Chapitre 10
Au même moment, un peu plus loin.
Hendrix referme la porte du carré vip.
Une trentaine de personnes se trouvent à l’intérieur. Ils sont excités, ils ont passé la sélection, ce soir c’est la soirée d’intronisation des nouveaux arrivants.
Hendrix réclame le silence. La foule se tait.
Philéas sort de son bungalow, entouré de deux colosses.
Il est vêtu d’une longue robe noire avec une capuche aux bords dorés.
Il s’avance, les deux colosses s’arrêtent. Il monte sur une estrade et contemple de sa hauteur les nouveaux arrivants de son club très prisé.
Il retire sa capuche. Les nouveaux peuvent enfin admirer de plus près le grand patron.
Philéas est de taille moyenne, il porte une petite barbichette et un chignon sur la tête. Il n’est pas trop original, il pourrait être le chef de n’importe quelle secte à la con implorant le retour des extraterrestres ou une fin du monde imminente.
Il débute son discours. La foule est tout ouïe.
- Mes amis, voilà enfin le jour j. Tous vos efforts vont être enfin récompensés.
La foule fait un « ahh » de satisfaction.
- Dans quelques instants, je vais apporter la dernière pierre à votre édifice. Pendant des mois vous avez entretenu votre corps, l’avez sculpté, écouté, embelli. Il ne reste plus que la Philéas Touch.
Hendrix sourit. La foule se demande ce que peut bien être la Philéas Touch.
Le gourou ferme les yeux.
Respire lentement. Lève les bras au ciel.
Le groupe reste attentif et silencieux depuis plusieurs minutes.
Philéas ouvre subitement les yeux et un petit nuage bleuté apparaît et lui entoure sa tête.
La foule fait un « ohh » de stupéfaction.
- Mes amis ! « Les fils d’Ibis » vous souhaitent un agréable séjour. Bienvenue à Meat River ! hurle Philéas.
Sa bouche s’ouvre en grand, s’illumine et une trentaine de feux follets en sortent et virevoltent dans les airs.
Ils tournent autour de la foule, s’arrêtent chacun devant une personne et simultanément pénètrent à l’intérieur d’eux.
Philéas attend quelques secondes, demande à Hendrix de calmer la foule et reprend son discours.
- Bon ? Tout le monde est là ? J’espère que vous avez fait bonne route.
Avant tout, je vous remercie d’avoir choisi notre compagnie pour votre séjour, qui je l’espère, restera inoubliable…
- Excusez-moi, dit un gars.
Philéas fronce les sourcils.
- Oui, que se passe-t’il ?
- Il se passe que j’avais réservé un corps d’une vingtaine d’années et même si celui-ci est très bien conservé, ce n’est pas du tout ce que nous avions prévu.
Philéas semble un peu gêné. Il y a toujours des clients un peu difficiles, c’est le jeu, le client est roi.
- Bon, ne vous inquiétez pas. Est-ce que quelqu’un souhaite aussi changer ?
- Oui moi, dit une jeune fille.
- Bien sûr, quel est le problème ?
- Ben, niveau confort c’est très bien, mais c’est mon deuxième séjour et j’aimerai bien le passer dans le corps d’un homme.
- Super, dit Philéas en se frottant les mains.
Il s’approche du gars, le touche.
Le petit nuage bleu disparaît et réapparaît sur la tête du gars. Ils ont permuté de corps.
Philéas ne bouge plus.
Le gars sourit, s’approche de la fille, la touche à son tour. Le nuage bleu disparaît et réapparaît sur la tête de la fille.
Elle regarde le gars, Philéas, fait un rapide calcul avec ses doigts, s’approche de ce dernier et le touche.
Philéas retrouve son petit nuage bleuté sur la tête.
- Bon, tout le monde est content ?
- Ouais cool, j’ai toujours rêvé d’avoir des seins, dit le gars désormais dans le corps de la fille en se touchant passionnément la poitrine.
- Mouais, on ne peut pas gagner à tous les coups, dit la fille désormais dans le corps du gars en regardant tristement à l’intérieur de son short.
-Bref, dit Philéas légèrement agacé par ce petit contretemps.
Il souffle puis reprend.
- Á l’extérieur de ce camp, le bonheur. Durant toutes les nuits de votre séjour, nous mettons à votre disposition la population de Meat River. Retrouvez les plaisirs d’antan. Baisez, bouffer, tuer et tout ça dans l’ordre que vous voulez !
Il rigole. Il aime bien ce petit slogan.
- Mais n’oubliez pas ! La journée, c’est repos ! Discrétion oblige et surtout il faut reprendre des forces. Vos corps ont été travaillés pour être en parfaite condition physique mais il y a des limites. Vous êtes responsables de votre corps, il ne sera ni repris ni échangé, donc allez-y mollo.
La foule fait un « waah » de jubilation.
Hendrix ouvre les portes du camp.
Philéas se rapproche de lui et lui chuchote à l’oreille.
- J’espère que les frères ne vont pas en tuer trop d’un coup. J’ai reçu beaucoup de plaintes sur la durée du séjour.
- Ils ont toujours abattu un tiers du groupe dès leur arrivée, ça les tient un peu, sinon il n’y aurait plus de consos pour les prochains arrivants.
- C’est vrai qu’ils ne se reproduisent pas trop vite à Meat River.
- C’est surtout que vous avez augmenté le nombre de séjours, faudrait penser à se délocaliser un jour.
Hendrix se tient devant la porte. Les touristes avancent prudemment, ils ont entendu parler de l’accueil qu’on leur réserve.
Pas de coup de feu.
Hendrix regarde Philéas qui hausse les épaules.
La totalité est sortie du camp et personne n’a été abattu.
La foule fait un « yaaaa » d’excitation et part en courant dans les bois, direction le buffet à volonté.
Hendrix referme les portes.
- Pourvu qu’ils ne soient pas trop gourmands cette année, ils ont toujours tendance à avoir les yeux plus gros que le ventre.
- Pfff, je déteste le gaspillage, dit Philéas, va préparer leurs bungalows, ils vont avoir besoin de repos.
La première nuit est toujours la plus intense.
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