3.1
Même les rébéens vinrent saluer Pratha lors de son départ. Officiellement, l'adepte devait intercéder auprès du Prince pour que ce dernier alloue des fonds exceptionnels au Chram, en vue de la rénovation de certains bâtiments. C’était le narratif qui avait été donné à tout le monde. Pourtant, Sayyêt sembla sceptique lorsque l'adepte lui avait expliqué pourquoi il passait autant de temps à l’écurie. Jébril, quant à lui, lui souhaita une «bonne transaction» dans un djahmarati approximatif.
Le cheval de Pratha se jeta fièrement sur la route du sud-est, dont le tracé ondulait à travers les forêts. Les perroquets, seuls oiseaux à avoir élu domicile dans le Chram, furent bientôt remplacés par des torquéoles à collier et des barbus verts. Le ciel se retrouva progressivement obstrué par les lianes abondantes de la région. Le chemin de terre céda la place à des pierres éparses et usées, puis à de véritables routes construites par la Compagnie des Infrastrctures Princières de Samsharadh. Emblème de la ville, l'éléphant ailé d'Eshev apparaissait de temps à autres sur l'extrémité des pavés. Les jungles bruyantes et humides disparurent après un peu plus de cinq heures de trajet. Pratha s'engagea alors sur les Grandes Plaines Centrales, sous un ciel occupé par une Lune étincelante.
L'adepte fit halte dans une auberge tenue par un monsieur à grosses lunettes qui l’assailla de questions concernant la vie au Chram, puis repartit à l’aurore. Après cinq heures de trajet supplémentaires, il aperçut enfin les grandes murailles pourpres de Samsharadh, baignées dans la lumière du zénith. L'eau du Jangour, qui, de loin, aurait pu passer pour propre, coupait le paysage en deux. Bien sûr, Pratha se rappela immédiatement qu’il ne fallait pas se fier à cette impression ; on ne comptait plus le nombre de corps offerts à l'eau, d’épaves de bateaux de pêche pourries jusqu’à la moelle et de toutes autres horreurs qu’on ne voulait surtout pas (re)découvrir. Il aperçut également une sorte de fumée noirâtre s’élever jusqu’au niveau du Mont Royal, loin derrière. L’adepte enfourcha son cheval à toute vitesse et parvint en un rien de temps à la Porte du Couchant. Derrière les remparts, on distinguait nettement le bruit de trompettes militaires, accompagnées de pas lourds qui faisaient trembler le sol.
«Papiers, s’il vous plaît, demanda le douanier dont l’attention était absorbée par les bruits de l’intérieur.
- Voici. Une lettre de la part du Grand Qalam du Chram d’Apourna, j’ai pour mission de voir... Bhagttat... souffla Pratha.
- Sa Majesté, reprit le douanier.
- Sa Sérénissime Majesté Bhagttat Ier», répéta ironiquement l'adepte.
Le douanier appela un garde, pris dans une partie de cartes, et lui ordonna d’accompagner l'arrivant jusqu’au palais princier.
«Modshi ! déclara gaiement le soldat, heureux d’être extirpé de la monotonie de son quotidien.
- Pratha», répondit l’adepte en empoignant chaleureusement sa main.
Ce dernier généra tout de suite une véritable sympathie chez lui. Peut-être étaient-ce ces yeux rouges et pétillants, ce sourire sincère et communicatif, les beaux reflets bleu marine sur sa peau, ou plus simplement, le fait que cet homme ressemblait fort à ce bon vieux Gopta, certainement occupé à surveiller les moindres faits et gestes des étrangers, au Chram. Modshi portait à l’épaule un fusil d'un modèle très perfectionné, auparavant réservé aux aristocrates, et dont la longue crosse se terminait en trompette, d'une manière comparable à celle des armes rébéennes. Son uniforme aussi était différent de celui porté par les troupes djahmaraties quelques années auparavant. Le pourpre, jusque là caractéristique des forces de la Principauté, était quasiment absent, à peine signalé en de rares points, et avait été remplacé par une sorte de mosaïque composée des différentes couleurs que l’on retrouvait dans la nature environnante.
