RG
C’est un métier manuel. On le commence très tôt. C’est très physique, souvent en extérieur en plein cagnard. On atteint jamais la quarantaine. On gagne beaucoup d’argent mais il faut le distribuer à trois ou quatre employés à plein temps qu’il faut trimballer et loger sur toute la planète. En fait, sans la fédération et les sponsors, ce serait un endettement permanent, un échec financier et un business plan avorté. Et en cas de blessure, c’est la fin des haricots. Pas d’assurance pour ça. Métier précaire. Professionnel du tennis. J’ai pitié pour eux en regardant Roland Garros. Les pauvres. Surtout les meilleurs qui ne savent pas s’arrêter. Comme Nadal qui se faisait battre par tout le monde en junior et qui adulte reste au top pendant 20 ans. La magie du sport. Bon, là, il est foutu pour de bon. Son corps a enfin lâché. J’arrête de regarder en dernière semaine. Tous les français ont été battus, par des interdits d’être russe parce que ce sont nos ennemis mais les restrictions ne vont pas jusque là. En revanche, aucun ukrainien mâle ne s’est pointé. Les ukrainiennes femelles se sont battues contre les russes sans leur serrer la main, surtout madame Monfils. Le vieux de 36 ans qui essaie de revenir dans sa première night session. Un horrible match à le regarder perdre pendant trois heures, j’ai pas vu la fin, je suis allé dormir, moi. Il a gagné, il paraît. Mais en fait, non. Il a perdu, son corps a lâché et il n’a plus pu jouer. Beau travail. En fait, pour gagner, il ne faut pas trop jouer, il faut se préserver. Ce sport est mauvais pour la santé. J’en sais quelque chose, j’ai dû arrêter. Le médecin des armées m’a dit que pour continuer il fallait que je fasse de la musculation car je me blessais souvent au dos. Alors, il y a 30 ans, j’ai rangé ma raquette orange fluo Andre Agassi. Fini. Terminé. Plus de duels. Et il en faut du courage quand on a 20 ans et qu’on se fait battre par les jeunes de 15. Aujourd’hui ça apparaît exceptionnel parce que tout le monde à oublié Chang ou Hingis. En gros, tout ça, c’est pour les enfants, comme la gymnastique. Après, on est handicapé. Donc il y a deux chose à regarder dans un combat, l’âge et le classement. Éventuellement les années d’expérience et les sommes gagnées. C’est ce qui compte, c’est pour ça que tout est affiché dans Wikipédia pour savoir à qui on a à faire avant de les regarder jouer sans se parler, comme des autistes qui s’énervent ou qui ne laissent rien paraître comme des robots. Les seuls moments où ils paraissent humains, c’est dans la défaite, dans la victoire ou mieux : dans la blessure. Que le meilleur gagne, le plus fort et le plus précis. Dualité, égalité, avantage. À chaque fois, en une heure ou en cinq, tout se joue dans les derniers points dans une victoire qui peut être aussi une défaite sauf en finale, quoi que.
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