Partie 1
- Bryan le journaliste : Bonjour messieurs, commençons le questionnaire.
Jack soupire et se passe une main dans les cheveux.
JACK : Pour quoi faire ? Je n’ai rien à vous dire !
Serymar se refroidit, ses doigts se crispent dans un mouvement presque imperceptible sur les accoudoirs.
SERYMAR : Je vous demande pardon ?
Augustin essuie ses mains moites sur son pantalon. Il se demande ce qu'il fout là, entouré de Sauron et du Parrain. Ras-le-bol des idées à la noix de ce site.
AUGUSTIN : Euh... Salut.
- Bryan le journaliste : C’est seulement pour mieux vous connaître.
JACK : Vous savez que dans le milieu on respecte l’Omertà ?
- Bryan le journaliste : Et ?
JACK : La loi du silence, ça ne vous dit rien ?
Serymar retient un discret rictus amusé.
- Bryan le journaliste : Euh... mettons ça de côté pour l’instant. C’est un questionnaire tout simple. Il n’y a pas de pièges, pas de bonnes ou de mauvaises réponses. J’effacerai le tout après, si vous le souhaitez.
Serymar se demande où il a bien pu tomber.
SERYMAR : On perd notre temps.
- Bryan le journaliste : Deux minutes, pas plus. D’accord ?
Augustin préfère ne pas en rajouter. À quelle sauce va t-il encore être cuisiné ?
Jack hésite, croise les bras et fronce les sourcils. Il garde le silence. Il en impose dans son costume noir et sa chemise blanche impeccable, cheveux noirs mi-longs avec quelques mèches rebelles lui tombant devant les yeux. Son regard de braise a déjà fait chavirer le cœur de la jolie serveuse blonde.
De son côté, Serymar soupire doucement en se pinçant l'arrête du nez, coude appuyé avec nonchalance sur l'accoudoir. Tout pour ne pas paraître mal à l'aise.
SERYMAR : Quelles genres de... questions ?
Et Augustin se demande comment il a fait pour en arriver là. Les plans tordus, c'est toujours pour sa pomme.
- Bryan le journaliste : Je vous pose une série de questions et vous répondez ce qui vous passe naturellement à l'esprit. D'accord ?
Serymar ne répond pas et attend la suite avec prudence.
JACK : Allons-y, qu’on en finisse.
Augustin acquiesce d'un hochement de tête.
- Bryan le journaliste : Livre ou télévision ?
JACK : Tu te fous de moi ?
- Bryan le journaliste : Pardon, vu l’époque, livre.
Serymar tique à la mention d'une télévision, se demandant ce que pouvait être cette invention au nom étrange.
SERYMAR : Livres.
Il fixe le journaliste de son oeil analytique, cherchant à comprendre le réel intérêt de ces questions. Poser ces questions pour simplement connaître des inconnus lui était difficile à concevoir.
AUGUSTIN : Livre. Surtout les journaux intimes tachés de sang.
Jack secoue la tête et observe Augustin. Il se dit que ce gars n'est pas net. Il sourit en coin et soupçonne qu'Augustin n'a pas dû voir beaucoup de sang dans sa vie pour sortir une remarque pareille.
Serymar hausse un sourcil intrigué.
SERYMAR : J'ignorai que tu étais du genre à avoir des goûts morbides. Voilà un détail intéressant. Tu caches bien ton jeu, jeune homme.
Jack étouffe un rire.
- Bryan le journaliste : Chien ou chat ?
AUGUSTIN : Chat. Pompon par exemple, est super mignon.
Jack le fixe d'un regard noir.
JACK : Pompon ? Sérieux ? T'es venu raconter ta vie ? Garde les détails pour toi. Je ne suis pas venu ici pour y passer la nuit !
AUGUSTIN : On me pose des questions, j'y réponds, c'est tout !
Jack soupire.
JACK : Va à l'essentiel !
