Jour 3
Si j’en crois ma montre, environ trois jours se sont écoulés depuis la dernière fois que j’ai écrit. Comme prévu, à mon réveil le lendemain de ce jour-là, le translocateur était rechargé. Je l’ai immédiatement activé et me suis engouffré dans le portail. Je n’aime pas les portails. Même si les voyages sont presque instantanés, j’en ressors chaque fois tremblant. Ma plus grande crainte serait de me perdre dans cette… chose, à défaut d’un meilleur mot, entre les mondes. Le Capitaine m’a toujours assuré qu’ils étaient sûrs et qu’il n’y avait jamais eu d’accident, mais c’est grâce à lui que j’ai appris à quel point nous sommes à la merci des probabilités.
Une fois de l’autre côté, j’ai immédiatement regardé le temps de recharge nécessaire. Inutile de m’attarder plus qu’il ne le fallait. Cinq heures. Ça n’était pas tant que ça, mais j’avais déjà perdu beaucoup de temps dans l’univers précédent et j’espérais pouvoir enchaîner quelques sauts cette fois-ci.
Mais ça ne servait à rien de me plaindre de quelque chose que je ne contrôle pas. J’ai donc inspecté mon environnement à la recherche d’un endroit sûr où passer le temps.
J’ai perdu le compte du nombre de sauts que j’ai faits, mais même en comparaison des univers que j’ai déjà vu, celui-ci était magnifique. Je me trouvais dans une forêt à la flore remarquable. Le sol sur lequel je me trouvais était en réalité la racine d’un arbre gigantesque qui s’élevait très haut au-dessus de ma tête. Le bois de ce monde avait une teinte mauve apaisante. C’était la nuit, mais une lumière tamisée émanait de l’herbe et des feuilles roses et de petites lueurs bleu pâle flottait dans l’air.
Je me suis fait avoir. Je sais qu’il ne faut jamais baisser sa garde, je l’ai appris de la plus dure des façons. Mais je me suis malgré tout extasié quelques secondes de trop devant le paysage, j’ai été un peu trop lent à ranger le translocateur dans mon sac. Et c’est là que les lumières bleutées ont commencé à se rapprocher de moi. Dans le même temps, de petites voix criardes sont montées à mes oreilles : « Ouh, magique ! », « Intriguant, différent ! », « Grand pouvoir ! » …
En quelques secondes, je me suis retrouvé encerclé par une centaine de paires d’ailes papillonnant tout autour de moi. C’était des fées, tout un essaim qui avait été attiré par ma seule présence. Je n’ai pas eu le temps de m’attarder sur la finesse de leurs traits ou sur la délicatesse de leurs ailes de libellule car je me suis précipité pour engouffrer le translocateur à l’abri dans mon sac.
Mais il était déjà trop tard. Quelques fées se sont agrippées à lui et ont commencé à tirer pour me l’arracher des mains. Elles ont très vite été rejointes par d’autres, puis d’autres encore qui agrippaient les premières par les pieds parce qu’il n’y avait plus de prises de libre sur l’appareil.
Je tirais de toutes mes forces, les suppliant de le lâcher, en tentant de raisonner avec elle. Toutefois, rien n’y faisait, elles étaient comme hypnotisées. Elles se contentaient de répéter en boucle les mêmes choses à propos du grand pouvoir magique que recelait la machine.
Évidemment… il fallait que la magie qu’utilise translocateur soit compatible avec celle de cet univers !
J’ai alors fait une autre erreur, j’ai lâché l’appareil d’une main pour tenter de les repousser. Mais ces petits démons en ont profité pour donner un coup sec ce qui m’a finalement fait perdre prise.
En un battement de cils, elles se sont toutes envolées, emportant avec elles mon seul moyen de transport.
Je suis resté quelques secondes la bouche ouverte avant de tomber à genoux. Tout était allé si vite…
Si j’avais perdu moins de temps, j’aurais rangé le translocateur et j’aurais eu mes mains de libre pour repousser l’attaque ou à défaut, j’aurais pu essayer de m’enfuir. Mais non, à la place j’ai perdu du temps à me dire la végétation du coin était jolie. Et à cause de ça, j’avais perdu mon bien le plus précieux !
