Meurtre en salle de presse
Le Commissaire Diabolo Menthe entra dans la salle de rédaction vers 23H00, alerté peu avant par une voiture de patrouille.
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Le patron du Grand Journal de l'Aisne, un quotidien apprécié de bien des lecteurs de ce département rural, avait été abattu en pleine revue de presse. Aussi le chef de la police judiciaire de Soissons arriva-t-il très agacé dans les locaux. En effet, on l'avait dérangé alors qu'il suivait en début de soirée, un merveilleux récital au titre déroutant " Un piano au repos ", exécuté de main de maître par un virtuose japonais Sake Paquet.
Malgré la scène de crime assez bouleversante dans laquelle il s'avançait, il ne pouvait échapper aux réminiscences sonores qui résonnaient à ses oreilles. Il entendait encore ces envolées baroques du pianiste qui, dans des respirations bruyantes et violentes, presque asthmatiques, agitait sa chevelure d'ébène taillée en coupe au bol.
Plusieurs enquêteurs et OPJ œuvraient en prenant les dépositions de l'équipe éditoriale qu'il fallait encourager car très éprouvée par l'agression récente. La scientifique mitraillait à tour de bras et le médecin légiste établissait les premières constatations. Le substitut du procureur prévenu ne tarderait pas à lui téléphoner pour réclamer un point de situation.
Et comme par magie, le lieutenant Marie Lafortune se posta devant lui, prête à lui présenter un compte-rendu. Elle semblait très agitée et cherchait à reprendre sa respiration. Engoncée dans son corsage et son gilet pare-balle, ses paroles mirent un certain temps à prendre de l'épaisseur. Et au final, l'OPJ put éclairer le Commissaire Menthe et celui-ci réussit à tout enregistrer.
Un individu de taille moyenne, assez véloce, en combinaison sombre, équipé d'un masque à gaz, s'introduisait vers 22h45 dans les locaux du journal en profitant d'une livraison de repas par un UBER. Il gravissait les échelons pour débouler en salle de rédaction. Selon les premiers témoignages, il balança plusieurs grenades lacrymogènes et des fumigènes. Une rafale d'arme automatique déchira l'espace embrumé. Certains ne virent plus rien à force de pleurer. Et la sidération coupa court à toute velléité de s'interposer.
L'assassin disparut en utilisant une issue de secours et se fondit dans la ville. Peut-être que des enregistrements de vidéo-surveillance permettraient de suivre sa trace mais rien n'était moins sûr. Depuis quelques minutes, un message signé d'un groupe inconnu, " Le Poulpe ", passait en boucle sur les réseaux sociaux, réclamant la mort de tous les patrons des sociétés de Presse. Selon l'auteur, ces médias d'informations diffusaient des mensonges en permanence, en vue de manipuler les masses laborieuses.
Cette action de grande envergure n'allait pas améliorer l'image de la PQR*. Et sans doute que les unes des journaux concurrents rivaliseraient de titres accablant les manquements en matière de sécurité et de liberté de la presse, en adressant des récriminations au gouvernement et au Ministre de l'Intérieur...
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Le Commissaire Diabolo Menthe s'assit dans un coin de la buvette de la rédaction. Il éprouvait un grand besoin de se poser espérant pouvoir régler cette affaire en mettant la main sur le meutrier mais il n'était pas au bout de ses surprises.
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*PQR : Presse quotidienne et régionale
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