De retour à Paris après ses vacances à la montagne, Max s’était dit qu’il allait oublier tout ça et reprendre ses activités comme si rien ne s’était passé. Il a eu beau de plonger comme jamais dans son travail, rien n’y a fait. Son esprit se mettait à vagabonder à la moindre occasion. Jour après jour, il se rendait compte que son travail n’avançait pas malgré ses journées toujours plus longues. Il se sentait comme pris au piège d’une sorte de cercle vicieux. S’il n’arrivait pas à tourner la page, il risquait de mettre en péril sa thèse. Ses amis et collègues n’avaient pas mis longtemps à remarquer des changements dans son comportement. Effrayé à l’idée qu’on le prenne pour un menteur ou un fou, il éludait à chaque fois les questions. Soit en mettant ça sur le dos de la fatigue ou d’une maladie, soit en changeant de conversation. Il avait fini par essayer des médicaments. Les somnifères d’abord. Malgré des nuits plus calmes, cela n’avait eu pour effet que de détériorer encore plus ses capacités de concentration. Des stimulants, dans les jours suivants. Cette fois-ci, c’est à un flot infernal de conjectures et de spéculations les plus folles qu’il devait faire face. De jour comme de nuit.

Toutes les hypothèses possibles lui traversaient l’esprit. De la plus simple à la plus délirante. Est-ce que Laszlo et Héléna lui auraient simplement joué une comédie ? Dans ce cas, pourquoi ? Pour lui faire payer deux fois sa nuit au refuge ? Ça n’a aucun sens ! Est-il possible que tout cela ne soit qu’un rêve ? Est-ce que ses malaises ont un lien avec tout ça ? Est-ce que ça pourrait en être une conséquence ? Et pourquoi pas plutôt la cause ? Est-ce que son cerveau n’est plus en état de faire la différence entre rêves, délires et souvenirs ?

Un matin, en se réveillant, une idée avait pris subitement forme. Comme un flash au réveil. Ou alors, la suite de réflexions inconscientes durant cette nouvelle nuit agitée. Il fallait qu’il trouve des personnes qui avaient vécu une histoire similaire. C’était la seule façon logique de remonter la pente. La seule façon de se prouver qu’il ne devenait pas fou.

Comment faire ? Comment trouver des témoins de phénomènes aussi étranges que ce qu’il a vécu ? Ou qu’il a cru avoir vécu, se dit-il, comme pour se rassurer. Quels types de recherches faire ? Quels mots clés définissent le mieux tout ça ? Mondes parallèles… Voyage dans le temps… Extraterrestres… Possession… Délires hallucinatoires… Folie ! Plus il énumérait ces mots, plus il se sentait ridicule. Il fallait qu’il fasse abstraction de toute rationalité et qu’il se plonge dans un autre mode de pensée. Ou plutôt de croyance. De nombreuses fois, il s’est imaginé ses amis qui le regardaient faire. A ces moments-là, il s’éloignait de son ordinateur, bien décidé à tout arrêter. Peine perdue. Quelques heures plus tard, il se retrouvait de nouveau au même point. Dos au mur.

Il lui a fallu des jours pour se décider enfin un soir à se lancer concrètement dans cette recherche. Après quelques heures, il se sentait totalement déboussolé. Il n’aurait jamais imaginé qu’il y ait pu avoir autant de sites de personnes qui se sentent investies d’une sorte de mission à partager leurs opinions, découvertes, révélations, croyances. Toutes, plus délirantes et contradictoires les unes que les autres. Après les nombreuses envies d’abandon, il s’était forcé, soir après soir, à continuer.

J’en tiens un ! s’exclame-t-il au milieu de la nuit, brisant le silence. Alors qu’il allait s’arrêter, il lui semblait enfin tenir quelque chose. Au moment où il s’y attendait le moins, il tombe sur un témoignage qui ressemblait plus ou moins à ce qu’il cherchait. Un homme y expliquait être allé dans un monde parallèle. Tout y était identique, mais en même temps, il sentait qu’il n’était pas dans son monde, disait-il. Jusque-là, rien de bien différent de ce qu’il avait déjà lu des dizaines de fois. Sans intérêt. Ce qui avait fait la différence ici, c’est que cet homme y décrivait des malaises similaires aux siens. Il avait relu de nombreuses fois ce texte sans y trouver malheureusement plus d’information que la première fois. Fort heureusement, l’homme avait laissé suffisamment d’information sur la page pour espérer le retrouver. Max se devait de ne pas laisser passer cette occasion de pouvoir enfin échanger avec quelqu’un. Sa décision était prise. Il fallait qu’il le rencontre.