CHAPITRE VI - PARTIE II

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« Tu n'as absolument rien à faire ici. Dégage, lui j'ordonne.

Elle ne prête aucune attention à ma réplique et s'élance dans un grand monologue le regard scotché sur le mur qui se tient face à elle.

  • Tu n'as rien en commun avec les autres, Andorra. Tu incarnes une énigme bien plus nébuleuse qu'une banale interrogation. Tu es un mystère ambulant, tu es... Non... Enfaite, j'en sais rien, car il est impossible de te qualifié. Je suis sûr que tu es toi-même incapable de te définir. Tu es si... Arh ! Tu vois, j'en perds jusqu'à mes propres mots ! Je n'arrive pas à te cerner. Jayce et moi, on a cru apprendre à te connaître, au fil des mois. Mais tu nous as menés en bateau du début à la fin. Tu nous as manipulés alors qu'on jouait carte blanche avec toi. Tu as considéré que j'étais stupide, à ce point, pour croire en tes bêtises ? Je sais que tu cherches en vain à nous cacher ta vraie nature, ton passé. Tu te mens à toi même. C'est incroyable. Je ne sais pas comment tu procèdes pour te torturer de cette manière.

Ses paroles me blessent. Mais elle a raison alors que puis-je faire à pars l'écouter avec ma plus grande intention ?

  • Je pense que c'est sûrement la raison pour laquelle tu fascines tant mon frère. Il adore pouvoir résoudre l'impossible, se lancer des défis, obtenir la réponse à des calculs, dont des centaines, voir des milliers de personnes se sont vues lamentablement échouer. Il veut se convaincre que la vérité finira toujours par imploser au grand jour grâce à lui. Mais je dois malencontreusement t'avouer que mon frère a tort, il ne pourra pas trouver solution à tout. Je suis obligé de te demander de garder ce secret pour toi. Car mon rôle de grande sœur implique la protection de Jayce. Serte, je ne possède pas les moyens requis pour l'abriter des douleurs inévitables de l'existence. Mais par contre, j'ai découvert une chose que je peux exécuter. Et je me suis juré de l'accomplir. Je peux le protéger des énigmes trop extravagantes qui relèvent de la folie qu'il s'adonne à décortiquer.
  • Je ne comprends pas où tu veux en venir ? Je braille.
  • Sérieusement ? Tu ne vois pas ? Tu n'as même pas un petit soupçon ? C'est toi. C'est toi le gros problème. Jayce est complètement accro à toi depuis le jour ou il t'a aperçu. Tu l'intrigues d'une manière excessive. Il s'est lancé le défi de pouvoir te découvrir pleinement et de connaitre le moindre de tes recoins. Tu représentes l'inaccessibilité qu'il a l'intention de gravir. Et il n'y a aucun doute sur le faite qu'à force de s'y agripper, il va en devenir malade. Ça ne peut plus continuer, sinon il finira par te vouer de l'amour et avec l'amour vient la folie, l'espoir, la rage, la colère et le chagrin. Il est n'est pas question qu'il éprouve un tel sentiment pour toi. Tant que tu ne sauras pas qui tu es, guéri de ta personne, tu seras inapte à le déceler. Andorra, tu es toxique, nocive pour lui. Je ne te laisserai pas embarquer mon frère vers la souffrance. Alors si tu veux éviter la solitude dans cet endroit sordide et que tu tiens, un tant soit peu, à notre amitié parce que vois-tu moi j'y tiens énormément. Raison de ma présence ici, aujourd'hui. Je vais de demander une faveur, éloigne-toi de Jayce. Je vous ai observé. Il ne saurait tarder avant que cela ne tourne mal.

Ses yeux sont indescriptibles. Ils témoignent chaleur et folie, tendresse et amertume.

  • Je ne souhaite en cet instant qu'une seule chose: que tu approuves mon aide. Uniquement, la mienne laisse mon frère en dehors de tout cela. Tu ne pourras pas indéfiniment te cacher sous une image faussée de ton être. Tu es comme ma sœur. Et je veux aussi pouvoir te protéger, mais pour cela il faudra bien te confier à moi un jour. Non seulement pour toi, mais aussi pour moi. Crois-moi, ça te soulagera, tu te sentiras plus légère et prête à avancer sur un chemin engagé à la prospérité.

