Chapitre 02 : Les hôtes en coulisses

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La journée avait été longue. Sa tête était remplie de notes. Il avait encore des chiffres et des équations qui lui dansaient devant les yeux. Le jeune homme essayait de faire le vide dans sa tête. Ne plus penser à ses études pendant un moment lui ferait du bien. Surtout qu'il devrait se concentrer sur son travail à mi-temps. Chris n'avait que dix-sept ans et pourtant travaillait déjà pour aider sa sœur. Perséphone était du genre à être persuasive quand elle le désirait. Cependant, elle n'avait pas eu à se servir de ces compétences pour que le jeune homme se soumette à sa volonté. Chris avait été l'un des premiers hôtes du Bar To Hades. Il avait dû prendre des cours de bienséances et de bonnes manières intensifs avec sa sœur. Quelle ne fut pas sa joie lorsque ces séances drastiques s’arrêtèrent et qu'il put enfin revêtir le costume d'hôte suite aux compliments de sa sœur !

Il repensait à tout cela alors que l'eau chaude de la douche lui tombait sur la tête avant de couler sur son corps fin et pâle. Goutte à goutte, il oubliait sa journée. Il profitait de ce moment de solitude bien mérité pour tenter de se détendre après une dure journée de cours.


- Tu rentres trop tard de l'école en ce moment, Chris. Fit remarquer Perséphone.


La jeune asiatique venait de rentrer pour la troisième fois dans la petite salle de bain, créant un vilain courant d'air qui fit frissonner le garçon. L'adolescent grogna envers cette énième intrusion dans son intimité. Perséphone avait le don pour le mettre mal à l'aise. Néanmoins, il ne fit aucune remarque désobligeante comme il aurait pu le faire pour une autre personne.

- Désolé Persé... J'essayerais de rentrer plus rapidement les jours à venir...

S'il s'excusait souvent auprès de son aînée, c'était parce qu'il lui devait beaucoup. Après la mort de leurs parents, Perséphone avait pris soin de lui, refusant qu'on envoie le garçon vivre sous le toit de grands-parents inconnus. Elle avait pris, seule, la responsabilité de l'élever, de payer ses études et tout ce qui allait avec. Depuis, ils vivaient toujours au-dessus du premier étage dans les quelques pièces habitables. C'était très étroit et il était compliqué de vivre à deux sans se marcher dessus. C'était comme cela que Chris avait appris à ne pas s’offusquer des allez et venues de sa sœur dans la salle de bain alors qu'il était encore dans la douche.

- Tu m'as dit la même chose ce week-end... Je me fiche de tes excuses, je veux de l’efficacité, c'est délicat de dire à une cliente que son hôte favori n'est pas là... De l’efficacité, petit frère !

Le garçon grimaça. Perséphone était du genre à ne rien laisser passer lorsqu'il s'agissait de leur héritage, seul souvenir de leurs parents. Il lui pardonnait assez facilement ses excès de zèle. Perséphone avait beaucoup de responsabilités sur les bras et le fait qu'il arrive en retard devait lui causer de nombreux soucis. Il se sentait d'ailleurs assez honteux de ses absences répétées. Pas qu'ils soient du genre à faire faux-bon à la grande patronne. Le problème était qu'étant un très bon élève, il attendait la fin des cours pour pouvoir glaner des conseils auprès de ses professeurs.
Un long soupire s’échappa de ses lèvres alors qu'il mettait sa tête en arrière pour faire disparaître la mousse de ses cheveux. Il n'aurait pas dû penser qu'il pourrait passer un bon moment sous la douche. De la petite cabine jaunie par les années, il percevait distinctement Perséphone s'activer dans le salon. Il leva les yeux au ciel. S'il l'entendait, cela signifiait qu'elle n'avait pas refermé la porte de la salle de bain. D'ailleurs, l'air frais le lui indiqua plus clairement. Il se mordit l'intérieur de la joue pour retenir la remarque qui lui brûlait les lèvres. Sa sœur avait sûrement autre chose à penser qu'à son petit confort d'adolescent. Il dût prendre son courage à deux mains pour arrêter l'eau brûlante qui le réchauffait jusqu'alors et tendre son bras au dehors pour attraper la serviette blanche, déposée sur le lavabo non loin. De nouveau, des frissons. Perséphone devait avoir laissée la fenêtre du salon ouvert pour qu'un tel courant d'air soit présent. Ce fut donc de façon sèche et méthodique que l'adolescent de dix-sept années se frotta vigoureusement le torse et les bras avant d'enrouler le bout de tissu humide autour de sa taille. Respirant un grand coup, il écarta le rideau de douche. Serrant les dents, il s'éloigna de l'endroit exiguë et en un pas, il fut en face du miroir. Ce dernier était recouvert d'un écran de buée. Ce fait chimique n'arrêta en rien le garçon qui fit disparaître la pellicule vapeur d'un revers de poignet. Ce n'était pas très net, mais au moins, il pouvait se détailler.