SERYMAR : Je n'en ai jamais côtoyé.
JACK : Chien.
- Bryan le journaliste : Thé ou café ?
JACK : C’est quoi ces questions ? Je bois quoi, là, à ton avis ?
AUGUSTIN : Café.
JACK : Pourquoi t'as pris un jus d'ananas, alors ? Pour m'emmerder ?
Augustin marmonne entre ses dents. Ce sale type l'a pris en grippe, va savoir pourquoi.
SERYMAR : Thé.
Serymar répond sans hésiter pour garder l'assurance. Le café est un met de luxe dont il préférait taire son ignorance. Inutile d'augmenter son malaise.
- Bryan le journaliste : Sucré ou salé ?
AUGUSTIN : Bah... les deux.
JACK : Salé, je dirais.
Serymar tente de masquer le début de méfiance qui le gagne. Ces questions avaient-elles pour but de les ridiculiser ? Il corrigea sa posture, pour ne pas confirmer que le sucré n'était réservé qu'aux gens de la haute.
SERYMAR : Salé.
- Bryan le journaliste : Protagoniste ou antagoniste ?
JACK : Protagoniste. On te l’a dit, d’ailleurs ! Tu n’écoutes rien en fait ?
Serymar affiche un sourire carnassier.
SERYMAR : L'antagoniste a quelques avantages appréciables, mon cher Jack. Il a bien moins de contraintes que le héros.
JACK : C'est pas faux, Serymar. Mais ce rôle est déjà occupé par mon père, Marco. Une vraie pourriture.
AUGUSTIN : Protagoniste de pacotille.
- Bryan le journaliste : Manger ou boire ?
JACK : T’en as encore combien des questions comme ça ?
AUGUSTIN : Je suis d'accord avec Jack...
Serymar est dubitatif, ignorant quoi répondre à cette question.
SERYMAR : S'il s'agit d'une question de survie, mieux vaut privilégier l'action de boire.
- Bryan le journaliste : Euh, encore quelques questions.
Entre les deux gars qui ressemblent à des assassins et le journaliste qui n'a pas tout son bois à l'abri, Augustin se dit qu'il n'est pas sorti de l'auberge.
JACK : Porca puttana.
Serymar se dit que cette langue a de jolie sonorités. Bien plus que le Dragon.
- Bryan le journaliste : Je ne parle pas italien. Ça veut dire ?
JACK : Vaut mieux pas que tu le saches. Passe à la suite.
- Bryan le journaliste : Euh, bien. Continuons. Dessin ou musique ?
JACK : Je gribouille des têtes de pieuvres.
SERYMAR : Le dessin est plus utile pour apprendre à maîtriser certains sorts, notamment la magie des sceaux, entre autres.
AUGUSTIN : Musique ! Le métal, surtout !
- Bryan le journaliste : Le jour ou la nuit ?
AUGUSTIN : Le crépuscule et l'aube.
JACK : Pourquoi faut qu'il se la ramène en faisant compliqué, celui-là ? Tu ne peux pas répondre simplement, Augustin ? Bon, pour moi : le jour. Plus facile pour surveiller ses arrières.
SERYMAR : La nuit. On vous voit moins. C'est calme, surtout.
Jack sourit en coin.
JACK : Elle est pas mal celle-là.
- Bryan le journaliste : Famille ou amis ?
JACK : La famille. Même si ce n'est pas une ambiance joyeuse. Je me dois de protéger la Famiglia. C'est mon rôle. Au moins je sais à qui j'ai affaire, contrairement aux amis qui vous trahissent.
La mâchoire de Serymar se crispe.
SERYMAR : Ni l'un, ni l'autre.
AUGUSTIN : C'est quoi encore cette question piège ? Les deux.
- Bryan le journaliste : Regarder le passé ou le futur ?
AUGUSTIN : Franchement... vous osez me poser cette question?
