CHAPITRE XIII - PARTIE I
- Ce fut plutôt exaltant t'assister à ta prestation.
- Pardon ? Je réponds allongée à l'infirmerie, baignée par la douleur lacérant de mes multiples blessures, à l'issue de ce combat mortel.
M.Albert me scrute sans que je puisse déterminer le sujet de ses songes à mon propos. Il semble décrypter grâce à cette seconde épreuve d'amples informations sur ma personnalité.
- Oui, vous avez réussi à détourner la situation à votre avantage, ce qui est un bon point pour la suite des opérations.
- Je ne suis pas sûr de partager votre avis, vu mon état lamentable.
- Il n'y a pas d'inquiétude relative à créer concernant cet aspect, la médecine de la capitale dépasse l'entendement. C'est la plus développée de tout Koram. Vous serez sur pied dans un rien de temps, faites-moi confiance.
Debout, depuis le début de notre entretien, il s'assied, finalement, à mon chevet.
- Ne vous sentez pas obliger de me tenir compagnie, remarqué-je d'un ton placide.
Je suis vraiment une personne détestable, mais je ne l'avouerai jamais à voix haute. Il serait préférable pour la bonne stabilité de notre entente que nous ne discutions plus longtemps. Les possibilités d'endommagements sont larges. Et s'il finissait par me répugner, hein ? Son jugement le pousserait-il à m'éliminer ? Je ne veux pas m'y essayer.
- N'oubliez pas: je fais partie de votre équipe. Je me dois de vous soutenir. Mais passons, je suis de nature plutôt curieuse et Andorra, vous m'avez interloqué. Je ne serais comment élucider le faite que vous possédez des capacités de contrôle sur les Rads ? m'interroge-t-il directement avec calme.
L'un de mes frères travaillait dans la conception de ces machines, il est ingénieur et fait parti du conseil et du département d'innovations de mon ancien clan, l'éclairé- je sans exposer ce qui serait de trop.
- Cependant, cela n'explique pas tout. Nos Rads sont différents de ceux fabriqués dans le reste des autres clans, déclare mon guide visiblement attaché à connaître le fin mot de cette histoire.
Que désire-t-il que mes lèvres livrent, exactement ? Ces questions me donnent le vertige. Cet homme cherche des réponses à ce que je ne peux résoudre par moi-même.
- He bien, soit j'ai eu de l'aubaine, soit je suis tombé sur un RAD défectueux, je n'en sais trop rien, déduis-je avec une sérénité confuse.
Je reste de marbre, pourtant, à l'intérieur, je bouillonne. En retour, je souhaite, avec grande joie, lui adresser une vague d'interrogation. Cependant, je dois faire bonne figure, cet homme est peut-être le seul allier que j'aurai à mes côtés au cours de ces éliminations.
Mm Albert se lève et se poste devant la barrière de mon lit. Un largue sourire se dessine sur son visage carré en rassemblant ses mains.
- Une sacrée chance, prions pour que celle-ci ne vous quitte sans doute jamais.
Son sourire ne me ravit pas du tout. Il ne procure en tout cas pas l'ensoleillent de celui de Jayce. Ha ça non. Je ne me sens pas du tout confortable devant son expression faciale de caractère, disons, factice. Non, qu'il semble n'avoir envie de sourire, mais plutôt qu'il ne sache plus comment s'y prendre. Mes veines se glacent et une tension austère m'envahit. J'éprouve une nouvelle sensation avec ce personnage: l'oppression.
L'une des infirmières est venue me ramener les résultats de ma prestation ce matin: 43 %. Je n'ai même pas obtenu la moyenne alors que j'ai bien failli passer de vie à trépas. Quelle bande d'infinis connards ! Je me démène pour pouvoir participer aux jeux et c'est tout juste si mes efforts sont reconnus à leur juste valeur. Excusez-moi de n'être un démon meurtrier.
M.Albert n'avait pas tort, lorsque je me suis observé dans miroir, le lendemain matin, j'étais totalement neuf. Plus aucune douleur lacérante au niveau des côtes ainsi qu'un visage lisse sans le comble d'une noirceur autour des yeux. Résultant concluant.
On m'a prévenue être libre, jusqu'à l'après-midi, d'ici là je devais m'occuper dans ma cellule ou l'on ma reconduite, après mon petit déjeuner. La sérénité ne se manifeste point, là-dedans, mais je ne peux faire autrement en attendant la prochaine épreuve. Je suis tout de même curieuse de découvrir dans quel domaine nous allons nous tester. Néanmoins, la nervosité reste palpable.
À la seconde où l'on ne m'extirpe pas de mes pensées, je ne peux m'empêcher de faire fi des encombrements de mon passé. Songer est un supplice, car il m'amène à me confronter à de vieux démons ou à des plus récents, comme mon fils... Ces derniers temps, j'ai pris la précaution de ne plus évoquer le sujet pour ne faillir au craquage. Il suffit à la solitude de me surprendre pour je n'aboutisse à perpétrer le mensonge.