Sa sœur l'appela pour la énième fois depuis qu'il avait franchi le seuil de la porte d'entrée. Il soupira et referma la porte après avoir indiqué à sa soeur qu'il serait prêt dans quelques instants. Si Chris appréciait de pouvoir venir en aide à la jeune femme avec qui il partageait sa vie, ce n'était pas le fait d'être dénué de temps libre qui le mettait en joie. En effet, le garçon aurait préféré mettre à profit ces précieuses heures pour étudier et approfondir les sujets qu'il avait la chance de voir pendant ses cours. Étudiant en première année de A-Level, il se donnait à fond pour pouvoir garder les maigres bourses que l'état britannique lui offrait. Le fait d'être boursier ne lui donnait aucun droit à l'erreur. Jusqu’à ce jour, il n'avait commit aucun faux-pas dans l'école privée où il avait eu la chance de pouvoir aller. Ses journées se résumaient de la sorte. Il se levait le matin et devait se dépêcher pour ne pas être en retard à sa première heure de cours. Puis, il étudiait toute la journée, passait un peu de temps en compagnie de ses camarades puis étudiait de nouveau avant de rentrer chez lui avant d'aller travailler pour sa sœur. Vers vingt et une heure, il pouvait s’éclipser pour faire ses devoirs et les journées recommençaient.

Passant une main dans ses cheveux bruns, le dénommé Chris soupira de nouveau. Il avait les yeux de couleur noisette, ce qui le différenciait de sa sœur. Il avait le teint trop pâle à son goût, résultat d'un manque d'exposition au soleil, sûrement dû à de nombreuses heures de lecture lors des beaux jours d'été. Le visage rond, à ses yeux, il gardait beaucoup trop de signes de l'enfance même si quelques poils éparpillés commençaient à pousser sur son menton. Le miroir lui renvoyait la vision d'un jeune homme maigrichon, presque chétif. Il passa alors une main sur son visage propre et encore humide. Cela lui allait bien de ne pas être trop avantagé physiquement. Au moins, il n'était pas assaillit par des hordes de groupies affamées à l'école et pouvait se concentrer sur ses choix de carrières.
Le grondement de son ventre fit s'étendre ses lèvres en une grimace de mécontentement. Il se rappelait alors qu'il n'avait rien avalé depuis vingt-quatre heures. S'il s'agissait d'un stratagème de la part de Perséphone pour le faire se dépêcher un peu plus, il ne pouvait que lui tirer son chapeau et la félicité de son tour de passe-passe. Au final, peu importait l'auteur de cette vilaine sensation au creux de son estomac, elle était si désagréable qu'il se hâta de revêtir son uniforme de travail. Il s'agissait de vêtements propres et repassés avec soin. Il y avait : une chemise blanche, un boxer noir et un pantalon de même couleur. Les boutons de la chemise étaient plus long à mettre. Tout aussi long que d'enfiler la ceinture de cuir trop rigide. Il termina par des chaussettes noirs pour ensuite enfiler des chaussures de type Lorenzo Vini.

Bien dans ses vêtements, le jeune homme pu alors sortir de l'étroite salle de bain pour arriver dans le salon qui lui servait également de chambre. Une fois arrivé au milieu de la pièce, il n’eut pas le temps de penser à s'asseoir pour souffler un peu que sa sœur lui sautait déjà dessus. Elle était en train de s'acharner pour mettre correctement ses boucles d'oreilles.

- Ne reste pas là à rien faire, je t'en prie ! Mademoiselle Tompson a réservé le premier étage pour toute la soirée. Je veux que tu sois irréprochable ! Tes cheveux sont encore mouillés, ils vont tâcher ta chemise !

