Chapitre 5

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À peine Élisabeth commença-t-elle à se réveiller, qu’elle vit deux soldats armés et cagoulés, dans ce qu’il ressemblait à une chambre d’hôpital sans fenêtre. Un d’entre eux vérifia ses constantes — ce qui semblait indiqué qu’il avait des connaissances médicales —, puis il sortit de la pièce sans un mot. Quelques minutes plus tard, un homme et une femme entrèrent et le dernier fantassin partit aussitôt, laissant seules les trois personnes.

- Miss Raslan, je me nomme Kalagan et je suis colonel des États-Unis d’Amérique.

- Bonjour, je suis Helen Chatterton, la mère qui vous a engagée pour aider mon fils et qui finance vos recherches. Cela fait quinze heures que vous avez été enlevé par l’armée. Avez-vous besoin de quelque chose ?

L’officier se tourna vers la milliardaire et lui parla d’un ton sec.

- Madame, s’il vous plait, la situation est trop grave pour que vous essayiez de l’influencer. Renouvelez une telle manœuvre et je vous ferais quitter les lieux.

- D’accord, j’arrête là, déclara la femme d’âge mure avant d’inviter l’officier à s’exprimer par un sourire forcé.

- Des évènements…

- Où est William ? C’est incroyable, ce qui lui est arrivé, non ? demanda la convalescente en lui coupant la parole.

- En effet, nous savons pour sa guérison… disons miraculeuse. Certaines de nos questions sont d’ailleurs liées à cela.

Bien que faisant attention au fond comme à la forme de ses propos, le colonel ne put cacher un certain embarras vis-à-vis du docteur Graham. Cette crispation n’échappa pas à la jeune femme.

- Il est ici ? Je souhaiterais le voir.

- Je crains que cela soit impossible, répondit l’officier.

- Il est mort — sous-entendant qu’on l’avait tué — ?

- Nous espérons que non, cependant nous estimons qu’il est en danger et nous voulons l’aider, comme vous.

- M’aider ? Mais je pense pouvoir me passer de vous. Au fait, je peux partir ?

À ces mots, le regard de Gentil s’assombrit, comme s’il n’avait pas l’habitude qu’on lui tienne tête de cette manière. Voyant cela, Chatterton prit la parole avant qu’une phrase de trop ne soit prononcée.

- Calmez-vous Élisabeth ! Nous sommes des personnes responsables et il n’y a pas de raison de ne pas se faire une confiance mutuelle. Certains évènements doivent être expliqués et le plus tôt sera le mieux.

- Comme vous semblez le savoir, William a retrouvé l’usage de ses jambes, déclara la scientifique. Je souhaiterais qu’on me dise si c’est toujours le cas. Ma collaboration sera à ce prix.

- Nous ignorons où se trouve Graham. Voilà, c’est dit ! Pardon colonel, je ne voulais pas donner cette info si tôt, mais elle a besoin de nous, même si elle ne s’en rend pas compte.

- Attendez, j’ai fait quelque chose de mal ?

- Elle ne semble pas au courant, indiqua la milliardaire.

- Le mieux serait de commencer par la découverte liée au code ADN que vous avez trouvé, déclara l’officier.

- Bien sûr…

À cet instant, la veuve Chatterton coupa la parole à Élisabeth en toussant de manière forcée, ce qui eut pour conséquence de la faire taire. De toute évidence, l’armée n’avait pas toutes les informations liées à la découverte du gène exceptionnel. C’en fut trop pour l’officier, qui appela les gardes stationnés derrière la porte, qui sortirent la femme la plus riche du monde manu militari. Suite à cet incident, monsieur Gentil remplit un verre d’eau et le tendit à la convalescente qui l’accepta, puis il s’exprima calmement.

- C’est un être exceptionnel. Partie de rien, elle a atteint les sommets, grâce aux nouvelles technologies et à ses partenariats militaires. Cependant, elle a un point faible lié au fait que son fils soit malade, ce qui trouble son jugement. La dame de pierre n’a pas l’habitude qu’on lui dise non, entourée qu’elle est de lèche-bottes. Je vais être clair, nous savons qu’elle nous cache quelque chose vis-à-vis de votre travail et je me fais fort de découvrir ce que c’est. Cependant, notre attention se doit d’être dirigée en priorité vers la recherche du docteur Graham. Pour ce faire, j’aurai besoin de votre témoignage quant aux évènements du bureau ovale.