C'est une véritable tragédie mélodramatique déterminant la pièce de ma vie. Dès lors que son nom effleure mon esprit, mon coeur se contracte, mes battements deviennent d'une infernale lourdeur. C'est indélébile, jamais je ne pourrai me détacher d'une pareille accalmie. Il est vrai que certaines peines s'effacent avec le temps, mais la perte d'un enfant est différente. Une mélodie dissonante sonne constamment à mes oreilles qui malgré les notes attendrissantes passantes rien ne peut engourdir. C'est fatigant d'avoir autant mal.
Eneko a éveillé la meilleure parcelle de mon âme irritée, en majorité par les autres. C'est le seul être étant parvenu à déceler en moi l'envie de défendre une cause, la sienne. Cependant, aujourd'hui encore, je n'ai pas décidé de l'abandonner, j'irai au bout de mes actions et leur donnerai un sens. Rien dans ce monde ne pourra altérer ce choix.
En tant que mère, je m'en veux tellement de ne pas avoir réussi à le protéger. Autrefois, avant de lamentablement échouer, je me suis écorché à la tâche. Mes plans semblaient parfaits. J'avais oeuvré dans l'ombre pour le desserrer à jamais de l'emprise démoniaque de son père, Bewen. Mais mon ancien amant fut preuve d'une sagacité désarmante.
La porte s'ouvre, celle-ci ne se dévoile jamais à la même position. Ingénieux. Elle présente l'une des nombreuses techniques vouées à nous déboussoler. M.Albert rentre accompagné d'une jeune femme rousse, enveloppée de formes savoureuses. Je ne peux nier n'avoir jeté un coup d'oeil sur la vue imprenable de son décolleté, de la simple envieuse curiosité.
- Bonjour, bonjour mademoiselle ! Je suis très très TRÈS heureuse de vous rencontrer. ENFIN... C'est miraculeux de pouvoir vous voir en chair et en os devant moi. C'est fou non ?! s'exclame-t-elle euphorique. Eh bien... m'essayé-je.
Elle ne me laisse finir ma phrase que son flot de mots barbares jase de plus belle.
- Écoutez, c'est primordial de ne SURTOUT PAS PANIQUER ! hurle-t-elle avec une énergie agrippant, les mains s'excitant en tout sens.
Je sursaute surprise par cette soudaine montée dans les aigus.
- Parce que tout va bien se passer ma chère Andorra ! Andorra ? Non je peux vous appeler Ra ? Ando ? Alors...
Je fais une grimace suffoquée par ces dernières propositions. Mais c'est qui elle ? J'espère sincèrement que ce n'est pas la nouvelle épreuve, car je ne pense guère pouvoir la supporter longtemps celle-là... M.Albert remarque assez rapidement mon désagrément et coupe la jeune femme dans son monologue.
- Andorra, je te présente Mitai, elle va te faire passer la seconde épreuve. C'est une spécialiste en sa matière, les projections. Elle supervisera le bon déroulement de la deuxième épreuve.
Une bribe de soulagement m'ensevelit. Sur le fondement judicieux des recommandations de M.Albert, je m'abstiens de demander ce que cela pouvait être. Il est vrai que j'ai pu profiter des nombreuses avances technologiques grâce à mes origines. L'île de Ré est un clan possédant l'opportunité de grandement s'initier aux nouvelles ressources informatiques et mécaniques de notre ère.
Durant ces dernières années, l'humanité s'est largement épanouie dans les multitudes de fibres de ce domaine. Alors oui, j'ai déjà pu admirer plusieurs types d'illusions ou d'hologrammes d'une qualité exquise. Les projections appartiendraient à cette catégorie d'images irréelles ?
Je suis blême et je crois bien que mon guide l'a noté. Il pose une main sur mon épaule et identifie sans difficulté mes émotions.
- Mitai est un peu bavarde, je dois l'accorder, mais ne t'inquiète pas c'est bien son seul défaut.
Celle-ci est déjà sur le pas de la porte, engagée à partir. Mon sang bouillonne.
- Pas de temps à perdre les amis, elle aboie tout en guettant l'heure sur un écran diffusé face à elle.
Celui-ci est subitement aspiré dans son bracelet métallique noir ou clignote un point lumineux rouge.
- Je ne veux SURTOUT pas prendre du retard dans notre programme !
La pièce où l'on me prépare est davantage encombrée que la précédente. Au niveau décoratif, on ne distincte pas la moindre différence. Tous les murs sont immaculés d'un blanc aveuglant, seulement une troupe d'assistants grouillent devant des ordinateurs et autour de moi.
