Nouveau round
De nouveau allongé sur mon lit, je raconte tout au répondeur de Sam, jusqu’à saturer sa boite vocale. Il n’a qu’à décrocher. Et pour la peine, je lui raconterais de nouveau tout en détail demain. Dépité, les larmes au bord des yeux, je ne peux effacer son visage de mon esprit alors que je m’endors, mon oreiller écrasé entre mes bras.
Au cours du mois suivant, notre équipe de détectives a eu beaucoup à faire. Nous avons surveillé un mari infidèle et retrouvé un chat, deux chiens et même un rat. Mais la belle Adélaïde occupe chaque seconde de mes pensées. Son sourire, et son rire sont mes démons. J’ai repris la taille de pantalon que j’avais perdu. Jasmine me dit que cela ne se voit pas et m’a photographié pour le prouver. Mylène elle, dit qu’un homme avec quelques formes, c’est bien plus joli à voir et à toucher qu’un bloc d’abdos. Ma fierté est quand même au plus bas, tout comme mon moral. Même les bières avec Sam n’arrivent pas à me faire penser à autre chose. En plus, je reçois des messages et des appels d’Adélaïde, mais je suis bien trop meurtri pour les lire ou les écouter. Et puis, que pourrait-elle dire ? Non, il vaut mieux l’ignorer, comme me le conseille Sam, à chaque fois que je lui montre, déprimé, mon téléphone.
C’est ainsi que je passe les trois semaines suivantes malgré les conseils des filles qui veulent que je parle de nouveau à Adélaïde. Tout me paraît gris, terne, sans saveur et sans odeur. Mais si encore je ne la voyais plus ! Je la croise dans les lieux que je fréquente alors que jamais auparavant je ne l’y avais croisé. C’est un cauchemar. C’est ainsi que je me suis retrouvé à me cacher derrière des couches pour adultes au supermarché, entre deux brosses rotatives d’une station-service qui m’ont fait une douche gratuite et, plus récemment, dans une poubelle.
Petit à petit, je sens que je pourrais passer à autre chose, même si son visage hante mes nuits. Le souvenir de son rire me rend amer. Il est 19h. Dans notre repère, la musique retentit et l’annonce d’un nouveau travail apparaît sur nos écrans. C’est madame Bender. Je sens le regard des autres sur moi, je hausse les épaules, ne trompant personne sur mon mal-être.
- Je souhaite vous engager, pour retrouver mon chat, M. Moustache.
- Ah bah cette fois, c’est vraiment un animal ! ironise Sam
- Je vous paierais deux fois plus que la dernière fois, à condition que M. Mason participe à l’enquête. Je l’attendrais demain soir, à 19h, au café des Beaux-Arts.
La vidéo se termine. De nouveau, je hausse les épaules.
- Un travail est un travail. J’y vais, je prends des notes, je vous tiens au courant. Elle paie deux fois plus, on ne va pas laisser passer cette chance.
- Tu es sûr ? me demande Jasmine en me montrant une photo de ma tête qu'elle vient de prendre avec son polaroid.
- Tu n’as vraiment pas l’air très bien, confirme Mylène, inquiète.
- Mais laissez-le, rétorque Sam. Il va très bien, d’ailleurs, je nous ai inscrits à une session de jeux vidéos à l’Arcade après-demain.
- Exactement Sam, je vais bien. Ce n’est pas parce que l’amour de ma vie se moque de moi que je vais finir en dépression, ironisé-je en soupirant.
Je repense alors aux cadavres de crèmes glacées qui jonchent mon appartement, à la vaisselle qui s’entasse depuis trois jours et à tous mes vêtements qui traînent partout. Non, ce n’est pas de la dépression, c’est du désespoir, nuance. Je me lève en pensant à la pizza que je vais commander ce soir, faute de vaisselle propre… Cette fois-ci, Sam ne me suit pas quand je pars, heureusement.
Sur mon lit, mâchonnant le fromage fondu, je soupire en regardant la télévision. Les candidats de l’émission m’exaspèrent. Tout m’énerve en ce moment. Je laisse choir la boite de pizza vide à côté de mon lit. Pourquoi je ne peux pas réagir en direct hein ? Pourquoi n’ai-je pas pu lui demander pourquoi elle riait ? Pourquoi me suis-je enfui sans lui dire au revoir ? Je laisse mon regard errer dans le vide et je me prépare à dormir. J’appréhende demain. Je n’ai jamais vraiment redouté les rendez-vous de travail. Sauf une fois où il fallait retrouver un putois. Mon instinct ne m’avait pas trompé. Le propriétaire de l’animal, un excentrique quinquagénaire, avait voulu à tout prix me faire sentir l’odeur de sa bête, pour mieux le pister disait-il. Je sais que Madame Bender ne va pas faire la même chose pour son chat, mais je suis quand même anxieux.
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