Chapitre 54
Mardi 21 novembre 0
Déjà une semaine qu'Octavio m'a interdit de lever mes collets et de faire la moindre récolte. Interdiction aussi de porter des charges lourdes. Je me limite donc à la cuisine et à de courtes promenades. J'ai commencé aussi à faire un peu de gymnastique avec Edwina, avec l'aide de Charlotte. Je sens que cette pratique me fait du bien et qu'elle accompagne les massages quotidiens de Tommy. Nous avons du mal à ne pas en profiter pour faire des coquineries, même si le planning de mon partenaire est très chargé. J'ai faim de lui en permanence, comme j'ai un appétit d'ogre. Mes sens sont exacerbés depuis que je suis tombée enceinte, comme mes émotions.
Mais je m'ennuie un peu. Les journées sont tellement courtes et nous ne pouvons nous éclairer qu'à la lueur de quelques bougies ou de la cheminée. Alana a le droit aux lampes à huile, mais nous n'en avons pas assez pour les chambres. Les jours ne pourront commencer à rallonger, le soir, qu'à partir du treize décembre. C'est à partir de cette date que nous allons commencer les festivités de fin d'année. En conseil de communauté, le sujet a été évoqué, car le moral des troupes était au plus bas. Trois dates ont été retenues :
* le treize décembre, où les jours rallongent le soir,
* le vingt-et-un décembre, jour le plus court de l'année,
* le 5 janvier, où les jours rallongent le matin.
Il y a bien évidemment une quatrième journée, lors du changement d'année. Nous avons pris la décision que celle-ci serait l'an un, à l'unanimité. Car nous voulons tous balayer ces années de mensonges.
Lors du prochain conseil, nous déterminerons le déroulement de chacune de ces journées, qui doivent représenter des symboles forts de vie et de renaissance.
Samedi 25 novembre
Hier et aujourd'hui, on est allé chercher des arbres dans la forêt, pour les replanter dans Liberta. Octavio et Edwina nous ont fit que c'était le moment idéal pour le faire. Des pommiers et des cerisiers sauvages ont donc pris place dans notre verger. Chaque maison a eu le droit au sien, mais à bonne distance pour éviter un accident en cas d'orage. Nous avons choisi le noyer, Fabien et Charlotte un châtaignier et Octavio et Edwina un chêne. Quelques arbustes ont aussi agrémenté et embelli notre environnement, par les futures fleurs qui les pareront aux beaux jours.
- Tu es prête Naïa ? me demanda Tommy.
- Prête pourquoi ?
- Pour aller au conseil de communauté.
- Oh, désolé, j'avais oublié. Je mets mes chaussures et on peut partir.
Comme à chaque fois, nous nous mettions autour de la grande table d'Alana et une personne différente présidait la séance à tour de rôle. Ce soir, la maîtresse de cérémonie serait donc Charlotte. C'était une bonne chose, car elle avait le sens de la fête et le sujet était justement celui des festivités de fin d'année.
- Bonjour tout le monde, introduit Charlotte, et bienvenu à ce conseil de communauté. À l'ordre du jour, nous devons aborder le déroulement du treize et vingt-et-un décembre, ainsi que du cinq janvier.
- On ne va pas parler du jour de l'an ? l'interrompit Edwina.
- Et bien, seulement si nous avons le temps. Donc, pour commencer avez-vous noté des symboles qui pourraient nous aider à organiser ces trois journées. Octavio ? lui demanda Charlotte alors qu'il levait la main pour prendre la parole.
- Et bien, j'ai pensé à la lumière bien sûr, à la nourriture qui va se raréfier, mais qui nous fait tant envie, la chaleur qui nous manque tant.
- Naïa, à ton tour.
- Comme Octavio, j'avais aussi pensé à la lumière. Et en plus, je trouve tout terne. La gaîté nous manque. Pour finir, j'ajouterais le mot renaissance.
- Bien, Tommy, tu veux ajouter quelque chose ?
- Moi c'est : la bouffe, enfin la nourriture. Mais les réserves baissent vite, nous mangeons tous beaucoup plus, à cause de la quantité d'efforts physiques que nous fournissons.
- Edwina, Fabien, vous avez trouvé autre chose ?
Tous deux dire non de la tête.
- Et bien, pour ma part, j'ajouterais le partage et les câlins pour se tenir chaud.
Tout le monde éclata de rire, car Charlotte cherchait systématiquement à faire dévier la situation en coquinerie. Elle sourit donc, fière d'avoir essayé et qui sait, l'idée ferait peut-être son chemin parmi les participants.
- Donc quel symbole voulez-vous mettre en avant pour le treize décembre.
- Et bien la lumière, me semble une évidence, proposa Tommy.
- Je suis d'accord, répliqua Edwina. Nous pourrions décorer Liberta et mettre des bougies un peu partout. Nous avons pas mal de cire d'abeille en stock. Ça mettra un peu de gaîté, qui manque tant à Naïa et nous pourrons en profiter pendant toute cette période de fêtes.
- Parfait tout le monde à l'air d'accord.
- D'autres idées ?
- Et bien, proposa Fabien, pour apporter encore de la gaîté et mettre en avant le partage, si cher à Edwina, nous pourrions préparer des spectacles : danse, musique, poésie. Un bon feu de cheminée, des gâteaux, tous regroupés sur le canapé, à regarder celui qui nous montre ses talents.
- Excellente idée Fabien, dit Charlotte, qui espérait sûrement que ce canapé se transforme en câlin géant.
Mais tout le monde semblait d'être d'accord. Nous avions donc trouvé, quoi faire pour le treize et le vingt-et-un.
- Et comment voyez-vous cette dernière journée ?
- De la bouffe encore de la bouffe, se lâcha Tommy, même si on devrait faire une diète jusqu'au printemps. Ou... on pourrait chasser pour trouver quelque chose de plus festif.
- Tu veux chasser ? demanda Octavio. Mais avec quelles armes ?
- Et bien, j'ai pensé à créer des arcs et des lances. Mais pour l'instant, je ne pense pas tuer du trop gros gibier. Mais un faisan ou deux me font très envie.
- Et on n’a jamais essayé de pécher. Tu crois que tu pourrais bricoler des cannes à pêche ? demanda Edwina qui avait toujours aimé le poisson.
- Je vais voir ce que je peux faire. Ici, les animaux sont en abondance, car nous sommes sur une terre sauvage.
- Donc, tout le monde semble d'accord, conclut Charlotte. Je pensais que nous prendrions plus de temps pour nous décider. Il reste donc du temps pour voir ce que nous ferons au jour de l'an.
- Pourquoi pas faire comme d'habitude, en se faisant des cadeaux, proposai-je.
- Oui tout simplement, dit Fabien, nous aussi nous nous offrions des cadeaux dans notre communauté. Nos réunions n'étaient pas toujours aussi faciles, mais tout nous avait semblé aller de soi. Sûrement que nous avions tous besoin des mêmes choses.
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