Chacun veille à exécuter sa tâche correctement, du câble, à l'épingle et à la vis se chargeant de maintenir ma tenue. Mon guide avait bien raison, en dehors de ses discutions endiablés, Mitai est une formidable chef de groupe qui ne défaillit pas face à ses responsabilités. Quelques fois, je vis un homme se perdre dans ses courbes, mais très vites, ils revinrent à la réalité.
Je guette les ordinateurs me cernant, en quête d'un détail ou d'une information importante qui pourrait me porter secours lors de ma prochaine mise à l'épreuve. Que devrait faire ? Comment réussir ? Serais-je à nouveau confronté à la mort ? Bien sûr rien n'échappe au cher Monsieur Albert qui se tient assis sur un canapé, derrière moi.
- Vous êtes à l'affût du moindre indice. Vous êtes sûr que cela vous aidera ? Si j'étais vous, je ne me ferais pas de soucis, prétendit-il sur une pointe de sarcasme.
Vu mon angoisse grandissante, ce commentaire me paraît de fort mauvais goût. Il ne fait qu'alourdir mon caractère orageux. Je ne m'attarde pas à rentrer dans son jeu et mise sur mon silence malfaisant. Il est or de question de me laisser déstabiliser à un instant aussi capital.
L'homme se lève et se poste devant moi. Je ne dédaigne pas poser mes yeux sur lui. Il me tape sur les nerfs... Il réajuste mes manches. Il n'a que ça à faire. Son bracelet clignote comme celui de Mitai à la sortie de ma cellule.
- Andorra ne vous laissez pas dévorer par ce qui n'est plus. Après les nuages, votre regard rencontrera des pages de convoitise. Là est votre combat. C'est le seul conseil que j'ai à vous donné pour aujourd'hui. Et d'ailleurs pour le reste de votre existence.
Pour une fois, mon silence ne signifie pas l'intériorisation de ma colère, mais un véritable vide de paroles appropriées. Aucune réponse de ma part ne semble pouvoir justifier ou contredire ces propos sibyllins, ne sachant pas de quel sort les manier. Pourquoi me débiter ce lot de mots avant cette épreuve en particulier ?
Une aide vient me chercher pour me conduire à travers un couloir menant à une porte. Derrière, une chaise mécanique ainsi qu'une jeune femme patiente sagement. Je reste planté sur le seuil de la porte. Je suis dans l'incapacité de bouger. Mon souffle compose un rythme saccadé, la peur m'a soudainement giflé de sa force magistrale. Les paroles de mon guide reviennent, subitement, à moi telle une rediffusion.
« Andorra ne vous laissez pas dévorer par ce qui n'est plus. Après les nuages, votre regard rencontrera des pages de convoitise. Là est votre combat. »
- Là est mon combat... je murmure.
- Madame...? Tente la jeune blonde en m'observant de travers.
- Oh...euh...excusez-moi. Que dois-je faire ?
- Vous n'avez qu'à vous allonger, je m'occupe du reste.
Je m'exécute, mon regard fixant le plafond aussi pâle que moi. Il fallait que je reprenne les rênes de mes songes divagantes. Il n'avait pas lieu d'être à cette heure.
La blouse blanche actionne un mécanisme et deux fils font irruption des deux côtés de mes épaules. Ils se mettent à tanguer dans les airs s'adonnant à des mouvements serpentins. La blonde les saisit dans leur danse et penche sa tête vers moi en me prévenant:
- Ça va un peu piquer.
Plaçant les deux fils sur mes tempes, j'éprouve un léger fourmillement traverser le long de mon corps pétri par la raideur.
- Vous allez rapidement tomber dans une transe semblable à un sommeil profond. Surtout, laissez-vous aller et ne lutter pas, m'avise-t-elle avec une grande douceur qui n'éteignit pas pour autant ma panique oscillante.
Je ressens une drôle de sensation, j'ai l'impression de sentir mes bras, mes jambes, mes doigts et chacun de mes autres membres glisser dans une dimension inconnue à la mienne.
Et puis ce fut le noir total. Non je m'égare, l'opposition de couleur ne désignait pas formellement ma vision. Rien, oui rien, ne parsemait cette déconcertante atmosphère où ne demeurait âme vivante.
Fantôme, Abandon et Illusion. Ces trois mots forment un tableau métaphorique. Chacun d'eux formule une proposition et je suis censé même que je dois faire un choix. Pointer l'un d'eux et en dépeindre par la suite.
J'ai beau les retourner dans tous les sens, aucun de ces trois noms n'a une signification précise. En tout cas, pas assez à mon goût qui se sait très prononcé. Que dois-je faire ?
Fantôme Abandon et Illusion, ni l'un, ni l'autre n'attire davantage ma convoitise. Je perçois des ombres se mouvoir furtivement dans les courbes du néant en vacant une énergie particulière. Je ne peux bégayer plus longtemps face à l'alignement de ses lettres, sinon mon aventure s'achèvera ici. D'accord... Je me laisserai bien tenter par fantôme.
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