La règle des tiers / hommage aux lecteurs

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à ma fille :

« La maison de ton grand-père, celle de mon père, la nôtre, tout ça t'appartiendra un jour. Enfin, si tu arrives à payer les droits de successions. Même nous, si on arrête de payer les taxes foncières, on perd notre maison. C'est comme si on devait racheter notre titre de propriété tous les ans. Ça fait genre mille ans que la famille de ta mère prospère dans ce pays. Pourtant, à chaque génération ils doivent repartir à zéro. Comme quoi, la propriété n'existe pas vraiment. Pour chaque maison il y a en moyenne 30% de droits de succession. Sur les trois maisons il faudra en vendre une pour garder les deux autres. » Pour ceux qui croient en l'existence de la propriété, j'ai l'impression qu'ils appartiennent à leurs biens plutôt que l'inverse. J'y crois. Mais je n'appartiens à ma maison que temporairement. Les premiers propriétaires ont connu la révolution. Combien avons-nous été à acheter cette maison depuis ? La plupart sont tous morts mais la maison est encore là. On n'est que de passage. En fait, ne dois-t-on pas donner au moins un tiers de notre vie pour qu'elle nous appartienne ?

  • 20 ans de scolarité de la maternelle au master pour nous définir jusqu'à la retraite (en oubliant les réorientations et les reconversions...)
  • 10 ans de plus pour s'établir avec femme et enfants avant le cimetière (en oubliant les divorces)

Même en photographie il y a la règle des tiers. Là, non.

*

Je ne lis pas. J’ai même du mal à me relire. C’est pour ça qu’il y a plein de fautes d’inattention. En fait je pense que ce n’est pas très intéressant. Et puis je sais à peu près ce que j’ai voulu dire alors pourquoi le relire ? Mais le pire, c’est lire les autres. Il me faut une vraie motivation. Je n’ai plus aucun goût à la lecture, c’est comme une séquelle irréversible d’un Covid long. Ça vient de ma prof de français en seconde. Parce qu’avant elle, j’aimais lire. Mais voilà, on a quinze ans, on est obligé de lire un classique du dix-neuvième par semaine avec interro le lundi pour se gâcher tous les week-end, ça marque. Post Traumatic Syndrom Desease. C’en fut fini. Mort pour la France. Mon nom est inscrit sur le monument aux lecteurs morts. D’ailleurs il y a eu un mort dans la classe, un vrai, à lire le week-end pour l’interro du lundi. Il lisait Germinal. Il a fait un AVC. C’était le dimanche 31 janvier 1988. Il est mort le jeudi matin suivant, le 4 février. Il s’appelait Emmanuel Palys.

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