Chapitre 3
- Salut patron, déclara William à Nicolai, en arrivant ce matin-là. On a trouvé quelque chose, c’est à peine croyable.
- Ne dites rien, je vais chercher… Vous comptez partir en voyage. Évidemment, je ne vous y autoriserai que si notre mission est terminée, même au vu de votre handicap.
- Pardon ? Dit le bio-informaticien.
- Comme vous le savez, j’ai accès à l’ensemble de vos travaux. Avez-vous demandé hier soir à notre IA une correspondance par rapport à une séquence ADN ?
- Oui, nous voulions vous en parler avec Élisabeth — qui venait d’entrer dans la pièce —. Nous avons trouvé un code composé d’un million de gènes qui est apparu il y a au plus 4000 ans ? Celui-ci est présent sur tous les échantillons référencés après cette date. J’ai créé une requête hier soir afin de déterminer qu’elle en était la nature ?
Le docteur Prizileski sourit à cette inattendue déclaration.
- On vous a joué un tour, mon ami. Vous avez subi un piratage informatique, car béni soit mon habitude de consulter nos travaux en cours, j’ai les résultats. Attention roulement de tambour : Votre recherche ne représente pas un code génétique déterminant la couleur des yeux ou le nombre de doigts, mais un tableau basé sur la position des étoiles, avec des dates et une sorte de référencement GPS terrestre. Il y a un reliquat, mais il est incompréhensible. Bravo, je vais devoir demander aux gars de l’informatique de vérifier notre serveur, merci beaucoup. Ils devraient être là avant midi, en attendant ne touchez à rien.
William pencha la tête sur le côté, avant de s’exprimer d’une voix posée.
- Je trouve ce que vous dites ridicule. Notre système antivirus est censé être très sûr et je ne connais personne qui perdrait son temps à me faire une blague aussi élaborée.
- Bien sûr, de toute manière nous verrons bien, indiqua le docteur Prizileski avant de prendre son téléphone.
Une fois l’idée du piratage informatique écarté, la possibilité d’un lien entre la séquence ADN et le « carnet de rendez-vous » devint envisageable. Le prix Nobel effectua lui-même et par trois fois la requête auprès de l’IA afin que celle-ci cherche à déterminer à quoi pouvait correspondre ces données et le résultat fut celui de la veille : un tableau avec des dates et des lieux et un reste incompréhensible. Ces informations allaient livrer un ensemble de détails intéressant, après une simple lecture : le premier évènement ne se déroula pas il y a 4000 ans, mais plus de 100 000, la fréquence était d’une dizaine par an et les emplacements précis, au mètre près.
« Incroyable » fut le mot le plus employé par les 3 médecins. Après avoir bu une demi-bouteille de whisky avec ses collègues, le manager posa la question que tous redoutaient.
- Si ce tableau n’est pas une blague ou un moyen de nous espionner, doit-on le dire et à qui ?
- On ne sait pas à quoi correspondent ces rendez-vous, déclara Élisabeth. Quel en est le but ? Et qui a élaboré ce message ? Une civilisation éteinte, les Égyptiens ou les Mayas peut-être.
- Soyons sérieux un moment, interrompit Graham. S’il ne s’agit pas d’un évènement naturel, il n’y a qu’une nation extrêmement avancée qui pourrait modifier l’ADN de tous les êtres vivants d’une planète. Darwin peut se retourner dans sa tombe et vous allez peut-être me prendre pour un fou, mais moi je dis que c’est un coup des extraterrestres !
- Il existe une autre possibilité, basée sur une simple coïncidence, dit le manager. Imaginons qu’un ou plusieurs évènements particuliers comme les radiations d’un trou noir ou d’une super nova arrivent sur notre planète et ajoute un code génétique sur tous les êtres vivants. L’IA pourrait interpréter ces données, comme une série de lieu et de dates, même placées dans le futur. Son programme devait trouver une solution et c’est là que ce tableau est apparu… par hasard ou par erreur.
- Arrêtez de boire, capitaine Prizileski, le bateau va droit dans l’iceberg, indiqua Élisabeth avant de pointer le glaçon qui était dans son verre.
La suite de la discussion ne fut qu’une série de digression stérile, jusqu’à ce que Graham fasse une proposition.
- Quand et où aura lieu le prochain rendez-vous ? Chef.
- Selon l’IA, dans treize jours et ce sera… un instant… Voilà c’est là, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Rimouski, au Canada.
- Et bien, nous pourrions prendre quelques jours de vacances et nous y rendre afin de déterminer si tout cela est un canular ou le résultat d’un bug informatique, indiqua William.
- Je préfèrerais que nous ne quittions pas tous le bâtiment, car je ne voudrais pas me ridiculiser devant la patronne en devant me justifier.
- Ah bon ? demanda Élisabeth.
- Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais nos travaux sont directement suivis par la dame de pierre. Je suis le responsable et je trouverai une excuse pour couvrir votre absence, mais je me dois de rester. Personne ne doit savoir le véritable but de cette expédition, ni famille ni ami et je pense particulièrement à votre compagnon, Miss Raslan qui devra demeurer ici à jouer les surfeurs.
- Je comprends. Je lui dirais que je dois me rendre à Rimouski pour une formation. Ce sera plausible, car pour lui, je suis une simple infirmière.
- C’est dans un autre pays, lui fit remarquer le bio-informaticien.
- Ryan pense que le lait en brique pousse dans les rayons de supermarché.
Les trois cancérologues sourirent à cette note d’humour bienvenue.
- Soit, vous irez donc tous les deux. Docteur Graham, je crois que vous disposez d’un véhicule adapté à votre handicap ?
- Pardon ? J’accepte la mission, mais je refuse de conduire jusqu’à la côte Est sur 5000 kilomètres. Il nous faudra au moins une semaine pour nous y rendre… Et dans mon état ?
- Autant pour moi, j’ignorai ce détail... va pour l’avion. Le mieux serait que vous partiez la veille, une petite journée pour effectuer les repérages et résoudre cette énigme et disons retour le lendemain. Je ne viendrai pas avec vous, mais permettez que je finance ce déplacement, c’est la moindre des choses.
- Cela me convient, dit la jeune femme.
- Pareillement et si c’est une blague ou une interprétation erronée de l’IA, on passera au pire pour des idiots. Rien de plus.
La réponse de William fut spontanée, d’autant plus surement que le fait de se trouver avec Élisabeth en dehors de leur centre de recherche pendant quelques jours lui permettrait peut-être de renouer certains liens.
- Au fait, si vous avez une piste quelconque pour Paul, n’oubliez pas que c’est notre priorité.
Les deux médecins se regardèrent d’un air interloqué, comme si cette phrase pouvait avoir une importance dissimulée. Ils ne se seraient pas posé la question s’ils avaient su que l’épouse du docteur Prizileski avait un cancer du sein.
- Il existe des détails à régler, mais une chose est sure : si ce carnet de voyage n’indique pas le but de ces rencontres, je doute que ce soit pour boire un coup, dit le prix Nobel avant de finir son verre.
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