Chapitre 80

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Je ne savais pas vraiment ce que je faisais mais tant pis, il fallait faire quelque chose. Je savais tout, même si personne ne voulait rien me dire. Cette fille se faisait harceler par son « amie » depuis des mois, et reportait sa colère sur Anouk.

Pourquoi elle ? Elle lui plaisait, c’était certain, mais elle n’avait pas l’air d’avoir envie que ça se sache. Les jeunes faisaient comme s’ils étaient ouverts, conscients, bienveillants et libres mais ils avaient les mêmes foutus problèmes que nous à notre époque. Complètement flippant.

Au moins, en rentrant à la maison, Anouk n’avait pas à subir toute cette haine sur les réseaux sociaux. Je commençais à trembler en entrant dans le couloir de l’hôpital. Il fallait que personne ne me voie, c’était mieux. J’ai dit à la secrétaire à l’entrée que j’étais sa tante et je me suis presque mise à pleurer. Ça a marché, elle m’a donné le numéro de la chambre. Elle m’a dit que les visites n’étaient pas autorisées sauf pour les parents et les frères et sœurs mais que je pouvais y aller pendant quelques minutes, pas plus.

Je me sentirai pas en sécurité à sa place, on entre comme dans un moulin, ici. Mais bon, elle savait pas que j’étais là, et encore moins qui j’étais.

Chambre 19, on y est. Un coup d’œil à droite et à gauche avant d’ouvrir la porte. Personne.

- Bonjour !

Après les trois secondes pendant lesquelles elle m’a scrutée de haut en bas, elle a demandé :

- Vous êtes qui ?

- Je suis la psychologue, je m’appelle Norah.

Je savais pas pourquoi j’avais dit ça. Bon, trop tard… Fallait vraiment que personne rentre parce que sinon tout allait foirer.

- Ah. Pourquoi vous êtes là ?

- Et toi, pourquoi tu es là ?

- J’en sais rien, c’est pas là que je veux être.

- Bon, ben, pars, alors !

- Quoi ?

- La porte est ouverte, tu es libre.

- Je suis mineure, et on part pas comme ça de l’hôpital.

Ah oui, merde, elle a que 16 ans.

- On y rentre facilement, en tout cas.

Fallait que j’arrête de la provoquer comme ça, ça allait partir en eau-de-boudin.

- Vous devriez pas me dire que la vie est belle, que je suis trop jeune pour mourir, ou ce genre de conneries ?

- Tu as raison. C’est des conneries tout ça.

- C’est ça qu’on apprend quand on veut devenir psy ?

- Non, pas vraiment. Mais la vie peut être belle, parfois. Ça c’est vrai, par contre. Comme elle peut être hyper dure, aussi.

- Si vous attendez que je vous parle de mes problèmes, vous pouvez aller voir le patient d’à côté. Je vous dirai rien. Je vous connais pas. Et vous êtes hyper chelou.

Je haussais les sourcils, stupéfaite par tant de sincérité. Elle cherchait à me déstabiliser mais j’en ai vu d’autres.

- D’ailleurs j’en ai pas, de problèmes. À part qu’ici la bouffe est dégueu et que niveau intimité, j’ai connu mieux.

Elle a ri jaune.

- Ah oui, tu veux parler de quand ta vie personnelle est étalée sur les réseaux et que tout le monde met un petit commentaire sympa, même des gens que tu connais pas ?

Elle s’est raclé la gorge.

- Je vois pas de quoi vous parlez.

- Ah ouais ? T’es sûre ?

- Putain, mais vous êtes grave, vous. Ça se fait pas de parler comme ça aux gens !

J’avais bien remis les choses à leur place. Mais bon, l’idée c’était de gagner sa confiance, quand même.

- Qu’est-ce que tu crois qu’il va t’arriver si je dis à la police que tu as harcelé une autre élève? Et qu’en plus de ça tu as tenté de te suicider ? Tu iras en centre éducatif fermé, ou pire, en hôpital psychiatrique !

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