SERYMAR : Le passé permet d'apprendre de ses erreurs, pour savoir comment avancer dans le futur. Il peut donc être utile de regarder parfois en arrière, ne serait-ce que pour se souvenir du chemin accompli.
JACK : Le futur. Un conseil, ne jamais regarder en arrière.
- Bryan le journaliste : Couleurs chaudes ou froides ?
JACK : Chaudes.
SERYMAR : Froides.
AUGUSTIN : Froides, comme la robe bleue nuit que portait mon amour à Paris.
JACK : On ne t'a pas demandé les détails, Augustin !
- Bryan le journaliste : Douche ou bain ?
AUGUSTIN : En 1942, tu n'as pas trop le choix.
Jack soupire, s’avachit dans le fond du canapé, et se passe une main dans les cheveux.
JACK : C’est pas bientôt fini ces conneries ? En quoi ça te regarde si je prends une douche ou un bain ? Tu ne veux pas savoir si je dors à poil ou en caleçon pendant qu’on y est ?
SERYMAR : Ce jeune homme est fascinant dans sa manière d'user une langue agréable à l'oreille avec tant de vulgarité. Mais je l'approuve.
Jack remet en place sa veste, ravi du compliment.
Serymar se demande si le journaliste cherchait-il vraiment à les humilier ? Le bain était un luxe découvert dont il ne pouvait plus se passer. Mais ce serait admettre son statut social inférieur à ses interlocuteurs. Et ça, il en était hors de question.
- Bryan le journaliste : Pardon. Ce sont les questions standards et…
Serymar reste silencieux.
Augustin ne peut s'empêcher de penser qu'il a raison de ne pas regarder la merde qui passe à la télévision.
JACK : Testa di cazzo.
Jack regarde sa montre, puis fait signe au journaliste de poursuivre, d’un geste nonchalant.
- Bryan le journaliste : Être seul ou avec votre bande ?
JACK : Ça dépend à quel moment.
AUGUSTIN : Être avec Éva, tout le temps.
JACK : Ce n'est pas la question !
Les doigts d'Augustin dansent la gigue sur la table.
AUGUSTIN : Je m'en fous, c'est la réponse que je donne !
Jack souffle d'exaspération.
JACK : Tu me fatigues.
SERYMAR : Seul.
Jack ouvre les bras, se tourne vers Augustin et rétorque avec des gestes de la main.
JACK : Lui au moins, il sait répondre correctement !
- Bryan le journaliste : Être dehors ou dedans ?
AUGUSTIN : Dehors, si t'avais passé dix ans sans marcher, tu ne poserais pas la question.
SERYMAR : Peu importe. Tant que c'est loin de tout le monde.
JACK : Ni l’un, ni l’autre. C’est la merde des deux côtés.
- Bryan le journaliste : Le feu, l'eau, l'air ou la terre ?
JACK : Le feu. J’ai le sang chaud.
Serymar ne sait quoi répondre, et préfère rebondir sur la réponse de Jack en levant les yeux au ciel.
SERYMAR : J'ai l'impression d'entendre l'autre garce...
JACK : Qui ça ?
AUGUSTIN : Le feu, parce qu'il correspond parfaitement au tempérament de ma moitié.
Jack secoue la tête.
JACK : C'est pas possible d'être neuneu à ce point. La question t'est posée à toi, pas à ta femme !
Serymar se tape le front avec l'enchaînement de réponses de ses interlocuteurs.
SERYMAR : Vous êtes bruyants.
AUGUSTIN : Désolé Monsieur Sauron... Ne sortez pas votre baguette magique s'il vous plaît.
Serymar fixe Augustin.
SERYMAR : Je n'en ai nul besoin, mon cher.
- Bryan le journaliste : Dragon ou licorne ?
Augustin ne peut s'empêcher d'imaginer Jack et Serymar en costume de licorne. Dans un éclat de rire, il baragouine un "Dragon" à peine compréhensible.
Jack manque de s’étrangler en buvant une gorgée de café de travers.
