Chapitre 76

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- Salut !

- Salut.

- C’est moi ou l’ambiance est bizarre ? Ai-je dit à Lola en arrivant au collège.

Je regardais partout autour de moi, et tout le monde était calme, certains élèves donnaient même l’impression qu’ils allaient se mettre à pleurer.

- T’es pas au courant, ou quoi ?

Lola s’était arrêtée de marcher d’un coup.

- Faut croire que non, ai-je marmonné en ralentissant mes pas, pour finalement m’arrêter en me tournant vers Lola.

Elle a inspiré très fort. Et a soufflé plus fort encore par le nez.

- Bon, ben, raconte-moi ! L’ai-je pressée.

- Sandra est à l’hôpital.

- Quoi ? Qu’est-ce qui lui est arrivée ? Elle va bien ?

- Non. Elle a fait une tentative de suicide.

- Pardon ?

- C’est sa mère qui l’a trouvée alors qu’elle l’appelait désespérément pour le repas du soir. Elle était allongée sur son lit, elle bougeait plus. Elle a failli mourir.

J’étais hors du temps. Je ne savais plus quoi dire. Je ne pouvais plus bouger. C’est Lola qui m’a tirée de mon apathie :

- Regarde ce que cette connasse a posté hier ! A-t’elle lancé en me tendant son portable.

- Qui ? Sandra ?

Le moment me semblait mal choisi pour la qualifier de la sorte. J’étais outrée.

- Mais non ! Albane ! Je suis sûre que c’est elle ! A-t’elle presque hurlé, en plaquant aussitôt la main sur sa bouche et en regardant à droite et à gauche.

- Ah ! Me suis-je écriée de soulagement en attrapant son portable.

Cet état n’a duré qu’une seconde. Devant mes yeux, un post horrible, le dernier d’une série dans le même genre. On voyait Sandra de dos face à un garçon manifestement mécontent.

Mais ce n’était pas vraiment la photo qui était importante. On interrogeait les lecteurs sur les motivations sexuelles de Sandra. Celles qui lui permettaient de refuser, pour la deuxième fois consécutive, les avances d’un garçon « qu’elle ne devrait même pas intéresser ». S’ensuivait des propos vraiment dégradants à son encontre. Était-elle gouine ou avait-elle seulement peur qu’on découvre qu’elle était nulle au lit ? Une fille banale et « pas top physiquement » comme elle peut-elle se permettre ce comportement ? Et enfin, le plus croustillant pour la fin, le moment où Albane décrit quand Sandra a voulu partir de chez Hugo : « Un papa bourré qui arrive même pas à aligner deux mots. ».

J’ai parcouru les commentaires, qui étaient tous choquants, et affreusement violents. Ils suggéraient à Sandra de consulter, au mieux, et au pire, de quitter ce monde. Parmi eux, mon regard est resté fixé sur :

« Pauvre déché, tire-toi une bale »

« Si javé un père pareil je me serai barré depuis lonten. Ta pas honte ?»

« Combo gagnant : plate avec un gros cul »

« C’est quoi ton problème ? T’as tout et tu craches dessus, va te pendre, sale pute! »

C’était trop !

- Il faut signaler ça, tout-de-suite! Me suis-je écriée.

- Déjà fait, m’a rassurée Lola.

- Comment ça se fait qu’Insta autorise ça ?

- Plein de commentaires ont été supprimés.

- Ça suffit pas ! C’est le post entier qu’il faut supprimer !

- Je sais…

- Du coup, vu que c’est pas de son compte qu’elle a posté ça, on a aucune certitude que c’est elle !

- Je le sais que c’est elle !

- Oui, moi aussi, mais au niveau juridique, pour prouver ça, je veux dire. Comment on fait ?

- J’en sais rien. Rends-le moi, steuplé, a demandé nerveusement Lola pendant que je faisais défiler la page Insta.

- Attends, je regarde, un peu.

- Non, vraiment, meuf, arrête.

Je le savais. Il y avait des posts où j’étais mentionnée. Elle avait même posté des deepfakes avec ma tête.

- Comment elle a fait ça, putain?

- Déjà, c’est pas elle. Elle a juste pris une photo de toi sans te le demander. Et le montage ça doit être le frère de Léo qui l’a fait. Il s’y connaît en informatique. J’ai tout signalé.

- Shannah m’a dit que le numéro d’écoute pour les personnes cyber-harcelées pouvait accélérer les procédures de retrait des posts violant les droits des personnes qui y figurent.

- Ah ouais?

La deuxième sonnerie a retenti. On avait déjà ignoré la première.

- Je vais les appeler tout à l’heure. T’inquiète pas.

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