- Le quoi ?

- L’attentat.

- Mais de quoi parlez-vous ?

La déclaration d’Élisabeth fut si spontanée que l’officier ne put que la croire. Calmement, il croisa ses bras devant lui quelques secondes, puis il tapota le rebord du lit avant de sortir son téléphone.

- Je vais vous faire voir une vidéo de surveillance du bureau ovale du président, situé à Washington DC.

- Je sais où c’est, merci !

L’enregistrement de bonne qualité montrait Graham — se déplaçant maladroitement sur ses jambes — et Raslan apparaitre dans un éclair jaunâtre. Ils semblaient joyeux comme s’ils avaient gagné au loto. L’audio également était excellent.

- Des ambassadeurs de la Terre auprès des habitants d’une autre planète, c’est à peine croyable. Nicolai va être comme un dingue, dit William.

- Franchement, ça s’est très bien passé et je veux y retourner le plus vite possible. Ils ont tellement à nous apprendre.

- C’est clair… tiens un bar, je boirais bien un coup.

- Non, la mission d’abord, William. Il faut prévenir le président, puisqu’on n’a pas le numéro de la veuve Chatterton.

Mêlant la parole au geste, Élisabeth prit le premier téléphone qu’elle trouva et aussitôt une voix lui répondit.

- Monsieur, vous êtes rentré ? Je vous croyais à l’étranger.

- Allo, bonsoir. Avez-vous le numéro du président s’il vous plait, car nous voudrions lui parler ? C’est important.

- Qui êtes-vous et que faites-vous dans le bureau ovale ?

- Nous sommes les docteurs Raslan et Graham. Nous travaillons pour l’association GFA et nous avons rencontré des extraterrestres. Ils nous ont mandatés pour être leurs représentants.

- Ne bougez pas, on arrive, dit la voix au bout du fil avant de raccrocher.

Le reste de la vidéo montra trois militaires entrer dans la pièce avec leurs armes à la main. À peine menacèrent-ils les deux scientifiques que les soldats se transformèrent en une poudre blanchâtre — semblable à du talc — les tuant sur le coup. William et Élisabeth ne furent pas affectés directement, mais ils hurlèrent à cette vision d’horreur. La seconde d’après, ils disparurent dans un éclair jaunâtre.

Kalagan arrêta la vidéo d’un geste vif, alors qu’Élisabeth restait bouche bée devant l’image fixe de ces trois malheureux.

- Voilà, dix minutes plus tard, des militaires entrèrent dans la pièce. Alors qu’avez-vous à dire ?

- Je ne me souviens de rien, je le jure !

Le colonel eut un moment d’hésitation. Qualifier sa prisonnière de menteuse entrainerait une tension, alors qu’elle semblait coopérer. Il préféra donc lui accorder le bénéfice du doute — tant qu’elle lui livrerait des informations, afin de lui faire comprendre ce qu’il s’était passé —.

- Mon ex-femme m’a souvent dit que j’étais un homme paradoxal. J’ai une formation de journaliste où l’écoute et la communication sont importantes, mais je suis également un militaire et remplir ma mission doit être ma priorité ; or amalgamer ces deux notions est généralement la clé d’une certaine réussite. J’ai appelé le docteur Prizileski et je pense que nous avons la même manière de raisonner sur ce point.

- Au fait, il va bien ?

- Oui, votre ami prix Nobel a été peu coopératif, mais nous l’avons laissé filer, car il devait se rendre à l’hôpital.

- Il a dû aller se faire soigner, mais il n’a rien. Vous me prenez pour une idiote ?

- Vous interprétez mes propos, jeune fille. J’ai dit qu’il devait se rendre à l’hôpital, mais je n’ai pas déclaré que c’était parce qu’il était souffrant. Sa femme vient de se faire retirer son second sein et…

- Elle est malade ? interrompit la généticienne.

- Oui, je croyais que vous étiez au courant. Cancer et à un stade avancé.

- Je comprends mieux pourquoi il ne désirait pas se rendre avec nous à Rimouski, ainsi que d’autres choses.