JACK : C’est quoi ces questions ? Tu crois que j’ai une tête à m’intéresser aux licornes ? Tu te fous de ma gueule ?
Serymar jette un discret coup d'oeil amusé à l'attitude de Jack. S'il savait tout ce que l'on pouvait faire avec les pouvoirs de ces créatures rares... à condition de ne pas se faire maudire par elles en cas d'offense.
SERYMAR : Dragon.
- Bryan le journaliste : Non, non, loin de moi cette idée. Je ne me permettrais pas de remarques déplacées. Je mets Dragon.
Augustin tente un "pourtant..." mais face aux regards assassins des deux autres, il s'abstient d'insister.
JACK : Bah voilà quand tu veux.
- Bryan le journaliste : Rêve ou réalité ?
SERYMAR : Tout dépend à quel moment c'est le plus avantageux.
JACK : Je vis dans la réalité. Pas le temps de rêver. Sinon on se fait buter.
AUGUSTIN : Réalité.
Jack éclate de rire, plaque ses mains derrière la tête et jette un coup d'œil à Augustin.
JACK : T'es sûr ? T'as plutôt l'air de vivre dans un rêve.
Augustin se masse les tempes. Inspirer, expirer. Ne pas s'énerver.
- Bryan le journaliste : Quelle pièce de la Triforce ? (Force, Sagesse ou Courage, pour les non-Zeldaphiles)
JACK : La force. Sans ça, les clans ne te respectent pas.
SERYMAR : La loi du plus fort. Je dirai donc la force.
JACK : Il a bien raison.
AUGUSTIN : Le courage. Je suis une demi-portion et niveau sagesse, c'est loin d'être gagné.
SERYMAR : C'est une qualité, d'admettre ses faiblesses.
AUGUSTIN : Merci, Monsieur le sorcier.
SERYMAR : Mage. Je suis au-delà d'un Sorcier depuis fort longtemps.
- Bryan le journaliste : Hôtel ou camping ?
AUGUSTIN : L'hôtel de ma tante Marie.
Jack fait des "O" avec les doigts et agite les mains en direction d'Augustin.
JACK : Arrête d'ajouter des détails ! Tu prolonges l'interview !
AUGUSTIN : Si tu arrêtais de me sauter à la gorge, on y passerait moins de temps !
JACK : C'est toi qui cherche les problèmes depuis tout à l'heure ! Va falloir te calmer si tu veux repartir en un seul morceau !
Serymar se demande si le journaliste cherchait vraiment leurs points faibles pour les humilier via leurs ignorances. Serymar fit de son mieux pour masquer son agacement. Non, il ne se ferait pas avoir.
SERYMAR : Chez moi.
JACK : Hôtel.
- Bryan le journaliste : Classique ou excentrique ?
SERYMAR : Que recherchez-vous avec cette question ?
AUGUSTIN : Normalement, je préfère les fringues de métalleux mais en 1942 les pantalons et chemises de vieux sont obligatoires.
JACK : T’as pas d’yeux ?
- Bryan le journaliste : Si, si, je mets classique. Bien. Je vous laisse une pause de dix minutes. Nous passerons ensuite à la partie 2.
JACK : T'en as combien des parties ?
- Bryan le journaliste : seulement deux. C'est la dernière, promis.
Bryan prend un mouchoir et éponge la sueur dégoulinant sur ses tempes. Il se serre un verre d'eau en tremblant. Des gouttes s'échappent sur la table.
Jack se lève pour se diriger vers le bar et commander un espresso supplémentaire. La serveuse lui fait les yeux doux.
Serymar soupire, les doigts sur son front et se réinstalle dans le fauteuil. Mais qu'est-ce qu'il veut réellement, ce type ? Mais... il doit admettre que ces deux-là sont divertissants.
Augustin évite le regard des tarés à côté de lui. Leur vision est basée sur le mouvement.
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