II.

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A cinquante ans, il poursuivait sa marche dominicale. Les cheveux avaient blanchi et le pas s'était fait moins rapide. Mais sa ballade à travers bois lui rappelait ses vingts ans, et il avait une même destination... Devinez laquelle ?

Comme d'habitude, il allait à la gare. La gare ! Elle était désaffectée à présent ; et la voie ferrée déclassée depuis belle lurette... Il s'arrêtait devant et la contemplait à chaque fois longuement... Sur la façade décrépie, la vieille plaque émaillée annonçant le nom du village s'était écaillée et les aiguilles de la vénérable horloge s'étaient figées.

Puis l'homme mûr allait s'asseoir sur ce même banc où il avait passé tous les dimanches de sa jeunesse, et se plongeait dans le passé...

Ses parents, ses amis, copains, collègues... Têtes connues ou inconnues, toutes et tous étaient partis loin, très loin... Des scènes revenaient à sa mémoire : des amoureux sur les bancs de la gare, des familles se saluant, de jeunes mariés en voyage de noces... Autant de visages flous, embrumés par le temps...

A présent l'herbe poussait entre les rails et le silence s'était installé. Les coups de sifflet du chef de gare et le départ des trains ne résonnaient plus que dans la tête du quinquagénaire, désormais seul avec lui-même.

Je sais, les enfants, cette histoire vous semble triste. Mais si vous aviez rencontré l'homme, vous auriez été surpris : il ne l'était pas, il ne l'était peut-être même jamais...

Bien sûr, il avait eu comme tout un chacun son lot d'épreuves, mais il disait : " Il ne faut pas regretter sa jeunesse car nous grandissons tous. Il faut se réjouir de l'avoir vécue, même imparfaitement. "

Pour lui, se plonger dans le passé n'était pas s'y complaire mais se l'approprier pour s'y ressourcer. Chaque évènement de sa vie lui revenait en mémoire, lui montrant combien la vie était magnifique.

La verdure inondant la gare, oiseaux et grillons chantant à travers leur nouveau domaine... Autant de preuves que la vie continuait, encore et toujours, malgré le temps filant et les soucis accablants. "Derrière la tristesse, le sourire est toujours là. " ; tel était sa maxime.

De temps à autre, il rencontrait des passants venus admirer l'ancienne gare. Le plus souvent des personnes de sa génération ; l'occasion d'échanger avec eux des souvenirs de jeunesse. Se rappeler de ses vingt ans, c'était non seulement les revivre l'espace d'un instant, mais aussi être jeune dans sa tête pour toujours...

Quelquefois des jeunes passaient aussi. Ils écoutaient poliment l'homme puis repartaient en riant, oubliant aussitôt ce qu'il leur avait raconté. Le quinquagénaire prenait la situation avec le sourire. Ces jeunes gens vivaient dans l'immédiat, sans se soucier du lendemain. Comment aurait-il pu leur en vouloir ? Lui aussi avait été comme ces adolescents...

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