En ville, des marchands beuglaient dans les diverses langues de la région, vendant, selon leur dires, «les meilleurs produits de tout le continent» à des flots de Samsharadhis pressés d’alléger leurs bourses. Pratha aperçut quelques peaux-blanches à travers la foule, fait relativement rare dans la région.
«Vous jouez souvent aux cartes ? demanda Modshi.
- Pas tellement, je préfère les jeux où il n’y a pas de hasard, répondit Pratha, le nez enivré par les épices sur les étals.
- Ha ! Je peux vous comprendre ! Malheureusement, à la garde, on va dire que mes collègues capables de jouer à de vrais jeux se comptent sur les doigts d’une main... Que diriez-vous de faire une ou deux parties de radesh, ce soir ?
- Pourquoi pas, accepta Pratha, heureux de pouvoir en découvrir un peu plus sur ce soldat qui lui paraissait de plus en plus sympathique. Simplement, j’ai à faire aujourd’hui, alors...
- Tu vas voir Son Altesse, n’est-ce pas ? demanda Modshi.
- Je... Oui... Comment est-ce que vous savez ? répliqua l'adepte, ayant du mal à passer à se débarrasser du vouvoiement.
- Pourquoi est-ce que des hommes du Chram viendraient ici si ce n’est pour ça ?»
Modshi avait visé juste. Il se souvint que la dernière fois qu'un adepte avait foulé le sol de Samsharadh remontait à cinq ans au moins.
La musique des trompettes militaires se fit de plus en plus forte. Sur l'Avenue des Grands Princes, la plus longue de toute la Principauté, se pavanait une troupe gigantesque, composée, à en croire les yeux des observateurs, de la quasi totalité des soldats djahmaratis. Ils marchaient fièrement, entourés par une foule ébahie, en direction du sud. L'Apournari constata, non sans un profond étonnement, que la robe renommée des chevaux d'élite avait été remplacée par de solides pièces d'acier et des rouages stridents. Les chevaux mécaniques, autrefois exclusivités de l'Empire Rébéen, semblaient parfaitement intégrés à la nouvelle armée. Les soldats gradés aussi avaient changé, leurs corps déjà imposants étaient désormais surmontés par des sortes d'armures métalliques. L'énorme fourmilière humaine se dirigeait sans un mot à l'opposé du Palais Princier d'où s'échappaient de larges traînées de fumée.
« Qu'est-ce que c'est que cette... demanda Pratha.
- Je sais ce que tu penses. Je me suis dit la même chose, au début. Mais, si on veut détruire les qaphis, il faut qu'on s'équipe des meilleurs technologies.
- Enfin, des chevaux mécaniques, quand même ! protesta l'adepte, horrifié lui-même à la vue de cette armée franchement cauchemardesque.
- C'est ce qui s'appelle combattre le feu par le feu», répondit Modshi, légèrement irrité par son attitude.
Les deux hommes longèrent l'avenue, bousculant parfois des foules si compactes que l'on aurait dit qu'elles ne formaient plus qu'un seul corps. Le tumulte humain laissa la place à un calme relatif alors que la façade du palais princier prenait de plus en plus de place dans le ciel. Après la vérification nécessaire de l'identité et de la lettre de Pratha, les gardes l'invitèrent à rentrer.
« Ce soir, à la taverne des Trois-Yeux, après la tombée de la nuit. C'est de l'autre côté du fleuve, juste à côté du Pont du Soleil », déclara Modshi avant de retourner à son poste.
Pratha acquiesça avant de s'engouffrer entre les deux arches placées à l'entrée du palais. Il déambula longuement dans les couloirs marbrés, parés d'une quantité impressionnante d'oeuvres d'art. De grandes fresques à la gloire de la Principauté, des membres de la famille princière ou de Bhagttat lui-même parsemaient les murs, entre divers artéfacts récupérés çà et là sur le territoire et à l'étranger lors d'expéditions militaires. Il aperçut quelques objets dont la fabrication devait remonter à plus d'un millénaire. Le garde le fit passer par une petite porte parmi tant d'autres ; derrière laquelle il l'aperçut.