« Je ne sais pas ce qu’était cette chose, mais tu ne risques pas de la revoir, ça c’est sûr, désolé mon ami. »
Je me suis retourné soudainement pour faire face à la source de la voix. Je n’ai vu personne au début, mais une silhouette s’est ensuite détachée du tronc de l’arbre sur lequel je me trouvais. J’ai été surpris de découvrir que mon interlocuteur était fait de bois. Malgré son aspect rugueux, il se déplaçait avec une grande souplesse. Son visage semblait avoir été taillé par le plus talentueux des artisans. Ses traits étaient ceux d’un garçon de mon âge, voire un peu plus jeune. Et ses yeux d’un jaune luisant brillaient de curiosité.
Devant ma surprise, il a dû croire que je ne l’avais pas entendu car il rajouta :
« Est-ce que tu comprends ce que je dis ?
- Oui, désolé, ai-je répondu. Je n’ai juste pas l’habitude de voir des gens qui te ressemblent.
- Tu n’avais pourtant pas l’air gêné par le reste de ma famille.
- Comment ça ? je n’ai vu personne ici à part ces satanées fées.
- Pourtant ma famille est juste sous tes yeux et ils sont difficiles à rater ! »
Je réfléchis une seconde en parcourant la forêt du regard avant que ça ne me frappe :
« Attends, tu veux dire que ce sont tous ces arbres ta famille ?
- Oh je t’en prie, nous ne sommes pas de vulgaires arbres décérébrés. Nous sommes bien plus que ça, nous sommes des Xylomorphes. C’est juste qu’en vieillissant, la plupart d’entre nous choisit de ne plus bouger pour réfléchir à l’univers. Bon, c’est peut-être vrai que dans le processus on finit par ressembler à des arbres, mais ça n’est pas une raison pour nous confondre ! »
Il avait dit cela à une vitesse folle, j’avais touché une corde sensible semble-t-il.
« D’accord, d’accord, excuse-moi, ai-je dit pour pouvoir changer de sujet au plus vite. Mais qu’est-ce que tu voulais dire quand tu disais que je ne pourrai pas revoir mon appareil.
- Eh bien maintenant que les fées l’ont pris, elles vont le mettre en morceau pour en extraire toute l’énergie magique qu’il contient.
- Oh non ! Non ! Non ! Non ! Ça n’est pas possible ! me suis-je exclamé en le saisissant par les épaules. Est-ce que tu sais dans quelles directions elles sont parties ?
- Elles ont dû retourner à leur ruche, c’est à environ trois heures à pied d’ici.
- Autrement dit, c’est déjà trop tard, ai-je répondu les larmes commençant à me monter aux yeux par désespoir.
- Pas nécessairement, le garçon de bois a-t-il repris. Pour maximiser l’énergie qu’elles peuvent extraire des objets, les fées ne commencent leur rituel que lorsque la lune est à son zénith. »
Je me suis immédiatement mis à tourner la tête dans tous les sens pour pouvoir la repérer. À mon grand soulagement, j’ai pu voir qu’elle était encore relativement bas dans le ciel. Je ne savais toutefois pas à quelle vitesse elle pouvait bien se déplacer dans cet univers.
« D’accord, merci beaucoup de ton aide… euh… je crois que je ne t’ai pas demandé ton nom…
- Je m’appelle Xanthi et toi ?
-Moi c’est Will. Encore merci ! Désolé de partir aussi vite, mais il faut à tout prix que je retrouve mon appareil ! Au revoir !
- Attends ! m’a-t-il interpelé. Les fées sont dangereuses, si tu y vas tout seul, tu risques de te faire tuer.
- Je n’ai pas le choix. Sans mon translocateur, ça ne fait pas grande différence que je sois mort ou vivant.
- Dans ce cas, je t’accompagne. Je ne me risquerai pas à affronter les fées pour toi, mais je pourrai te montrer comment t’infiltrer sans te faire trop remarquer.
- Fais ce que tu veux, mais si tu viens dépêche-toi, je n’ai pas de temps à perdre. »
Et ainsi nous nous sommes mis en route tous les deux.
