Chapitre 74 - 15 mars 2028

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- Shan ?

- Ouais ? T’es où ?

- Dans ma chambre…

Je l’avais appelée en l’entendant se rendre à la salle de bains.

- Ça va ? m’a-t’elle questionnée.

- Oui, oui, ça va !

Elle était contre l’encadrement de la porte et attendait que je lui parle.

- Y’a un souci ?

- Non… c’est juste que je voudrais que tu me donnes le numéro de la dame que t’es allée voir… la psy ou je sais plus ce qu’elle fait…

- Oui d’accord. Tu vas en parler à Norah ?

- Ben oui… j’ai pas d’argent pour y aller toute seule…

Elle a ri.

- Oui, bien-sûr.

Elle était en train de chercher dans son portable pendant que j’attrapais un morceau de papier et un stylo pour noter.

- Je t’écoute, lui a-je annoncé.

- Alors : 07, 52…

- Oui ?

- 34, 22, 23.

- Ok ! Top ! Merci!

- Je trouve ça bien que tu veuilles prendre les choses en main.

- Merci…

Elle attendait, sentant que j’avais autre chose à lui dire.

- Je pense que Sandra devrait y aller, aussi.

- Vous en avez parlé ensemble ?

- Non. Je pense qu’elle croit que c’est moi qui ait des problèmes.

- Ma puce, si déjà elle a pas conscience de ses soucis, elle risque pas de consulter.

- De toute façon, j’ai coupé les ponts.

- Tu as bien fait. Ça peut pas bien se passer tant qu’elle n’a pas réglé tout ça.

- C’est dommage parce que c’est une fille bien, au fond.

Elle a soupiré profondément.

- Je comprends ta déception. Maintenant, elle semble pas beaucoup regretter de t’avoir frappé, quand même !

- Si! Elle m’a demandé pardon, lui ai-je coupé la parole.

- C’est à elle de prendre la décision de se faire aider, toute seule.

Silence… on réfléchissait toutes les deux à la situation.

- Vous avez une relation ambiguë, j’ai l’impression ?

- C’est-à-dire ? Ai-je répondu sèchement en arquant mes sourcils et en rougissant.

- Je suis pas bête, je vois bien qu’elle fait que t’ennuyer, toi tu te fâches, puis elle te demande de la pardonner, ce que tu fais à coup sûr, à chaque fois…

- On se parle plus je te dis !

- T’es sûre ? Parce qu’elle a appelé, tout à l’heure !

- Quoi ?

- T’étais pas rentrée, encore.

- Ah… J’ai soufflé un grand coup.

- Je sais pas pourquoi elle me harcèle, j’ai du lui dire au moins trois fois d’arrêter de me parler. Ça devient lourd !

- J’ai connu ça, moi aussi. Un garçon était obsédé par moi au collège !

- Il te harcelait ?

- Il me faisait pas de mal, enfin c’était pas intentionnel, comme le fait Sandra, tu vois. Mais il me suivait partout, il m’écrivait des lettres…

- Il était amoureux de toi, quoi…

- Sandra aussi, certainement.

Je regardais mes pieds, tout-à-coup, les implorant de trouver de quoi faire diversion, et qu’ils me sortent de cette situation gênante.

- Pardon, je voulais pas te gêner, a repris Shannah. On n’en parle plus. Si tu veux, je t’amènerai au collège, demain, et je viendrai te chercher. Et je lui toucherai deux mots. T’as qu’à hocher de la tête de gauche à droite si c’est non, et de haut en bas si c’est oui.

Je hochais la tête de haut en bas.

- Tu as certainement besoin de te faire aider à comprendre des choses, mais tu as aussi besoin que quelqu’un de l’établissement t’aide avec elle. Te mette en sécurité, je veux dire ! Ils sont là pour ça, aussi, tu sais ?

Je soupirais fortement.

- Je te laisse, a-t’elle fait avant de reprendre le chemin de la salle de bains.

Quant à moi, j’ai descendu les escaliers en hâte, ai attrapé le téléphone fixe, ai cliqué sur le bouton de rappel sans même vérifier s’il s’agissait du bon numéro… après avoir pressé la touche d’appel, j’ai attendu que quelqu’un daigne me répondre. Au bout de cinq sonneries, le répondeur s’est déclenché.

J’étouffais un rire, et me reprenais en soufflant… Son message d’accueil était d’une nullité déconcertante. Mais bon, me moquer d’elle, ça allait pas m’aider. Je descendais pour aller chercher le numéro de fixe de Sandra sur l’annuaire en ligne.

Je pressais la touche démarrage du PC, puis, une fois que cette machine lente comme une tortue a enfin décidé de s’allumer, je tapais le nom de Sandra dans la barre de recherche du site.

Merde ! Plusieurs noms s’affichaient, et évidemment, je ne connaissais pas le prénom de ses parents, donc je n’avais aucune idée duquel était le bon.

Voyons voir, elle m’a dit qu’elle habitait près du cinéma. Je regardais le plan de la ville pour voir les noms de rue dans les alentours en vérifiant les adresses citées sous les différents noms apparaissant dans les résultats.

Ah ! Ça y est ! Je pensais avoir trouvé ! Je composais le numéro qui s’affichait sur mon téléphone et attendait qu’on me réponde.

- Allô ? A fait une voix faiblarde.

Ah mince, celle-là je m’y attendais pas. Je regardais le combiné pour vérifier le numéro… c’était bien celui de Sandra, enfin je l’espérais. C’était une femme à la voix fatiguée qui avait répondu, peut-être sa mère…

- Allô ? A repris la voix cadavérique.

- Bonjour Madame, est-ce que Sandra est là, s’il vous plaît ?

- Euuuh, je l’appelle… Sandra ! A-t’elle hurlé tout-à-coup.

Contre toute attente, elle venait de m’exploser le tympan. Quelques secondes après, j’entendais la voix de Sandra :

- C’est bon, passe-le moi ! A-t’elle méchamment ordonné. Oui ?

- C’est Anouk !

- Ah salut, meuf, ça va ? S’est-elle radouci.

- Non, ça va pas. Je veux plus que tu m’appelles, je veux plus que tu me parles, c’est clair ? Tu me lâches, c’est du harcèlement...

- Tu te donnes un peu trop d’importance…

- Ouais, c’est ça. Je sais que t’es hyper occupée à faire croire aux autres que tu t’en fous de tout mais tant que tu réagiras comme ça, je veux pas de toi dans ma vie. Je t’aime bien, au fond, mais t’as trop de soucis à régler et je suis pas ton punching-ball, OK ? Allez, ciao !

Sur ce, j’ai raccroché sans attendre sa réponse.

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