Le dos voûté sur une table recouverte d'une grande carte de la région, l'adepte découvrit son souverain, pensif, les doigts plantés dans une barbe sombre sculptée en de multiples rouleaux. Une large toge pourpre partait du haut de ses épaules et s'arrêtait net au niveau de ses genoux, dévoilant ainsi des jambes athlétiques et habituées aux longues marches. Sa peau avait dû recevoir bien des coups de la part du soleil, car le bleu s'était mélangé à des teintes rougeâtres. L'homme se redressa, et bien qu'il fût plus petit que Pratha, quelque chose dans sa stature l'écrasait. Il dévoila de petits yeux dorés, comparables à ceux des loups rôdant parfois aux alentours du Chram. Le garde sembla également décontenancé durant quelques secondes, puis il finit par parler.
« Votre Altesse, voici...
- Je sais qui j'ai l'honneur d'avoir en ma présence, Shoptra. Je te remercie, tu peux disposer », déclara le souverain.
Sa voix, bien qu'assez aiguë, était tout aussi intimidante que le reste de sa personne. Le garde referma la porte avec une grande délicatesse, laissant Pratha seul à seul avec ces yeux pénétrants, il l'avait immédiatement compris : mieux valait ne pas mentir ou tenter quelque subterfuge que ce soit. L'adepte décrocha un instant ses yeux de ceux du prince et aperçut deux silhouettes mal éclairées et silencieuses, à proximité de la grande table.
« Eh bien, que me vaut l'honneur de vous avoir ici, cher disciple ? demanda le Prince. (Son visage montra enfin une certaine ouverture.)
- Je... Le Grand Qalam m'envoie car... Enfin, voici une lettre qu'il m'a chargé de vous confier, bredouilla Pratha, qui regrettait amèrement d'avoir sous-estimé un tel homme. Le temps semblait effectivement avoir changé Bhagttat ; c'était un véritable Prince, désormais. Peu d'éléments rappelaient encore l'adolescent chétif et méprisant qu'il avait pu incarner autrefois.
- Très intéressant... Za rohst qalam sât schto rabaaunê merkantê dar chram'an gekêm, déclara-t-il aux silhouettes après avoir lu la lettre.
- Sêr treking, nasamam, répondit l'une d'entre elles en s'extirpant de l'ombre. (Un corps élancé surmonté d'un visage anguleux aux yeux gris se dévoila à Pratha.)
- Ravi de rencontrer l'un des habitants d'Apourna, déclara la deuxième silhouette, dont la phrase était teintée d'un fort accent Apshewarais. Nous avons entendu beaucoup de bien de votre maître de la part de Son Altesse.
- Le Grand Qalam est des plus respectables, et je n'ai fait qu'exprimer la vérité, sourit le Prince. Je n'oublie jamais un visage ; cependant, en ce qui concerne les noms, je dois avouer que ma mémoire peut me faire défaut.
- Je m'appelle Pratha.
- Ah, oui, bien sûr ! Cela me revient. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas entendu parler de vous. Je me rappelle que vous ne m'aimiez pas franchement, à l'époque de mon retour du sud.
- Comment ça ?
- Allons, allons, nul besoin de dissimuler vos pensées avec moi. Nous sommes en petit comité, il n'y a aucun mal à admettre que vous n'aimiez pas ma personne. D'ailleurs, je crois que cette impression que vous avez de moi n'a pas beaucoup changé, depuis. Je me trompe ?
- Non... Non, vous ne vous trompez pas, confessa Pratha, mal à l'aise.
- Il n'y a pas de mal, comme je vous ai dit. Si vous prenez le temps de parler avec mes sujets, je suis sûr que vous trouverez quelqu'un qui me hait à moins de deux cent troncs d'ici. On ne peut pas être aimé de tous, c'est un fait que j'ai appris à accepter. J'espère néanmoins que votre séjour ici pourra vous faire changer d'avis à mon sujet, et que vous repartirez dans un meilleur état d'esprit. Et puis, je me rappelle que mon accueil, la dernière fois que je vous ai vus, votre maître et vous, n'était pas des plus qualitatifs. Je vous propose d'enterrer la hache de guerre, qu'en pensez-vous ? proposa Bhagttat en tendant une main vers l'adepte.
