04. Envoûtement
Il marche lentement le long de la rue, les mains dans les poches et le cœur qui broie du noir. Le temps, déjà pluvieux depuis un moment, tourne désormais à l’orage. Autour de lui, tout le monde court pour se protéger de l’averse qui redouble d’intensité, mais il s’en fiche. Plus rien n’a d’importance à ses yeux, désormais. A quoi bon essayer de se réfugier quelque part puisqu’il lui faut rentrer chez lui au plus vite ? A quoi bon se protéger de la pluie puisqu'il n'a pas pris son parapluie ? Après tout ce qui lui est arrivé, de toutes façons, cela ne changera rien à sa vie. Des passants le dépassent presque en courant lorsque retentit le premier coup de tonnerre. A ses yeux, ils ne sont que des animaux apeurés et sans importance. Même sa vie ne lui importe plus, pas après tout ce qu’il a traversé avec...
Il secoue la tête, se rabroue, jure encore une fois de ne plus penser à elle.
Sa petite flamme s’est éteinte depuis longtemps. Alors qu’un second coup résonne au loin, ses pensées parviennent à dériver un peu. Après les courses de ce soir, il lui faudra terminer son travail en retard… Le cas échéant, il n’aurait plus qu’à présenter sa démission, son patron lui a bien fait comprendre qu’il ne peut plus se permettre un nouvel écart.
- Attention !
Des crissement de pneus et un klaxon le ramenèrent brusquement à la réalité. Avant même de savoir ce qui lui était arrivé, il réalisa qu’il était étendu par terre. Plusieurs personnes accouraient déjà vers lui malgré les trombes d’eau qui se déversaient sur eux.
- Monsieur, ça va ?
Son regard peine à accrocher celui de l’homme qui était penché vers lui lui. Hébété, il cherche à répondre au moment où il essaye de se relever mais c’est un grand cri de douleur qui s’échappe de sa bouche. Une vive douleur irradie une bonne partie de son corps.
- Évidemment que non, ça ne va pas, lâcha un autre passant à l’encontre du premier. Quelqu’un appelle une ambulance ?
Et puis, ce fut le trou noir.
Une semaine passa. Pendant ce temps, une radiographie confirma qu’une bonne partie de ses os avait été cassée à un ou plusieurs endroits. Il reçut la visite de sa famille, et même de quelques collègues de bureau, mais il n’en avait cure. Avec tout ce qui lui lui était arrivé, il pouvait désormais faire une croix sur son travail et sa vie. Alors que le médecin sortait de sa chambre après s’être enquis de son état, quelqu’un d’autre vint lui rendre visite. Son regard perçut d’abord une longue mèche de cheveux roux, avant d’être captivé par des yeux d’un bleu qu’il n’aurait jamais cru aussi intense. Et puis, il vit ses larmes.
Elle expliqua être la conductrice du véhicule qui l'avait percuté, qu'elle avait eu peur de l'avoir rendu paraplégique, ou pire. Elle dit aussi n'avoir obtenu le permis que quelques semaines auparavant. Mais pendant qu'elle parlait, il se rendit compte d'une chose.
Il la trouve belle.
A cette pensée, il sourit enfin mais avec un peu de mal, comme s’il avait oublié comment faire. Après tout, il n’avait plus fait ce geste depuis longtemps...
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