Chapitre 77 - 6 juillet 2018
Après de longs mois à errer sans but et à en vouloir à la Terre entière, j’ai décidé de reprendre les choses en main. J’ai repris rendez-vous avec Laure. Je voyais de moins en moins Anouk. Et je me sentais malheureux. Mes parents me faisaient du mal et je n’avais pas d’amis à qui parler. Avec Anthony, depuis qu’il était avec sa nouvelle copine, on se voyait plus trop.
Après quelques séances avec Laure, j’ai décidé de mon propre chef de reparler à Shannah. On s’est retrouvés dans un salon de thé qu’on adorait tous les deux. Quand elle est arrivée elle est restée toute penaude à serrer ses poings et à caresser le dessus de ses index avec ses pouces, debout, devant la table à laquelle je m’étais installé. Je me suis levée assez maladroitement.
- Ben, assieds-toi !
- Oui, d’accord. Merci.
On s’est assis face à face.
- J’ai commandé le thé vert aux agrumes que tu aimes…
- Super !
- Avec de la tarte au citron.
Elle a ri de son rire espiègle dont elle seule détient le secret.
- Je savais que ça te ferait plaisir.
- Pas plus que de passer du temps avec toi.
- Touché.
- Tu vas bien ?
- Bof… Et toi ?
- Ça va.
J’ai soupiré longuement. Je savais plus quoi dire. Je me sentais con. J’espérais que tout redeviendrait comme avant mais ça n’a pas marché. Bon, au moins, je me sentais plus en colère.
- Tu as rencontré quelqu’un ?
- Non. Enfin si, mais c’est pas la bonne personne.
- Ah ? Tu veux me raconter ?
- Oui…
J’ai hésité.
- Je sais pas…
- C’est normal qu’on se sente mal. Ça va pas être naturel au début. Et puis je suis sûre que ça redeviendra comme avant…
- Je sais pas.
- Séb, t’es mon ami. J’ai jamais voulu te faire de mal.
- Je sais. J’ai juste eu l’impression qu’on m’a pris pour un gros con.
- On n’a jamais fait ça. On n’a pas décidé de nos sentiments. On s’est dit qu’on ne devait pas se voir. C’était la volonté de Norah mais j’étais d’accord de toute façon. Et ensuite la vie a fait qu’elle a décidé de te quitter. Toi non plus tu l’aimais plus…
- Oui, mais c’est pas ça le problème.
- C’est quoi alors ?
- Ben, déjà, j’ai deviné tout seul que vous étiez ensemble.
- On allait te le dire. C’était pas facile.
- Et en plus, t’étais amoureuse de Norah, et pote avec moi. Comment tu te sentirais si je faisais ça avec ta femme ?
- Oui, je comprends. Je l’ai toujours caché parce que je ne disais rien à Norah, non plus. J’ai jamais rien tenté. On a décidé de se mettre ensemble quand elle m’a dit qu’elle allait te quitter.
J’ai baissé la tête et j’ai soufflé un grand coup par le nez. Le thé et les tartes au citron ont été amenées à ce moment-là par le serveur. Shannah m’a regardé de ses yeux profonds. Elle m’a tendu la main. J’ai tendu la mienne en retour. Puis, elle s’est levée et est venue s’asseoir à côté de moi sur la banquette. On s’est pris dans nos bras pendant quelques secondes.
- J’ai plus envie de vous en vouloir. J’ai envie de voir Anouk plus souvent.
- On t’en a jamais empêché.
- Non, mais j’avais pas envie de vous voir donc un week-end sur deux c’était largement suffisant.
J’ai marqué une pause.
- Et puis, j’étais pas en état pour m’occuper d’Anouk plus souvent. Je parle plus à mes parents depuis plusieurs semaines. Je voudrais renouer le contact avec eux pour elle mais c’est difficile. Ils se sont mal comportés et ils l’avouent même pas… Bref, No a du t’en parler.
- Oui, en effet. Je comprends que ce soit dur.
- Je passerai à la maison tout à l’heure récupérer Anouk. Et si ça vous dérange pas je la prendrai le week-end prochain aussi parce qu’Anthony se marie dans deux semaines. Je suis son témoin et j’aimerai m’amuser un peu. Norah a du te dire ?
- Oui, bien-sûr ! Pas de soucis. Toujours aussi délicieux, ici !
- C’est clair. Je vais avoir mal au bide, mais bon, ça vaut le coup !
- Bon, alors, tu vas me raconter, avec la fille ?
J’ai rigolé.
- Tu perds pas le Nord !
- Jamais !
- Ben, j’ai un peu flashé sur Laure.
- Ah.
- Voilà. Fin de l’histoire.
- Mais tu continues à la voir ?
- Ben, j’ai recommencé, y’a quelques semaines. Mais ça faisait genre 3 ans que j’y étais pas allé.
- Tu lui en as parlé ?
- J’avais pas envie de me prendre un vent…
- Oui, je comprends.
- Mais bon, je lui ai dit que j’allais arrêter de venir la voir. Je lui ai expliqué que c’était pas contre elle mais que je l’aimais bien, depuis longtemps, et qu’il me semblait que c’était pas bien de continuer. Je nourrissais des espèces de fantasmes malsains. Elle a dit qu’elle comprenait ma démarche, et qu’elle était d’accord. Là, je te la fais courte parce que j’ai honte. Elle a été moins froide que ce à quoi je m’attendais mais quand même, elle m’a pas dit si elle avait des sentiments pour moi ou quoique ce soit.
- C’est compliqué pour elle. Tu es son client.
- Ben oui, je sais. Une part de moi aurait quand même voulu que tout ça se passe autrement. Qu’elle me dise ce qu’elle ressentait même si elle n’avait aucun sentiment pour moi, tu vois ?
- Oui, bien-sûr.
- J’ai beaucoup déprimé aussi parce que quand Anouk était bébé, juste après le divorce, j’en ai appris plus sur ma sexualité grâce à elle. C’était dur.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- J’ai compris, enfin, j’ai réalisé que j’étais pas attiré par le sexe, en fait.
- D’accord. Mais tu as une attirance sexuelle pour elle?
- Ben non. C’est son esprit brillant qui m’attire. C’est comme si mon esprit et son esprit faisaient l’amour dans mes fantasmes. Sauf que c’est tout sauf sexuel. Je sais pas, c’est très naturel pour moi mais j’ai compris que la plupart des gens ne fonctionnaient pas du tout comme ça. Je ne sais pas l’expliquer autrement.
- Je vais essayer de partir du fait que tu as une attirance pour quelqu’un mais que c’est son intellect qui t’intéresse et non son corps. C’est ça ?
- Oui, on peut dire ça. Ça m’a manqué de te parler… qu’on se voit, tout ça !
- Moi aussi. Beaucoup.
Elle avait des larmes qui commençaient à perler. Et là, ça m’a beaucoup ému car je n’avais jamais vu Shannah pleurer.
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