- Je... oui, mais...
- Vous pouvez serrer ma main, épargnez-moi les agenouillements et autres signes de soumission archaïques. »
Pratha s'exécuta. Une lueur passa à travers ses yeux, puis il sentit enfin la pression redescendre.
« Je vous présente Kurat İrsi, ambassadeur d'Apshewar à ma cour, et Akil, son traducteur. Nous étions pris en pleines discussions, avant votre arrivée, comme vous pouvez le voir», expliqua le Prince en désignant la grande table.
De petits feuillets avec des inscriptions en apshewarais étaient éparpillés un peu partout. La carte de la région était barbouillée de coups de crayons, tantôt bleus, tantôt rouges.
« Nous essayons de trouver une solution concernant les conflits pour les territoires du sud et de l'ouest ; je n'ai pas envie de passer mon règne à guerroyer contre des amis potentiels. Nous avons d'autres priorités. »
L'ambassadeur acquiesça en souriant.
« Je vous propose, messieurs, de reprendre notre discussion un peu plus tard ».
Les Apshewarais ne prirent pas la peine d'exécuter une révérence et sortirent simplement de la pièce par la porte du fond.
« Comment va le Chram, dernièrement ? demanda Bhagttat en rangeant les feuillets sur la table.
- En dehors de la raison qui me pousse à venir ici ? Tout va pour le mieux, répondit l'adepte.
- Effectivement, si Ghasni vous a envoyé ici, c'est que la situation doit être particulièrement délicate. Que pouvez-vous me dire sur ces étrangers ?
- Pour le moment, pas grand chose. Ils ne sont pas très bavards, et les seules informations que je pourrais vous transmettre n'ont aucun intérêt.
- Bien ! répondit le Prince en frottant sa barbe. Shoptra ! cria-t-il sans forcer sur sa voix, devenue plus aiguë encore.
- Votre Altesse ! répondit le soldat en s'engouffrant dans la pièce.
- Convoque les orfèvres ».
Shoptra s'exécuta sans attendre. Pratha put enfin prendre le temps d'examiner la salle, vaguement éclairée par quelques rares meurtrières taillées dans les murs ainsi qu'une bougie dont la flamme, excessivement forte et stable, n'avait rien de normal. De grandes étagères, fixées entre chaque fenêtre, montaient jusqu'au plafond et étaient pleines à craquer de livres. Il distingua des titres dans au moins six ou sept langues différentes. Des piles de volumes supplémentaires étaient déposées au pied des étagères.
« Vous boirez un peu de chai avec moi ? proposa le Prince. Les orfèvres doivent venir d'une annexe du palais, à l'autre bout de la ville, et autant vous dire qu'avec le défilé, nous avons le temps de siroter un verre ».
Pratha accepta sans hésiter, n'ayant rien bu d'autre que le fond de sa gourde depuis son départ de l'auberge. Le Prince le chargea de transporter le matériel et dévoila une pièce secrète de la taille d'une chambre de bonne, cachée derrière une étagère, que l'on pouvait révéler en tirant sur un livre ; procédé maintes et maintes fois présenté dans les contes pour enfants.
« Remettez l'étagère en place, je vous prie. L'adepte s'exécuta puis s'assit sur l'un des divans disposés autour d'une petite table. Bien. Nous allons désormais pouvoir parler librement.
- Librement ? C'est-à-dire ?
- J'ai beau être dans ma propre demeure, Pratha, des espions pour le compte de l'est peuvent se trouver partout. Permettons-nous le tutoiement, veux-tu ? N'as-tu pas aperçu quelques peaux-blanches dans la ville ?
- Si, bien sûr, cela m'a particulièrement surpris car dans mes souvenirs...