Ma langue gigote, elle me brûle. Je ressens un tas de sentiments contradictoires. Je désire absolument tout lui révéler dans les moindres détails, les plus intimes soient-ils. Je souhaite, à tout prix, consoler ma conscience. Je veux aussi la prendre dans mes bras, pleurer et crier la mort de mon cher et tendre fils. Je comprends les craintes qu'elle éprouve par apport au lien que nous entretenons moi et son frère jumeau. Mais ne serait-il pas trop tard ? Soit-il possible que le mal soit déjà fait ?

Et dans un sens, je prétends démesurément à la liberté, de mes mouvements, de mes mots, de mes actes et surtout de mes sentiments. Je voudrai pouvoir côtoyer Jayce et Jade en même temps. Mais face à l'ultimatum que Jade m'a posé, mon choix se doit d'être raisonnable. Je ne peux pas survivre dans cette prison sans personne pour m'épauler. Et si je dois perdre le jeune homme qu'il en soit ainsi. Je suis un poids pour lui. Je l'apprécie énormément et je ne veux que son bonheur. C'est mieux comme ça. Alors, je dois rester forte, m'emplir de chagrin, accepter que mon enfant soit mort et faire une croix sur Jayce.

Je gigote ma tête de haut en bas sans un mot en plus. Mes yeux se remplissent de larmes. Pourtant, ce n'est qu'une minuscule goutte qui traverse les courbes de mon visage. Elle reflète l'ensemble de mes regrets. Les regrets de mon être abimé, enchaîné par les chaines de Satan. Figée au sol, Jade me prend dans ses bras et embrasse langoureusement mon front pâli et prononce ses dernières paroles avant de s'éclipser :

  • Merci, je sais que c'est dur, mais je n'oublierai pas ce que tu as fait pour moi.

Elle ne me rapproche pas d'avoir oublier de mentionner mon histoire, car elle comprend que je ne peux répondre à sa requête. Pour l'instant, je ne suis pas encore prête à révéler cela.

J-13 avant l'envolée de l'espoir noir.

7:00. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, bien trop animé par les paroles de mon amie. Mon plan de la journée est tombé il y a une minute. Je le projette face à moi et je fais une découverte des plus étonnante. Je ne m'attendais pas à ce cela.

• 15:00 ~ Visite.

Un nouveau sentiment s'offre à moi, l'impatience, mais surtout la curiosité. Une visite ! Pour moi ! Qui voudrait me voir ? Moi ? Andorra  ? Celle qui a été reniée et bannit des siens. Je retourne cette question, plusieurs fois, dans ma tête ne trouvant aucune réponse assez cohérente à ce soudain hélant d'attention.

Les heures sont plus longues que d'habitude et ne sont aucunement pressées de défiler. En temps normal, je m'ennuie déjà affreusement, mais là c'est une véritable agonie. Aujourd'hui, aucun jumeau à l'horizon pour veiller sur moi et tant mieux, mon besoin d'espace était alarmant. Bientôt, quand je mettrai à exécution la demande de Jade, il ne saura tarder avant que son frère jumeau vienne me harceler. Et je n'ai pas la moindre idée de comment je vais m'y prendre lorsque je serai confronté à lui. Comment suis-je supposé lui faire comprendre que lui et moi, nous ne pouvons plus être aussi proches qu'auparavant ? Que je suis un monstre et que je ne mérite pas son amitié ? Je vais devoir le dégouter pour qu'il se détache de ma personne, de sa propre volonté. Cela sera plus facile pour lui. Oui, pour lui, mais pas pour moi.

Finalement, personne ne s'est destiné à m'avouer le sens de cette journée qui agite toutes les langues de la prison. Les deux jumeaux restent tous deux bien ancrés dans leurs idées de protection suprême qui m'agace, au plus haut point.

J'ai donc décidé de mener mes propres recherches. Celle-ci se révèle assidue et non concluante. Les livres ne mentionnent aucun élément particulier sur le 29 juin. Rien, même sur internet.

Mais c'est bien. C'est une bonne occupation qui me permet de ne songer au meurtre de mon fils, une coupure bien fraiche. Je ne veux pas me tourmenter avec cela. Pour l'instant, mon but est de découvrir le sens de cette journée qui ne semble ni égayer les humeurs ni dessiner les sourires.