Dans la voix de Perséphone, il avait pu sentir un léger stress. Chris sourit discrètement. De mémoire, il savait que c'était la première fois que l'on faisait ce genre de demande. Ophelie Tompson était donc le genre de fille à dépenser sans compter. Et bien, elle en aurait sûrement pour son argent, pensait-il.

- Respire un peu, Persé... Je ferai mon travail, tu n'as pas t'inquiéter...

Il avait répondu sur un ton amusé, histoire que son insouciance apparente agace un peu sa sœur et lui change les idées. Seulement Perséphone ne semblait pas prête à suivre le conseil de son cadet. En effet, elle s'était postée devant lui en fronçant ses sourcils.

- Parfait, alors va travailler... Maintenant !

L'autoritarisme dont faisait preuve la jeune femme laissait Chris de marbre, il avait l'habitude de ses humeurs. Cela ne l'empêcha pas d'obéir pour autant. Il secoua simplement la tête, indiquant par là que Perséphone se mettait dans tous ses états pour des détails.

En attendant, il venait de terminer de nouer sa cravate de même couleur que son pantalon. Ses cheveux ne gouttaient plus, mais il ne prit la peine de les coiffer. Il connaissait un peu les goûts des femmes et la pluspart de ses clientes appréciaient ce petit côté négligé ou rebelle. Cela leur donnait un prétexte pour le « gronder ». Perséphone, quant à elle, avait enfin réussit à mettre ses bijoux et, comme à son habitude, avait allumé une cigarette au bout du tube qui rendait le tout très élégant. Surtout que la jeune dame s'était déjà vêtue de sa robe favorite, il s'agissait d'une longue robe traditionnelle asiatique de couleur noire, fendue à mi-cuisse, avec un col relevé autour du cou. Seul ressortait de la robe les courbes de la patronne ainsi que les nombreux arabesques dorés dont était ornée la tenue.

Chris n'eut pas plus de temps pour détailler sa grande sœur que celle-ci le poussait vers les escaliers. Il tenta tant bien que mal de se défaire de l'emprise décidée de son aînée, mais en vain. Il faillit d'ailleurs trébucher lorsqu'elle le poussa avec violence. Fort heureusement, il possédait quelques réflexes et il put se raccrocher à la rambarde de fortune. Son cœur avait sauté un battement, mais la peur était passée. Il se redressa alors et ce fut droit et élégant qu'il descendit les dernières marches qui le séparaient du premier étage.

- C'est partit... Murmura-t-il pour lui-même.

Après une grande inspiration, il décala le rideau camouflant l'escalier qui montait dans la charpente où se trouvait l'habitation de Perséphone et de Chris. Il prit bien soin de tirer le rideau avant d'entrer en scène, un sourire agréable posé sur les lèvres.

Il fut surprit de voir que déjà, le premier étage avait été vidé. Les tables avaient été desservies et les hôtes présents terminaient de mettre de nouvelles nappes propres pour accueillir les clientes de la soirée. Tout le bar leur serait consacré ainsi que les hôtes qui avaient tous été convoqués. Chris salua d'un simple signe de tête ses collègues avant de se poster devant le rideau de perles en bois. Il serait le premier à accueillir les jeunes femmes dans la pièce.Perséphone lui avait dit que les clientes seraient au nombre de quatre. De ce fait, ils seraient assez de sept hôtes pour les contenter. Maintenant qu'il n'y avait plus rien à faire, tous les garçons s'étaient tranquillement installés autour de la table centrale. Le reste du mobilier avaient été légèrement poussées pour que seule la table du centre réunissent les demoiselles qui n'allaient certainement pas tarder.

Il était alors dix-huit heures quarante-huit et la patronne faisait son entrée. Elle semblait avoir laissé tomber ses éternelles cigarettes, sûrement pour ne pas vicier l'air du premier étage. La jeune femme était beaucoup plus calme que les minutes précédentes. Chris la reconnaissait bien là, elle était professionnelle jusqu'au bout des ongles. Même un petit sourire en coin étirait un bout de ses lèvres. A son arrivée, les conversations qu'avaient le reste des garçons entre eux cessèrent et leurs regards se tournèrent vers la nouvelle présence. Voir de la discipline dans les rangs des jeunes hommes finit d'étirer son sourire. Chris, qui était à l'écart depuis le début, accompagna sa sœur jusqu'à la table principale. Une fois arrivé, il s'écarta, laissant à son employeuse l'espace nécessaire pour s'exprimer. Les garçons étaient habitués à voir de nombreuses femmes très bien habillées et dont la beauté n'avait rien à envier aux princesses. Seulement un seul des regards à la table semblait dévorer Perséphone. Chris ne se privait jamais de le foudroyer du regard, sans pour autant l'attaquer aussitôt. Seulement, ce regard venimeux n'échappa en aucun cas à l’attention constante de la patronne qui, pour attirer le regard de son cadet, ébouriffa les cheveux encore légèrement humide de ce dernier. Maintenant, elle allait se lancer dans son discours aux accents martiaux. Perséphone avait l'habitude de ce genre de réunion et était du genre à savoir motiver ses troupes, ou les prévenir, comme cela allait être le cas.