- Dis-toi que ce n'est que la pointe du tas de fumier, si tu me permets l'expression. Espion rébéen ne rime plus avec peau-blanche, désormais. De très nombreuses peaux-d'or, peaux-vertes ou même peaux-bleues travaillent aussi pour le compte de l'Empire. Sans compter les divers appareils, magiques ou mécaniques, qu'ils ont mis au point pour écouter la moindre conversation menée sur le continent. Je ne peux même pas te garantir que la pièce d'à côté ne soit pas truffée d'enregistreurs sonores. Méfie-toi de chaque personne que tu rencontres, Pratha ; chacune. C'est un ordre que je te donne ici, me suis-je bien fait comprendre ?
- O...oui, bien sûr.
- Si j'apprends que, d'une manière ou d'une autre, le contenu de la discussion que nous entretenons ici a fuité, je serai obligé, et bien à regret, tu peux me croire, d'appliquer les lois concernant les traîtres à la nation.
- C'est compris, répondit Pratha, le dos en proie à d'intenses picotements.
- Bien, je pense que tu es quelqu'un d'intelligent et que je n'ai pas de souci à me faire. Je vais te poser à nouveau la question : Que peux-tu me dire sur les étrangers qui se sont présentés à ton maître ? Qui sont-ils ? Du moins, officiellement. Ne m'épargne pas les détails qui te paraissent triviaux, ils peuvent avoir leur importance.
- Ils se sont présentés comme des marchands sur le chemin des Royaumes de l'Ouest et ont été attaqués par des bandits en passant par le nord des Pralamaghs.
- Et pourquoi ne sont-ils pas retournés en direction de l'Empire ? Ils auraient pu bénéficier d'une plus grande aide que chez nous.
- C'est ce que le Grand Qalam a demandé aussi. Ils ont dit qu'à cause des Troubles, c'était trop risqué.
- Bien sûr, Ghasni ne pouvait que poser la question. Leur explication est totalement incohérente, surtout que les Troubles n'ont pas touché les régions montagneuses de l'Empire. Étaient-ils armés ?
- Oui, lourdement équipés. Mais nous leur avons tout confisqué dès leur arrivée.
- Raison de plus pour ne pas les croire. Qu'importe, que leur équipement ait été confisqué ou non. Qu'ont-ils dit de plus ?
- Ils souhaitaient se remettre sur pied et trouver un forgeron ici pour s'occuper de leur équipement ; recruter quelques mercenaires aussi, pour le chemin du retour.
- Ne les laissez partir sous aucun prétexte. Nous ne savons pas s'ils sont dignes de confiance, et permets-moi d'émettre de gros doutes là-dessus. Ce serait un risque énorme que de les laisser retourner dans l'Empire. Peux-tu me montrer les fameux bijoux mentionnés dans la lettre ?
- Bien sûr », répondit Pratha en s'empressant de dévoiler le contenu de sa besace.
Bhagttat sembla perdre son calme pour la première fois à la vue des bracelets et pierres précieuses sur la table, à côté du chai auquel personne n'avait encore touché. Chaque émeraude, rubis, topaze ou autre pierre rare accentuait l'écarquillement des yeux du Prince. Il manipula un instant les bijoux et lut à voix basse les inscriptions en rébéen. Puis il reposa le tout et déclara:
« Par Mâshtra... Ils appartiennent à l'une des familles les plus importantes de l'Empire.
- Les La-Hwani ? Le chef des étrangers a dit qu'il en était issu.
- La-Hwani ? Non, pas du tout... A vrai dire, les inscriptions parlent de la branche cadette de la famille impériale. Ces étrangers sont certainement de haut-placés de l'Empire. De très, très haut-placés. Je vais rédiger une missive à l'attention de ton maître. Je t'interdis, quel que soit le prétexte, de la lire. Cette missive vaut plus que ta propre vie ; est-ce que tu me comprends ?
- Je comprends », répondit l'adepte, vexé malgré tout d'apprendre que sa vie entière valait moins qu'une vingtaine de lignes tout au plus.
Le souverain rédigea en vitesse son message et le scella à l'aide d'une formule magique, puis il ordonna à Pratha de la porter en permanence sous ses vêtements. Son visage finit par se rasséréner, à mesure que celui de son invité se décomposait face aux enjeux devant lui.
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