Assise à une table de la bibliothèque, je tapote frénétiquement la bague qui ajuste mon doigt. Je n'attends qu'une chose : l'horloge sonnant quinze heures.

Tic, tac, tic, tac

L'horloge fait danser le temps avec son aiguille.

Tic, tac, tic, tac

Il ne reste plus que deux minutes.

Tic, tac, tic, tac

Chante mon esprit en rythme.

Tic, tac, tic, tac

Je joue avec mes doigts, les bouge frénétiquement dans tous les sens. Ils en voient de toutes les couleurs.

Tic, tac, tic, tac

Les secondes ralentissent, l'arrivée est proche, toute proche...

15:00

Je me lève d'un bond et me précipite vers la sortie. Mes mouvements rapides se guident vers une direction encore inconnue jusqu'à aujourd'hui. Je suis les panneaux avec conviction.

SALLE DE VISITE

Une longue file d'attente se prolonge devant une porte en acier gris. Deux gardes y sont postés. Chacun patiente vigoureusement son tour. Parfois, des têtes se lèvent pour apercevoir le bout de la ligne. L'attente est interminable, elle n'arrange rien à mon stresse grandissante. Je suis tendu, mes mains moites s'entremêlent. Plus mes pas se rapprochent de la porte plus ma nervosité s'accroît.

Je ne sais à quoi me préparer. Dehors, pendant plus de six mois, personne (enfin à pars Bewen, mais qui n'existe plus pour moi) n'a évoqué le moindre besoin de me voir jusqu'à maintenant. C'est un moment se révélant à la fois tant espéré et tant redouté.

La porte se découvre à moi. Elle parait plus grande qu'elle en a l'aire, celle-ci est immense. Je me sens tout engourdi, dépourvu de capacité de mouvements quelconques. Mes pieds sont cloués au sol. Je n'arrive pas à décoller mes yeux de cet imposant bloc de béton qui me sépare de l'inconnu qui est venu me voir aujourd'hui.

Je ne remarque pas le garde qui me fixe avec malveillance sur le côté droit de la porte. Une prisonnière postée derrière moi dans la file me sort de mes songes en m'administrant une brusque tape dans le dos :

« Tu comptes passer la nuit ici ? crache-t-elle avec une impatience colérique. »

Je m'annonce alors au garde qui m'indique avec austérité la place qui m'a été attribuée. Mon regard traverse la salle à la recherche de mon visiteur et je l'aperçois enfin.

Je manque de m'étouffer. Il m'est impossible de croire ce que j'observe. La cadence de mon cœur accélère, étourdis par une telle surprise je me rue sur mon sauveur. Pour la première fois depuis des mois, un bonheur incontestable s'empare de moi et un immense soulagement me submerge à son tour.

Je m'élance dans les bras d'une grande masse brune, laissant transparaître — sans le vouloir — quelques gouttes d'eau salées sur mes joues. Mais cette fois, elle ne refoule aucun chagrin ou tristesse, mais de la joie, une joie pure, innocente et simple sur tous les points.

Je ne veux plus jamais me décrocher de cette étreinte. Je me sens en sécurité dans ses bras si familiers. Il me serre de plus belle contre lui. Les secondes passent trop vite, à mon goût, et on vient nous séparer. Nous prenons place à notre table.

Je me perds à travers ce visage dont les traits m'avaient été arrachés à l'époque. Il y a 6 mois exactement, longtemps, trop longtemps. Complètement absorbé par sa présence, je lui voue une contemplation sans limites. Ces premières paroles sont un doux nectar à mes oreilles.

« Tu ne peux pas savoir à quel tu m'as manqué Anda, commence-t-il.

Il me regarde avec tendresse.

  • Je suis vraiment désolé de ne pas être venu plus tôt ! Mais tu connais les démarches... Me confie-t-il espérant que ses excuses soient suffisantes ? J'ai dû me battre avec férocité pour pouvoir te rencontrer aujourd'hui.

Il attrape le bout de mes doigts avec ses mains. Mon cœur bat la chamade. Son contact est une chaleur exquise. Mes yeux brillent, je suis dans un monde parallèle, un monde ou plus rien ne peut m'atteindre. Un monde qui ne ressemble en rien à celui-là.

  • Moi aussi tu m'as manqué Lane, j'ajoute.

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