Le colonel avait fait preuve d’une certaine habilité en se positionnant en tant que la personne capable de lui venir le plus en aide. Raslan souhaita appeler Prizileski, ce qui lui fut accordé. Une fois rassurée sur l’état de santé de son chef, Élisabeth se dit qu’elle aurait intérêt à une certaine collaboration avec son — geôlier —.

- Qu’est-ce que vous voulez savoir ?

- Tout, mais le plus simple serait de commencer par le début, dit le colonel en sortant un carnet — alors que la pièce était sur écoute —.

- Ce que je vous propose, c’est que nous répondions à tour de rôle à la question de chacun. Je fais un geste pour vous et en échange, vous en faites un pour moi. Êtes-vous d’accord, docteur Raslan ?

- Oui, puis-je commencer ?

- Bien sûr.

- Où suis-je ?

- Dans un de nos centres secrets de commandement, reconverti pour l’occasion en… hôpital de campagne de luxe, situé sur une île au large de la Jamaïque.

- Quel est le nom de cette île ? demanda Élisabeth sur un ton agacé.

- Je suis désolé, mais c’est mon tour, dit l’homme dont la mâchoire commençait à se crisper. Au fait, en plus des trois gardes, voulez-vous savoir combien de personnes sont mortes lors de votre intrusion dans le bureau ovale ? Pour l’instant, le nombre s’élève à plus de cent. C’est difficile à dire, car tous les végétaux ont été réduits en une fine poudre blanche et cela complique considérablement la tâche des médecins légistes. Apparemment, tous les ADN ont été affectés par une radiation et je dois déterminer si ce genre de chose va se renouveler et à quelle échelle… alors vous pouvez poser des questions, mais uniquement quand ce sera votre tour, déclara Kalagan en insistant sur les derniers mots.

Le docteur Raslan était à la croisée des chemins. Devait-elle obéir à l’état ou à son employeur ? Dans le doute, elle préféra essayer de gagner du temps. La difficulté était de savoir si son interlocuteur allait tomber dans le piège.

- Connaissez-vous les possibilités d’un supercalculateur quantique et comment il permet à partir des cent mille milliards de cellules d’un être humain de trouver la séquence ADN d’une maladie génétique ?

À ces mots, l’officier plissa les yeux, puis son visage se ferma. Il pianota un message sur son smart phone et aussitôt les deux militaires entrèrent dans la pièce avec une cantinière pleine de matériel. Ils commencèrent par attacher Élisabeth, puis ils étalèrent sur le lit des outils de torture de plus en plus imposant, de la seringue à la masse.

- J’apprécie que vous m’expliquiez vos travaux, mais prenez votre temps, car j’aime bien aller au fond des choses, déclara le colonel, avant de se saisir d’une matraque.

Il n’en fallut pas plus pour que le docteur Raslan révèle tout ce qu’elle savait de la manière la plus pédagogique possible, comme le véritable but de l’association GFA. Elle décrivit la découverte du gène exceptionnel et comment l’IA avait déterminé les points de rendez-vous, le voyage à Rimouski et la rémission — miraculeuse — de William, ce qui prit plusieurs heures.

Sur un signe de la tête de leur colonel, les soldats la détachèrent, récupérèrent leur matériel, puis sortirent de la pièce et l’officier put s’exprimer dans un cadre plus intimiste.

- Il y a encore des trous dans la raquette, docteur, mais je veux bien admettre que vous avez collaboré.

- Je vous ai tout dit.

- Prouvez-moi qu’on vous a effacé la mémoire ?

- Je ne peux faire cela.

- Où est William Graham ?

- Je l’ignore

- Quel est l’objet qui était dans son sac ?

- Je vous l’ai déjà dit, je n’en sais rien.

Face à une telle pression psychologique, Élisabeth éclata en sanglots. Le colonel finit par la prendre en pitié et quitta la chambre. Il se serait surement montré plus diplomate s’il avait pris conscience que menacer les ambassadeurs d’une race extraterrestre pouvait s’avérer contreproductif, s’il voulait développer une relation de confiance avec eux. Ce manque d’anticipation représentait le genre de maladresse que la dame de pierre comptait bien mettre à profit.

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