- Aaah, bonjour Norah, a lancé avec bonne humeur le père de Shannah.

Il avait ouvert les bras en tournant les paumes de ses mains au ciel, comme si j’étais une apparition divine. Je retirais le haut de la combinaison, qui recouvrait ma tête d’un couvre-chef, puis d’un filet devant mon visage, comme chaque combinaison d’apiculteur comportait. Cela m’a paru plus poli afin de répondre à mon interlocuteur.

J’avais commencé à le mettre alors que nous n’en avions pas encore besoin. Je me suis sentie très con d’avoir fait ça, tout-à-coup.

- Bonjour André, ça va ? ai-je répondu nerveusement.

Ma voix tremblait et je commençais à rougir. Je suis sûre qu’il s’en était rendu compte et je me forçais à ignorer Shannah car la simple idée qu’elle puisse me voir dans cet état me donnait envie de me liquéfier.

- Très bien, merci. Et toi ?

- Oui, très bien aussi.

Et Dieu sait que c’était vrai, pour une fois. Ce que je venais de vivre était délicieusement bon, car cette femme me captivait, m’enivrait...

- Allez, je vous laisse à votre visite! N’énervez pas trop les abeilles en piaillant !

Shannah avait un regard noir, puis elle a levé les yeux au ciel en soufflant par le nez. Moi, j’étais déjà en train de m’avancer vers elle, presque en courant, pour la rattraper, ne faisant pas vraiment attention à ce qu’André venait de dire.

- Oui, merci… ai-je répondu d’un ton neutre.

- Oui, oui, à plus tard, a rétorqué Shannah, en balayant d’un geste nerveux de la main en direction de son père.

Je me dépêchais de la rejoindre. Elle m’attendait à quelques mètres. Je lui lançais un regard un peu plus appuyé pour lui signifier que j’étais heureuse d’être avec elle. Mais surtout que je suis venue pour ce qu’il s’est passé tout à l’heure.

Est-ce qu’elle a aimé ça elle aussi ? Sur le coup tout me semblait clair. Maintenant je doutais ; elle paraissait si sérieuse, tout à coup.

- Pardon, mon père est un peu lourd, parfois, a-t’elle dit une fois qu’on s’était un peu éloignées.

- Ça va, je l’aime bien.

Elle a eu un petit rire sarcastique.