« Qu’est-ce qui pourrait faire agir MisterBug et LadyNoire, d’après toi ? »

Adrien Agreste ôta la paille de ses lèvres et fixa Juleka si longtemps qu’elle se demanda si elle avait quelque chose sur le visage. Elle y passa une main sans rien trouver de suspect, et arqua un sourcil. Adrien se reprit et répondit :

« Je ne sais pas. C’est vrai qu’on les voit moins depuis que le Papillon a été arrêté. Je suppose qu’il faut quelque chose qui implique les « Miraculous » ou un acte si grave qu’il nécessite leur intervention. En toute franchise, je pense que c’est mieux qu’on n’ait pas besoin d’eux. Ça veut dire que tout est paisible. »

Juleka acquiesça.

« Pourquoi ? demanda le blond.

– Je me disais qu’ils faisaient moins d’apparition en public. Pour des interviews, des accidents, tout ça. Et ça me fait un peu bizarre, pas toi ?

– Totalement, confirma-t-il. Mais c’est pour le mieux. »

La discussion s’arrêta là. On les appela pour la suite de leur shooting photo.

Juleka avait commencé le mannequinat à son entrée en seconde. Loin des profils recherchés, elle ne pensait jamais être prise dans une agence. Elle avait débuté en posant pour son amie Marinette, dont les créations furent vite repérées par le célèbre styliste Gabriel Agreste. Cela les propulsa toutes les deux dans la sphère très fermée de la mode, avec une célébrité et une popularité toute neuve et assez perturbante pour Juleka, qui était en temps normal une fille de l’ombre.

Si la jeune femme n’avait pas croulé sur des responsabilités trop lourdes pour elle, c’était bien grâce à son frère Luka, toujours là pour la soutenir, ainsi que son aimée – celle à qui elle dédiait sa vie : Rose.

Pour le moment, ni l’un ni l’autre n’étaient présents, et Adrien l’attendait pour la suite de la séance.

Juleka se leva de son siège, se rendit auprès des habilleuses, et enfila l’ensemble qu’elles lui tendaient. On noua ses cheveux en une longue natte, on maquilla ses yeux de couleurs pâles qui se mariaient joliment avec ses pointes mauves, et on la propulsa dans le studio. En regardant son reflet dans un miroir, elle fut frappée par la métamorphose due aux années et à laquelle elle ne s’habituerait décidément jamais.

Elle glissa la broche de Nooroo – qui était cachée dans son sac pour éviter qu’on ne lui la retire – sous la veste qu’on lui avait donnée, et s’avança sous les projecteurs.

Plusieurs heures plus tard, elle quittait le studio, lessivée, en espérant que Luka serait de passage. Son frère aîné vivait désormais dans un appartement avec sa petite amie et bien que Juleka ait désormais sa chambre personnelle, leur proximité lui manquait.

Elle passait devant son ancien collège, quand une énorme explosion fit trembler le sol. Elle tomba à genoux et se mit à chercher frénétiquement la cause de ce trouble.

Quand soudain jaillit de derrière un immeuble, une silhouette vêtue de rouge. La jeune femme fronça les sourcils. Autour d’elle, les rares passants courraient s’abriter le plus loin possible de l’attaque qui se déroulait. On n’entendait plus d’explosions. Juleka hésita. Elle sentit Nooroo glisser du chignon qu’elle s’était fait à la va-vite, et l’entendit chuchoter :

« Il faut qu’on parte. Vite.

– Sans savoir ce qu’il se passe ?

– Éloigne toi et suit tout ça en direct sur le MisterBlog. S’il te plaît. »

Juleka ne pouvait absolument rien refuser à son ami quand il le lui demandait de la sorte. Alors elle lutta contre sa curiosité pour se mettre à l’abri. Elle rejoignit un rassemblement deux rues plus loin, et alluma son portable où elle ouvrit directement l’application du MisterBlog puis suivre le live.

« Vous êtes toujours en direct sur le Misterblog, clama la voix d’Alya, la célèbre détentrice du site.

– Enfin plutôt, bienvenue dans ce récapitulatif : nous en avons la confirmation, l’incident est clôt. Vous pouvez reprendre votre chemin sans craindre de nouvelle attaque ! » renchérit son petit ami, Nino.

Une vague de soulagement parcourut le groupe, et certains s’en détachèrent pour reprendre leur train de vie.

« Il y a quelques minutes, un homme armé entrait dans une bijouterie afin d’en dévaliser le contenu, expliqua Nino. Encore l’un de ces chercheurs du Miraculous du Papillon ?

– Sûrement, reprit Alya. Nous pensions que cette histoire s’était tassée depuis que l’on nous avait affirmé que le Miraculous avait disparu, mais il semblerait que certains s’accrochent à l’espoir de posséder ce pouvoir si puissant !

– Ainsi donc, MisterBug et LadyNoire se sont précipités sur les lieux, où LadyNoire a usé de son Cataclysme pour faire s’écrouler les entrées du bâtiment, d’où l’explosion que vous avez entendue. »

Sur le téléphone, on pouvait observer un plan très net de la bijouterie avant que le « Miraculous Misterbug ! » du héro du même nom n’ait agi : couverte de poudre noire et aux entrées condamnées.

« MisterBug a piégé le voleur d’un habile lancer de yo-yo avant que tout ne revienne en ordre ! A l’heure où vous nous écoutez, les deux héros ont déjà filé.

– Cependant, je vous avoue que je trouve cette situation assez inquiétante, dit Alya. Je veux dire, ces chercheurs avaient causé bien des ennuis suite à l’arrestation de Jagged Stone, précédent Papillon, l’année dernière.

– Et surtout à la famille du concerné. Espérons que ses proches n’auront pas à subir de nouveau les conséquences de ses actes.

– Continuez à prendre soin de vous ! C’était Alya et Nino, à la prochaine pour de nouvelles informations. Restez connectés ! »

Le live se conclut ainsi, et Juleka sentit une sueur froide couler le long de son dos. L’année précédente, elle n’avait pas la broche. Le fait qu’elle la possède désormais changeait nettement les choses. Elle sentit Nooroo s’installer de nouveau dans son chignon, et compris qu’ils en reparleraient à la maison.

Après l’arrestation de Jagged Stone deux ans plus tôt, on avait harcelé la famille Couffaine sans cesse afin qu’ils rendent son Miraculous. Or, ni elle, si Anarka, ni Luka ne savaient où se trouvait la broche du Papillon. Même LadyNoire et MisterBug leur avaient rendu visite.

La fille avait toujours un goût amer au fond de la bouche quand elle pensait à son père. On n’avait jamais connu ses réelles motivations autre qu’une envie viscérale de causer du trouble. Et même après avoir été mis sous les barreaux, cela avait continué : Jagged avait soi-disant perdu le Miraculous du Papillon quelque part dans Paris et un seul être au monde savait où il se trouvait. Il s’agissait de son kwami, Nooroo.

Juleka se remit en marche. La bijouterie de l’attaque était sur son chemin. Elle s’arrêta un instant dans la rue, juste assez longtemps pour reconnaître les mèches brunes terminées par des pointes rouges de MisterBug, et la longue natte blonde de LadyNoire. Ils n’étaient donc pas partis et paraissaient coincés au milieu d’un groupe de fan.

La jeune femme hésita à se joindre à la foule. Mais ce n’était pas encore le moment. Pour l’instant, tout ce dont elle rêvait, c’était de calme pour ajouter toutes ces nouvelles informations à son plan.

Juleka venait d’avoir une fabuleuse idée, qui, si elle fonctionnait, réglerait nombre de ses ennuis.