Chapitre 11
Putain, qu’est-ce qu’elle fout ?
Ça fait dix minutes qu’on est tous monté dans la caisse de Gart, prêt à foutre le camp.
Je klaxonne.
- Lucy ! Merde ! je gueule.
Elle sort enfin de la baraque avec un énorme sac en cuir et monte à l’arrière à côté de Garret.
- On n’a pas trop le temps-là, qu’est-ce que t’as ramené ?
Je la vois sourire dans le rétro.
- T’inquiète, allez, enclenche.
Je pose Ed sur le tableau de bord et je démarre.
Il fait déjà nuit, je mets plein phares, on n’y voit rien dans ce bled.
Ça fait à peine quelques minutes qu’on roule.
Je pile d’un coup sec.
Deux types traversent la route en courant. Putain les cons, ils ne peuvent pas regarder ?!
Je repars … et je pile encore.
Un troisième type heurte le capot.
- Fais gaffe connard ! Je suis sur les nerfs.
Le gars tape à deux mains sur la tôle, éclate de rire et dégage aussi sec.
- Mais c’est quoi leur problème ?!
- Ce sont de nouveaux arrivants, répond Ed.
Fait chier, la cérémonie de bienvenue a déjà eu lieu. Il va y en avoir de partout. J’avais pas prévu ça.
Je continue de rouler, plusieurs détonations retentissent.
Je ralentis, baisse la vitre...
On passe devant un pavillon, une femme est en pleurs, un touriste s’enfuit avec un enfant sous le bras tandis que le père ouvre le feu avec son fusil.
Un peu plus loin, une explosion, encore des cris.
On passe devant plusieurs habitations et toujours la même scène.
Les membres des « Fils d’Ibis » se ruent chez les gens, agressent, violent, saccagent tout sur leur passage.
- Lapin, fonce chez Lauren ! me supplie Lucy.
Je mets le turbo, on viendra s’occuper d’eux plus tard. Je vois Garret dans le rétro, il est en panique, il serre contre lui la combi de Corey.
- Là ! Chope-les ! Dans le jardin ! gueule Ed en foutant un coup de crâne dans le volant.
Je perds le contrôle et fonce contre deux gars qui se font une partie de Ping Pong en plein air.
Ma voiture les percute de plein fouet, brise la table, l’un vient s’écraser contre le pare-brise, tandis que l’autre passe sous les roues. La voiture s’arrête.
- Tu les as eus ! Je t’avais dit que des fois on se faisait un Ping Pong, ils en raffolent ! s’exclame Ed, tout fier de lui.
Je sors du véhicule pour lever le type de mon pare-brise.
« Ploc ».
Merde, j’ai marché sur la balle.
Je tire le mec, il est incrusté. La porte du pavillon s’ouvre. Une femme sort en pleurs et hurle.
- Mon Dieu ! Vous les avez tués !
Je regarde Ed de travers. Il me regarde avec ses gros yeux vides, d’un air désolé. Je lutte pour retirer le front ouvert du gamin de mon pare-brise. Tant pis je le laisse, il est côté passager, c’est pas gênant.
- Mais qu’est-ce que t’as branlé lapin ? m’engueule Lucy.
- C’est bon c’est l’autre là…
Je redémarre et accélère. La voiture patine.
- Fait chier, on est embourbé !
Je descends de la caisse pour la pousser et ordonne à Lucy de prendre le volant.
Elle accélère, je pousse. La roue patine sur le corps de l’autre gars qui a fini sous la caisse.
Je me prends des morceaux de viande dans la gueule et des jets de sang pendant que sa mère hurle toujours devant sa porte.
- J’y arrive pas ! Je m’énerve un peu.
Je pousse, rien à faire, ça bouge pas d’un pouce, la roue patine sur le bide du jeune qui se creuse à vue d’œil.
- C’est mort ! Descendez, on continue à pied !
Quel con cet Ed, putain on n’avait pas besoin de ça. Tout le monde descend et on se barre à toute allure.
- Je suis désolé, je pensais que…
- Ta gueule ! je lui réponds sèchement.
On cavale depuis vingt bonnes minutes.
J’en peux plus.
Je m’arrête pour gerber. Lucy m’attrape au passage par mes oreilles de lapin et me tire.
- Allez, bouge ton cul ! T’avais qu’à rouler droit !
On arrive enfin chez Lauren. La porte est ouverte.
- Lauren ! hurle Lucy en fonçant à l’intérieur avec Garret.
Un hurlement retentit à l’étage. Un hurlement de frayeur. Un hurlement de femme apeurée.
Non ! Non, pas ça !
Je lève la tête, un type enjambe sa fenêtre avec un paquet. Il trébuche et vient s’exploser par terre. Je reprends mon souffle. J’ai un point de côté. Je suis k.o.
Je finis ma clope et l’écrase…
Je fonce à mon tour dans la maison et monte les escaliers en vitesse. Je les rattrape dans le couloir et on pénètre ensemble dans la chambre de sa sœur.
Pourquoi on l’a laissée seule !
Un type, le froc baissé, se tient debout devant le lit et prend Lauren en levrette, comme un animal. Il a posé une couverture dessus, surement pour l’empêcher de crier et a juste laissé sortir le bas de son corps.
- Non !
Lucy se jette dessus.
- Laisse-le moi, occupe-toi de ta sœur, je lui dis en levant ma batte.
Je lui aplatis la tête. Le corps continue de bouger.
Fait chier. Je vais pas encore me niquer les bras !
J’attrape le pieu de Garret et l’empale sur le plancher.
Pas bouger ! On s’occupera de lui plus tard.
Je me retourne.
Lucy tire sur la couverture…et la laisse tomber.
Elle aussi, se laisse tomber, ses jambes ne la tiennent plus. Le spectacle est encore plus insoutenable que les toilettes sèches.
Sur le lit, gît seulement la moitié du corps de Lauren. Elle a été arrachée en deux au niveau des hanches.
C’est gerbant.
Ces touristes, c’est vraiment des sauvages.
Garret reste immobile, figé, tandis que Lucy s’effondre.
Je ne sais pas quoi dire. Je pense d’ailleurs qu’il ne vaut mieux rien dire. Je me sens de trop dans la pièce.
Je repose la couverture sur le demi-corps et laisse Lucy et Garret se recueillir.
Je vais faire un tour dans le jardin. Faut que je prenne l’air. Ed s’agite dans mon sac à dos.
Par terre, y’a toujours le gars qui s’est vautré par la fenêtre. Il rampe vers son paquet, il s’est brisé les jambes. Je le termine vite fait, mal fait.
Manquerait plus que je m’applique !
Je chope le paquet, l’ouvre, soupire, rentre dans la maison et ferme la porte à double tour.
Lucy descend l’escalier et rejoint Garret dans le salon. Le petit est à nouveau pris de hoquet et de tics nerveux.
C’est encore plus violent que tout à l’heure.
Le pauvre, la soirée ne l’a vraiment pas épargné.
Je pose le paquet sur la table et l’ouvre.
- C’est bon, j’ai retrouvé l’autre moitié.
- Hic ! fait Garret et s’endort.
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