Premier rencard

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Il est 20h tapant. J’attends, nerveux, devant le restaurant italien depuis plusieurs heures. Je suis un peu en avance. C’est normal de l'être non ? Surtout pour un rencard. Enfin, ce n’est pas vraiment un rencard. C’est un entretien de travail. Mais je suis quand même complètement stressé à l’idée d’être face à cette sublime femme. J’ai passé deux heures complètes à retravailler ma tenue. Finalement, il fallait aussi repasser mes vêtements et me laver. J’ai également ajouté une touche de parfum qui s’accordera parfaitement aux siens, si elle porte ceux qui étaient présents chez elle. Sur la vitre du restaurant, mon reflet me renvoie un sourire crispé. Ma chemise en lin verte assortie à une cravate rouge foncé, mon pantalon noir et ma ceinture de cuir me mettent heureusement bien en valeur. J’ai appelé Sam pour qu’il m’aide à arranger mes cheveux dans un style coiffé décoiffé. Il a râlé pour la cravate, mais j’ai réussi à la garder. Pour parfaire le tout, j’ai troqué ma veste en tweed contre une de costume que Sam a piqué à son frère.

Monsieur Martin ? demande une voix douce comme du velours.

Je sursaute et me retourne. Mon ange tombé du ciel. Mince ! Je n’ai pas recherché son identité. Mais quel idiot ! Ce n’est pourtant pas mon genre d’aller quelque part sans savoir tout ce qu’il y a à connaître sur le lieu ou les personnes. J’attribue ce manquement à la distraction que la beauté angélique de cette femme provoque chez moi. J’en deviens incapable de me concentrer.

Enchanté, répliqué-je hâtivement en tendant la main, espérant faire bonne impression même si c’était sûrement déjà raté…

Sa poigne ferme me rend tout chose. Ses mains sont grandes et douces. Elle doit avoir une lotion parfumée à l’abricot, j’en sens l’odeur délicate. J’aime l’abricot . Je me félicite intérieurement, avec mon parfum à base d’amande : nous sommes complémentaires. J’ouvre la porte, en bon gentleman, pour la faire entrer avant moi. Avec une table recouverte d’une nappe à carreaux rouges et blancs, une chandelle et deux menus, notre petit coin en alcôve est parfait. Sa voix claire raisonne dans l’air et je ressens une étrange sensation entre mes jambes. Pourvu qu’elle ne le remarque pas. C’est vraiment injuste que les femmes puissent être troublées sans que l’on s’en aperçoive et que nous, les hommes, nous soyons toujours exposés. Une fois installés, c’est elle qui prend la parole, avec un sourire plus intense et plus beau que le plus rayonnant des bijoux.

Je vous remercie d’avoir accepté le rendez-vous aussi rapidement.

Mais c’est tout à fait normal voyons. Je suis certain que vous êtes inquiète.

Je sais que mon sourire est crispé, je suis toujours nerveux quand il faut vouvoyer les autres. J’oublie systématiquement.

Avant que nous commencions à parler de l’enquête, est-ce que je peux oser vous demander si nous pouvons nous tutoyer ?

On repassera pour la demande simple et efficace, n’est-ce pas ? Mais je n’y peux rien. Elle dégage une telle aura de confiance et d’autorité que je n’ose pas parler simplement. Sam l’aurait directement tutoyée, mais lui, c’est un rustre avec les femmes. Personnellement, je me définis comme un gentilhomme, galant, avec une bonne éducation.

Alors qu’elle acquiesce, je soupire doucement de soulagement. Elle est vraiment parfaite. Mon regard s’accroche sur ses lèvres rouges et pulpeuses. Je me sens attiré vers elles. Me forçant à ne pas regarder son généreux décolleté partiellement masqué d’une chemise blanche vraiment très distinguée, je plonge mon regard dans le sien. Encore une autre injustice. Est-ce que je peux mettre des décolletés à vous faire tourner l’esprit moi, hein ? Non, bien sûr, j’aurais juste l’air ridicule. Ses yeux verts me donnent le vertige tant ils sont profonds. Je suis déjà complètement fou d’elle. Complètement foutu, dirait Sam. Sans plus attendre, elle me questionne et je la sens inquiète.

Entrons dans le vif du sujet. Tu as des nouvelles ?

Dans une tentative pour la rassurer, je lui offre à mon tour mon plus beau sourire tout en énumérant ce que nous avons fait et ce que nous connaissons.

Alors, aucun souci. Nous savons qu’elle va revenir. Nous avons constaté qu’elle est bien nourrie, qu’elle boit bien. Elle n’était pas…

L’expression de la femme d’affaires se transforme en incompréhension tandis que ses yeux s’écarquillent. Mince… J’ai dit quelque chose de mal ? J’ai bégayé ? Pourquoi est-elle ahurie ?

Tu m’annonces que ma fille est bien nourrie ? Qu’elle boit bien ?

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