Je ne peux pas nier que sa compagnie était agréable. J’ai appris que même s’il avait l’air d’avoir mon âge, il était en fait bien plus vieux. Cela se ressentait dans sa conversation qui laissait entrevoir le savoir accumulé pendant des années. Mais malgré cela, il avait le dynamisme et l’humour d’un adolescent.
Il m’a longuement parlé de la région et des merveilles qu’elles recelaient. En somme, j’avais affaire à un monde magique tout à fait classique, comme il en existait tant. Puis vinrent forcément les questions à propos de moi :
« Et toi, de quelle région est-ce que tu proviens ? a-t-il demandé, curieux. Je n’avais jamais vu de sort de téléportation ressemblant au tien.
- C’est parce que je viens d’un peu plus loin que tu n’imagines… ai-je répondu désireux de ne pas en dire plus.
- Ah, tu voyages dans le multivers donc ? »
À ces mots, j’ai failli trébucher sur une racine. J’ai immédiatement saisi Xanthi et je l’ai plaqué contre ce qui était sans doute un de ses cousins éloignés. À ma grande surprise, cela n’a pas eu l’air de l’inquiéter ou de l’offenser.
« Qui te l’a raconté ? l’ai-je interrogé brusquement une fois l’étonnement passé.
- C’est toi, a-t-il dit d’un ton calme. Tu m’as dit que tu venais de loin en te donnant un air mystérieux. C’était évident que ça ne voulait pas juste dire d’un pays lointain. Tu aurais pu venir de l’espace, c’est vrai, mais mon peuple observe le ciel depuis très longtemps. Malheureusement, notre planète est seule dans notre univers, nous en sommes maintenant sûrs. J’ai éliminé quelques autres possibilités du même genre, donc il ne restait plus que cela. »
Je suis resté un instant sans voix. J’avais peut-être sous-estimé l’intelligence du Xylomorphe. J’ai enfin relâché la prise que j’avais sur lui avant de répondre :
« Alors tu comprends pourquoi je dois à tout prix récupérer mon translocateur.
- Oui, je ne souhaiterais à personne d’être bloqué loin de chez lui. »
Nous nous sommes remis en route en silence. Mais celui-ci a rapidement été brisé par la voix enjouée de Xanthi :
« Et donc, comment est-ce qu’il fonctionne ton translocateur ? Il doit avoir un moyen de préserver une sacrée puissance magique pour pouvoir passer d’un univers à l’autre.
- De ce que j’en sais, l’énergie est stockée grâce à la science, pas la magie, » ai-je répondu.
Immédiatement, ses yeux se sont illuminés :
« Oh vraiment ? Mon peuple s’y connait très bien en magie, mais peu en science. Mais nous apprenons ! Est-ce que la conservation est électro-chimique, nucléaire, mécanique même peut-être ?
- Je sais pas, ok ! ai-je brusquement répliqué. Maintenant si on pouvait continuer à avancer, je ne veux pas arriver trop tard. »
Je l’ai vu se recroqueviller légèrement sous le poids de mes mots. La lueur dans ses yeux s’était ternie d’un coup. J’ai fait de mon mieux pour me calmer. Xanthi n’avait pas l’air méchant. Il faisait de son mieux pour m’aider. Il ne méritait pas que je passe mes nerfs sur lui.
« Désolé, je ne voulais pas répondre sur ce ton. Le translocateur n’était pas à moi à la base. Il ne vient même pas de mon monde. Je ne sais pas exactement comment il fonctionne et je n’aime pas en parler.
- Non, c’est ma faute, a répondu Xanthi. J’aurais dû faire plus attention au terrain sur lequel je m’aventurais. Mon espèce a soif de connaissance, mais ça n’est pas une raison pour ne pas tenir compte de ce que tu ressens.
- Bien, alors si ça te va, n’en parlons plus et continuons. »
J’ai hésité quelques secondes avant de reprendre :
« Et merci pour ton aide. »
Un large sourire s’est dessiné sur le visage de Xanthi et nous avons repris notre route et le garçon de bois a continué de m’expliquer le fonctionnement de son monde.