- Bien le bonsoir messieurs. Vous avez certainement été mit au courant de la nouvelle, mais laissez moi vous mettre à jour. Ce soir, vous avez été loués par une cliente. Oliver, tu la reconnaîtras sûrement, il s'agit de Miss Thompson. Elles seront quatre et je suis pratiquement sûre qu'aucune d'entre elles ne connaît cet endroit. Je veux que vous en fassiez de nouvelles clientes. Je ne m'inquiète pas plus que cela sur vos résultats, mais je vais vous donner quelques directives pour ce soir.
Bien évidemment, tous les jeunes hommes savaient très bien ce qu'ils auraient à faire dans la soirée. Perséphone savait qu'elle n'avait aucun besoin de répéter le règlement de son établissement. Le respect de ce dernier garantissant tout simplement de garder sa place en tant qu'hôte. Cela dissuadait rapidement de commettre un impair. La demoiselle avait fait une pause pour retrouver l'ensemble de l'attention de ses employés. Chris ne l'avait pas lâché des yeux, il était l'un de ces garçons concentrés, qui retenait facilement ce qu'il entendait.

- Je commencerais par toi, Nathanaël. J'ai supposé que ces demoiselles sortent tout juste de l'enfance. Il serait judicieux de ne pas trop les brusquer avec le genre de sous-entendus que tu te plais à faire. Le but étant véritablement de garder ces demoiselles en temps que clientes à venir.

L'homme visé sourit à la remarque de la patronne sans vraiment s'en offusquer. Nathanaël était d'un genre plutôt calme et serein. Chris ne l'avait, de mémoire, jamais vu ni entendu s'énerver, ce qui était une très bonne qualité pour un hôte. Chris en profita pour détailler son collègue, très rapidement.

Aucun défaut de goût vestimentaire. Il restait dans la sobriété d'un costume bleu nuit, une cravate dénouée de façon étudiée. Des épaules carrées sans être trop imposantes. Le visage de l'homme était triangulaire et avait la peau encore plus pâle que celle de Chris, indiquant un mode de vie plutôt nocturne. Des lèvres minces, entourées d'un petit bouc et d'une fine moustache brune, suivie d'un nez aquilin. Ses yeux étaient de couleur gris-vert. Ses cheveux bruns, souvent coiffés vers l'arrière sans être plaqués, donnaient un certain volume, cassant également leur longueur, qui habituellement, lui arrivaient aux épaules.

Nathanaël n'attendit pas que Chris termine son inspection pour hocher la tête et ainsi indiquer à sa patronne qu'il avait bien saisit sa demande. Ses lèvres s'étaient tout de même étirées en un discret rictus amusé. Perséphone sembla s'en satisfaire puisqu'elle continua sa liste de remarques. L'asiatique se tourna alors vers Oliver. Ce dernier était en train de tirer les oreilles de Sebastian qui grimaçait sous la légère douleur. Les sourcils de la propriétaire se froncèrent et sa voix claqua comme un fouet, faisant sursauté le petit brun.

- Monsieur Lewis ! Que cela soit clair, j'aimerais que vous évitiez d'effrayer les clientes en martyrisant notre Sebastian ! Vos jeux érotiques ne concernent personne ici, je vous serais grée de ne pas exhiber davantage votre statut de couple. Suis-je assez clair ?


Gardant son air impérieux, Oliver avait arrêté son petit jeu et Sebastian avait rougi devant les accusations de la dame. Oliver était le seul fautif mais l'autre jeune homme se sentait coupable d'avoir laissé faire son compagnon. Ce fut cependant Oliver qui répondit d'un ton très éloigné de la honte.

