III.
Un dimanche, une jeune femme et sa nièce vinrent à sa rencontre. Ils se connaissaient : c'était la cousine d'un copain du village. Elles se sont assises à côté de lui, sur le banc de la gare, pour discuter toute une après-midi, oubliant un peu le quotidien...
En parlant avec la petite fille, et constatant son caractère éveillé, l'homme ne pût s'empêcher de lui donner quelques conseils, issus de sa longue expérience :
_ Ne pas faire à autrui ce que l'on ne voudrait pas qu'il vous fasse.
_ Etre honnête avec soi-même, loyal avec ses semblables, avoir du coeur pour sa famille et ses amis.
_ Ne pas juger, ne pas mépriser... Tôt ou tard, les épreuves de la vie sont les mêmes pour tout le monde.
_ La liberté n'est pas faire ce que l'on veut, mais décider de ce que l'on va faire et s'y tenir.
Et tant d'autres principes que la petite fille ne comprenait pas toujours, tant l'homme parlait avec des mots d'adulte qu'elle perdait souvent le fil du discours. Mais ce que l'enfant percevait de lui, c'était sa sincérité. Et la tante de l'enfant, admirative de la sagesse du quinquagénaire, l'écoutait avec autant d'attention que sa petite protégée.
Les heures passèrent ainsi, comme enchantées. Mais voilà que le soir tombait déjà ; la jeune femme et sa nièce devaient rentrer. Devant prendre congé de l'homme, elles le remercièrent avant de regagner leurs foyers.
Le villageois se retrouva à nouveau seul, mais il n'en ressentit pas de peine. Au contraire. Levant les yeux, il comtempla ce spectacle qu'il n'aurait raté pour rien au monde. Le ciel s'obscurcissant, la voûte s'était couverte d'étoiles, pour le plus grand émerveillement de l'homme.
En voyant l'immensité constellée, il méditait sur la place de l'être humain dans l'Univers : une grain de poussière dans l'infini. Mais cette perspective ne l'effrayait pas. Au contraire, elle lui faisait dire que la vie faisait partie d'un Tout et que, si minuscule soit notre place sur Terre, la vie valait la peine d'être vécue.
Il se souvenait de son enfance, de ses parents qui le soir, après le Cours Préparatoire, lui montraient les étoiles... La Petite Ourse, la Grande Ourse, l'Etoile Polaire, le Grand Chariot... Autant d'expressions poétiques qu'il n'avait pas oublié... Il aurait aimé avoir des enfants pour leur montrer à son tour cette beauté céleste, mais la vie en avait décidé autrement... Il n'en gardait pas d'amertume pour autant.
Soudain, une lumière apparut au lointain. C'était un lampadaire qui s'allumait toujours plus tard que les autres ; placé là-haut sur la colline, dans la cour d'une ferme isolée, il annonçait à l'homme mûr l'heure de rentrer chez lui.
Ce point blanc, cette lampe isolée trouant l'obscurité, c'était l'appel à quitter sa méditation. A laisser ses souvenirs pour se projeter en avant. A se rappeler les meilleurs moments de l'existence pour en savourer les suivants...
Alors le villageois se leva, l'esprit en paix. Demain, la journée serait rude : il lui faudrait reprendre son travail. Mais le dimanche suivant, il reviendrait à la gare et retrouverait cette atmosphère qui l'émerveillait tant.
D'un pas tranquille, il passa sous l'unique lampadaire éclairant le côté du bâtiment. La lumière blafard révéla quelques instants le visage émacié de cet homme qui avait tant vécu, sans jamais se plaindre, avant que sa silhouette ne sorte du halo blanc. Quelques instants plus tard, le flâneur de la gare avait disparu dans la nuit...
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