• Chers détectives, afin de prouver que vous êtes à la hauteur de votre réputation, j’ai caché la clef de la maison quelque part autour d'elle.

Au verso, l’image de la maison en fin de journée est imprimée.

Je lance un regard à Sam, tandis que Mylène scrute déjà tout autour de nous. Jasmine prend la lettre de mes mains et se recule rapidement, arrivant presque au portail de l’entrée.

• La photo a été prise d’ici ! Mettez-vous derrière moi, s’exclame-t-elle, enthousiaste.

Me dépêchant, j’imite les autres qui observent par-dessus l’épaule de notre rouquine. Mon regard se porte alternativement sur la photo, puis la maison. J’ai l’impression de jouer au jeu des sept erreurs.

• Il faut trouver les différences, déclaré-je, inspiré.

D’un hochement de tête, Jasmine confirme mon idée. Je pointe du doigt un tout petit arbuste qui n’est présent que sur la photo avec un petit cri d’excitation.

• Là !

Sam se précipite pour fouiller l’emplacement. Quelques fleurs, un peu d’herbe… Le blond soupire doucement en se relevant alors que j’arrive à ses côtés.

• Il n’y a rien ici, énonça-t-il un peu dépité
• Attends, murmuré-je en me penchant sur une fleur étrange.

Une fausse tulipe ! Je n’aime pas les fausses fleurs. N’offrant aucune odeur ni texture, je les trouve sans intérêt. À bien y réfléchir, je n’aime pas ce qui n’a pas d’intérêt, un peu comme les vêtements pour animaux vous voyez… Fronçant les sourcils, j’observe les autres plantations. Tout est bien vivant. Je claque des doigts et empoigne la fleur pour l’arracher d’un coup. À la place des racines, un petit tube en plastique transparent renferme une clef que je montre fièrement.

• Je l’ai !

Les filles nous rejoignent rapidement et je glisse la petite pièce de métal dans la serrure de la même couleur. Bingo. La porte s’ouvre sans grincement et une délicieuse odeur d’ambre et de bois de cèdre me parvient immédiatement. Les yeux pétillants, j’ouvre la marche et entre dans la demeure. Si ma déception est grande de constater qu’elle n’est pas là, je ressens en revanche de nombreux fourmillements dans mon ventre. Je vais pouvoir la découvrir, savoir ce qu’elle aime et me renseigner sur tout ce que je vais trouver, voir, entendre et sentir.

Nos oreillettes activées, Mylène et Jasmine décident d’explorer l’étage, Sam et moi prenons alors le rez-de-chaussée. Sam commence par la cuisine. Je l’entends me décrire le contenu du frigo, les placards et des poubelles. Il recherche le moindre indice de malnutrition de l’animal ou d’un possible empoisonnement. Il lit même l’étiquette des nems pour être sûr qu’ils ne sont pas faits maison avec la pauvre bête.

• Sam ! Si on nous demande de retrouver Kitty, ce n’est pas pour prouver qu’elle a été tuée, soupiré-je désespéré et amusé en même temps de ses pitreries.

Dans le salon, les photographies montrent l’élue de mon cœur avec une jeune fille, souriantes, dans divers décors. La décoration de la pièce est sobre, élégante et raffinée, exactement comme je l’imaginais. Le bois est omniprésent, avec les pierres blanches aux murs qui baignent de lumière. La sérénité, le calme et la douceur imprègnent ce lieu. Je m’y sens tellement à l’aise que je pourrais m’y installer pour y lire un livre. D’ailleurs, elle a les mêmes goûts que moi si je m’en réfère à l’imposante bibliothèque en bois travaillé : science-fiction, policier, nouvelles. Je remarque mes auteurs préférés : Christie, Vargas, Asimov, Brite et j’en passe. Je ne peux me départir du sourire que je sens naitre sur mon visage. Je suis sûr que tout comme moi, elle aime passer ses dimanches matin, dans ce canapé de cuir rouge foncé, à regarder des replays d’émissions scientifiques ou littéraires. Après une courte pause à rêvasser de l’avoir à mes côtés tout en buvant un thé noir aux épices, je me reprends. Soyons un peu sérieux, je suis là pour résoudre une affaire de disparition !

Je remarque la présence d’un arbre à chat et quelques marques de griffes. Dans les tiroirs, je trouve des jouets à plumes et des accessoires pour l’animal et à mon grand soulagement, aucun vêtement pour la bête. Je vous le dis, cette grande dame est parfaite. Profitant d’un instant de silence de la part de Sam, je demande des nouvelles des autres :

• Alors ? Quelqu’un entend ou voit quelque chose ?
• Rien, déclara Mylène
• Non plus, répliqua Jasmine

La suite des investigations, dans le jardin et la rue, ne nous amène pas plus loin.

• Elle est logée, nourrie, chouchoutée. Moi je reviendrais à sa place, si j’étais un chat, affirma Sam.
• Bon, on va surveiller si elle se montre dans les parages avec deux caméras miniatures aux angles de la rue, annonça Jasmine.

Une fois les caméras connectées, Mylène peut observer les deux images sur sa tablette. Si jamais l’animal passe, nous en serons avertis. D’un commun accord, nous décidons de rentrer tout en empêchant Sam de faire un chemin de croquette depuis la rue jusque dans le salon, « pour aider Kitty à retrouver son chemin ».

Sentant les vibrations dans ma poche alors que je réfléchis à un moyen efficace pour attirer Kitty, je reprends mes esprits et réponds à ce numéro inconnu. Étant nommé comme le responsable de l’agence sur notre site internet, je reçois souvent des coups de fil anonymes. Je reconnais immédiatement cette voix douce, mais ferme. Mon cœur s’emballe. Je ralentis mes pas, pose ma voix, inspire et écoute, sentant mes mains devenir moites. C’est elle. Je fais signe aux autres d’avancer, je veux être le seul à l’entendre, à lui parler. Sam me fait une grimace et se moque de moi, je lui réponds d’un haussement d’épaules en le laissant partir avec les filles.

Quelques instants plus tard, j’accepte un repas le soir même avec notre cliente, qui veut s’informer de l’avancement de notre enquête. Je suis sur un petit nuage. Je n’ai plus qu’à me peigner de nouveau, remettre un peu de parfum et je suis déjà prêt pour la revoir. Je me sens frémir d’impatience. Ah, si, je vais ajouter une cravate. C’est toujours plus séduisant un homme avec une cravate n’est-ce pas ?