- Comme il vous plaira.

Il lâcha un petit rire avant de se retourner vers la proie qu'il avait dû lâcher quelques secondes plus tôt, un sourire carnassier sur les lèvres. Chris avait remarqué qu'une raideur était apparue au niveau de la mâchoire de sa sœur. Remarquant ainsi que la réponse du serveur ne lui avait pas totalement convenue. Mais, un petit soupire imperceptible plus tard, elle changeait déjà de cible.

- Passons à toi James... Je te rappelle qu'officiellement tu n'as aucun permis de port d'armes, il serait judicieux de ne pas recommencer avec tes flingues. Cela serait dommage qu'une balle perdue vienne égratigner nos précieuses clientes...

Le ton était au reproche et le dénommé James haussa simplement un sourcil sceptique. Tout dans son comportement et sa façon de s'asseoir faisait penser à un cow-boy. Il ne lui manquait que le costume et le chapeau. Les cheveux sombres un peu trop long pour être court, n'étaient pas coiffés et tombaient en mèches rebelles sur son front. James avait le visage carré et des yeux bleus clair qui contrastaient avec ses cheveux et ses joues mal rasées.

- J'suis un peu vexé que tu n’ais pas plus confiance en mes talents de tireur. C'est presque blessant... Ironisa l'accusé qui déposait justement deux gros calibres sur la table, faisant sursauter Aiden et Sebastian.

Perséphone n'avait put retenir ses yeux de s'agrandir de surprise. Suite à quoi, elle porta une main à son visage pour se masser doucement les tempes tout en fermant les yeux.

- J'ose espérer que tu les mettras sous clé dans ton vestiaire...

- T'inquiète Persé, personne sera blessé ! Déclara le cow-boy du dimanche avec assurance et amusement en voyant la surprise de ses deux collègues.

- Passons, reprit la demoiselle. Aiden, nous avons pu remarquer que l'alcool ne te convenait absolument pas. Tout le monde sera d'avis de te conseiller d'éviter toutes boissons fortes.

La patronne semblait s'être adoucie en parlant au seul blond de l'assistance. Elle lui souriait et Chris trouvait cela intolérable. Ce qu'Aiden avait fait la soirée dernière aurait dû servir à le faire dégager plutôt que d'attirer la sympathie de la jeune femme. Perséphone était-elle devenue aveugle ? Ou était-ce ses hormones qui la faisaient s'attendrir devant un nouveau sans expérience dans le domaine ?! Le cadet de la patronne était sous le choc bien qu'il n'en montre rien. Aiden, de son côté, semblait jouer la carte de l'amnésie et du scepticisme, les deux s'affichaient sur son visage d'ahuris.

- Heu... Puis-je avoir plus amples explications ? J'ai peur de ne pas vraiment comprendre le reproche...

Chris était de plus en plus agacé. Le blondinet essayait de faire des belles phrases, mais sur son visage, il était clairement affiché comme en lettres rouges capitales « Hein ?! Mais qu'est-ce que j'ai fait ?! ». Heureusement, le calvaire de voir la douceur de sa sœur à nouveau ressortir pour le nouveau n'eut pas lieux. Ce fut James qui, après avoir éclaté d'un rire un peu trop sonore au goût du jeune asiatique, entama les explications.


- Je crois qu'il vaut mieux que tu t’en souvienne pas mais, c'était tellement marrant ! Pauvre petit ! Tu tiens vraiment pas l'alcool hein ? Bah, j'vais t'expliquer va. En réalité, une petite pinte et t'es par terre... Enfin, plutôt en train de te dessaper pour danser sur la table pendant un karaoké. Je savais pas que tu serais du genre à te lâcher si facilement. En tous les cas, ça a mit l'ambiance ! Dommage que tu puisses pas recommencer, j'avais eu plein d'idées à te faire faire si je te revoyais dans cet état là !
Que faire à part soupirer à ce genre d’explications ? Chris fit ce qu'il voyait être le plus simple et soupira donc de désespoir face au manque de professionnalisme de la part de ses collègues. Voir que ces derniers ne prenaient rien au sérieux l’amenait au bord de la dépression.

- J'en savais trop rien... Mais, hum, pour ma défense, je n'ai rien d'un alcoolique, ce sont les clientes qui ont insisté et je me voyais mal refuser le désir d'une de nos clientes.

