sache que j’ai besoin d’aide. Ce n’était pas facile de s’imposer en tant que chef d’exploitation face à tous ces machos de première…

J’aurais pu en acheter un autre, car ça ne coûte pas bien cher, mais j’aimais réparer les choses plutôt que de les jeter et d’acquérir du neuf. Ça faisait partie de la philosophie apicole, de la pensée écologique qui allait de soi lorsqu’on se lançait dans ce genre d’aventure.

En descendant de mon vélo pour me rendre à son atelier, je passais devant la boutique de la couturière qui avait exposé des petits chaussons pour nouveaux-nés dans sa vitrine. Ils étaient magnifiques. Beaucoup considéraient qu’il était d’usage de n’offrir de cadeaux de naissance qu’à la naissance, justement. Par superstition.

- Vas-y, ça va la toucher, tu marqueras des points. Tu en as bien besoin, si tu espères quelque chose avec elle… et puis franchement, elle a déjà perdu un bébé, un deuxième, ce serait vraiment pas de chance, non?

- La ferme, toi, marmonnais-je, pour envoyer gentiment balader mon ego qui était d’une exquise douceur, aujourd’hui.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Natacha Fourrageat ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0