Le jeune homme n'y tint, plus. Chris priait intérieurement qu'une corde vienne l'aider à abréger ses souffrances. Il lui semblait qu'Aiden faisait tout pour le faire sortir de ses gonds. Son air, ingénu et son manque de conscience face à cette grave situation le rendait des plus insupportables. L'asiatique ne put retenir sa main de s'abattre bruyamment sur son front. Il fallait qu'il intervienne, au moins auprès de sa sœur pour lui ouvrir les yeux sur cette énergumène.

- Aiden, mon très cher Aiden, ne t'ait-il jamais venu à l'esprit qu'un refus pouvait être tellement bien formulé qu'une jeune femme en oublie même sa demande. Non, bien évidemment, sinon, tu ne te serais jamais volontairement ridiculisé de la sorte ! Autant de stupidité à l’intérieur d'une même personne devrait être punie par la loi ! Perséphone, tu refuses vraiment de le laisser en cuisine ? Parce que là, actuellement, dans l'état où sont les choses, je ne vois pas en quoi il a l'étoffe d'un hôte. Il est juste bon à faire le bouffon de ces dames.

Remarque acerbe et ton tranchant, voilà quelles étaient les principales armes de Chris. Tout le monde le regardait avec étonnement alors que la colère avait tintée les joues du plus jeune des garçons. Sa posture exprimait à merveille le mépris qu'il avait pour son nouveau collègue et l'assemblée mit du temps à se remettre. Aiden avait été stupéfait par tant de remarques vénéneuses, même s'il ne le montra pas, il était blessé et c'était bien le but de la manœuvre. Chris avait atteint son objectif qui était d'ébranler la confiance de ce type. Bien qu'il ait réussi ce qu'il voulait, Chris n'était pas encore pleinement satisfait, ses désirs étaient démesurés. En effet, son aversion pour le nouveau allait jusqu'à vouloir le faire renvoyer pour qu'il se retrouve à mendier sur le trottoir d'en face. Il n'aurait su expliquer pourquoi il avait toute cette haine envers Aiden. Il ne supportait simplement pas son air innocent et ses remarques enfantines. C'était un tout qui lui tapait sur le système.

Peut-être s'était-il emporté, mais au moins, tout était clair et il n'aurait plus à cacher ses états d'âme concernant son abruti de collègue. Il avait vu qu'Aiden avait commencé à serrer les poings. Le blondinet pensait à le frapper ? Pour une si petite remarque ? C’est qu'il était du genre à perdre son sang froid. Décidément, Aiden cumulait les comportements que ne pouvait pas supporter Chris.
Un soupire, long, blasé, arriva alors à ses oreilles. Il ne pouvait s'agir que de sa sœur. Il se détendit un peu, tournant son visage encore un peu crispé par la colère instantanée.

- Chris... Excuses-toi maintenant... Demanda avec simplicité la seule femme de la pièce.

Les yeux du cadet s'élargir d'étonnement. Elle voulait vraiment qu'il présente ses excuses à la chose qui lui avait fait dépasser les limites de son self-contrôle ? Présenter des excuses à un bon à rien doublé d'un imbécile . Elle désirait vraiment qu'il s'agenouille devant ce type seulement utile à faire la vaisselle ? La seule expression qu'il répliqua était remplie de tous ces sens différents et variés.
- Pardon ?!

Et il s'adressait bien entendu à sa sœur qui, les yeux dirigés vers le plafond, semblaient demander au ciel ce qu'elle avait bien pu faire pour en arriver là. Cela ne dura qu'un instant avant qu'elle ne retourne se masser ses tempes qui commençaient à devenir douloureuses.

- Fais-le, c'est tout. Reprit Perséphone en prenant soin de ne rien regarder d'autre que l’intérieur de ses paupières.

Chris connaissait bien sa sœur et elle était aussi têtue que lui. Seulement, quand il s'agissait de sa sœur, le jeune homme la laissait gagner. Mais, elle lui retournerait la politesse, il y ferait très attention. Surtout que sa colère contre le blond n'était pas tout à fait encore apaisée. Retournant son visage vers l'objet de ses tracas, Chris offrit un sourire forcé au blond et entama des excuses sincères.

- Très bien... Alors, Aiden, je... je te présente mes excuses, il est vrai que la franchise peut blesser et dévoiler ainsi au monde ton incapacité à remplir les fonctions que tu occupes actuellement, a dû te faire de la peine. Aussi, voudras-tu bien me pardonner pour mon zèle à faire éclater la vérité. Je me sens terriblement coupable !

Que de fierté dans la formulation de ces excuses. En effet, l'adolescent était heureux du résultat de ses paroles. Elles avaient été encore plus insultantes que tous les reproches qu'il avait lancé plus tôt et pouvoir enfoncer encore un peu plus le clou lui procurait un petit plaisir presque malsain. Plaisir qui se traduit sur son visage par une déformation de ses lèvres de façon à offrir à tous un air hautain et supérieur. Car, Oui, Chris leur était intellectuellement supérieur. Il le savait et savait s'en servir à son avantage. Mais, de toute évidence, ce comportement ne sembla pas plaire à tout le monde et Perséphone le fit savoir en claquant sa langue sur son palais avant de soupirer profondément, comme pour faire appel à toute la patience dont-elle disposait à ce moment précis. Le plus jeune n'avais pas voulu agacer sa sœur, seulement faire comprendre au stupide blond qu'il n'avait pas sa place ici. C'était maintenant chose faite et Chris ne recommencerait pas de si tôt.

- Bien, si nous en avons maintenant terminé avec les règlements de compte, je vous conseillerais à tous de vous préparer à accueillir nos clientes de la soirée et de suivre mes quelques conseils.

Son cadet l'avait bien vu, à la fin de sa phrase, Perséphone s'était forcée à sourire. Il n'aimait pas quand elle se forçait à afficher un quelconque sentiment. Car il savait qu'il était faux et qu'il en cachait un autre qu'il ne pouvait pas immédiatement deviner. Cela le peinait de voir qu'elle voulait lui cacher certaines de ses émotions, c'était comme si elle s'enfermait loin de lui, lui qui ne voulait que son bonheur et son sourire. En attendant, elle s'en allait, laissant les garçons entre eux terminer leurs préparatifs. Perséphone leur fit un petit signe de la main avant de disparaître en cuisine. Sûrement pour ordonner les mets présents ainsi que les thés et les quelques bouteilles d'alcool.
Chris n'avait pas attendu de ne plus la voir pour aller se placer près du rideau de perles. Ils s'étaient tous mit d'accord pour les accueillir tous ensemble et ainsi créer une ambiance collective dès le début. Les nouvelles demoiselles pourraient alors faire le choix directement avant de s'asseoir.

Alors que les autres garçons discutaient entre eux de ce qu'ils allaient sûrement faire après leur service, Chris, silencieux, faisait un tableau mental des devoirs qu'il aurait à rendre le lendemain. Un gros devoirs de mathématiques qu'il n'aurait jamais le temps de terminer dans la nuit. Il cherchait alors des excuses valables pour expliquer le retard de sa copie à son professeur. Il n'aimait pas être ainsi hors des délais mais, avec son travail, il ne pouvait pas être sur tous les fronts. Heureusement, la plus part de ses professeurs étaient au courant de sa situation et étaient plutôt indulgents. Cependant, ce n'était absolument pas le cas de sa professeure de mathématiques qui demanderait sûrement les détails de son mensonge. Il ne put retenir un soupire d'abattement devant la masse de travail qu'il accumulait chaque jour. Suite à quoi, il secoua doucement la tête, histoire de chasser ses soucis. Après tout, il ne pouvait pas servir correctement les demoiselles si sa tête étaient remplies de plans, de questions et de solutions aléatoires.

Il venait de se reprendre à temps, la lumière des escaliers venait de s'allumer. Nathanaël ordonna le silence dans un chuchotement et tous les hôtes terminèrent de se placer en arc de cercle autour de l'entrée. Ils étaient tous là, de gauche à droite, il y avait : Chris, Sebastian, James, Oliver, Axel, Nathanaël et pour terminer, Aiden se retrouvait en face de Chris. Les deux garçons évitaient minutieusement le regard de l'autre, s'ignorant, préférant reporter leur attention sur les bruits de talons venant d'en bas et les chuchotements des demoiselles en approche. Le temps sembla très long avant que chaque demoiselle dépasse la dernière marche pour arriver au centre des sept garçons qui seraient à leurs services. Une fois tous réunit, les serveurs s'inclinèrent d'un même mouvement et c'est tous en cœur qu'ils s'exprimèrent.

- Bienvenues au premier étages, charmantes demoiselles !

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