Il était en train de me parler de la façon dont son peuple se nourrissait quand il s’est soudain tu en me faisant signe d’écouter. Des battements d’ailes étouffés se faisaient entendre à proximité. Xanthi m’a guidé en silence jusqu’à une clairière au centre de laquelle se dressait une structure à l’architecture courbe et discontinue. Il s’agissait d’une sorte d’immense ruche d’un jaune doré. Le nid des fées s’enroulait autour d’un arbre fin, à peine visible sous la masse impressionnante de la construction.
Des centaines de fées s’affairaient absolument partout, je ne voyais pas comment j’aurais pu m’infiltrer sans me faire remarquer. Mais Xanthi m’a alors indiqué une souche en bordure de la clairière. Entre les racines et dissimulées sous un enchevêtrement de branches et feuilles se dissimulait un tunnel.
« Les fées produisent un nectar délicieux et très nutritif, m’a-t-il dit. Ce tunnel est utilisé par les Xylomorphes depuis des années pour en prélever un peu de temps en temps. Heureusement, elles ne sont pas très malines. La mauvaise nouvelle, c’est que la salle où elles conservent leur nectar est bien moins gardée que celle où elles entreposent leurs sources de magie. Je suis désolé de ne pas pouvoir plus t’aider. »
Je l’ai remercié une nouvelle fois avant de m’enfoncer dans le tunnel. J’ai jeté un dernier regard à mon guide avant qu’il ne referme l’entrée derrière moi.
J’étais de nouveau seul et il faisait sombre. Il ne me restait plus qu’à avancer. Très vite, l’ouverture s’est rétrécie et je me suis presque retrouvé à ramper sous terre. J’ai essayé de ne pas prêter attention à mes genoux et mes mains qui s’écorchaient. Je savais que je n’avais plus beaucoup de temps.
Finalement, je suis arrivé à un cul-de-sac. J’ai tâtonné avant de tomber sur une trappe au-dessus de moi. Je l’ai repoussée avec prudence pour me retrouver dans une pièce silencieuse, remplie d’étagères, elles-mêmes couvertes de bocaux. Je pouvais distinguer l’encadrement d’une porte par la lumière qu’elle laissait filtrer. Les rayons lumineux éclairaient le contenu des bocaux de doux reflets dorés. Il s’agissait certainement du nectar dont Xanthi m’avait parlé.
Je me suis approché à pas légers de la porte pour y coller mon oreille. Aucun bruit.
Je me suis glissé en silence hors de la réserve. L’entrée de celle-ci était au beau milieu d’un couloir et je n’avais aucune idée de la direction à prendre. Mais tandis que j’hésitais sur où aller, j’ai entendu un chant commencer à s’élever. Il semblait composé de milliers de voix et sa mélodie était envoutante.
Xanthi avait parlé d’un rituel, il ne pouvait s’agir que de ça ! Mais ça me laissait donc à penser que je n’avais vraiment plus beaucoup de temps. Il était peut-être déjà trop tard !
Au diable la prudence, je me suis mis à courir dans la direction du chant. L’endroit était tout en spirales et contre spirales et j’ai dû faire plusieurs fois demi-tour. Heureusement, je n’ai croisé personne pendant ce temps-là. J’ai supposé que presque toutes les fées devaient être au rituel.
À bout de souffle, je suis finalement arrivé au sommet de l’arbre, d’où provenaient la mélodie. La canopée était aménagée en une sorte d’amphithéâtre. L’entrée se faisait par une porte entre la scène et le public. Dans les gradins faits de branches et de feuilles, tout un essaim de fées chantaient l’hymne qui m’avait guidé jusqu’ici.
En jetant un œil à la scène, j’ai compris pourquoi tous les couloirs que j’avais empruntés étaient suffisamment grands pour moi. De chaque côté se tenaient deux créatures d’au moins deux mètres de haut et d’un noir luisant s’apparentant à des mantes religieuses. Elles étaient montées par des fées portant ce qui se rapprochait sans doute le plus d’une armure quand on ne disposait que de bois et de feuilles.
Mon cœur s’accéléra quand mes yeux sont enfin tombés sur le translocateur. Il était au milieu d’une sorte de nid placé sur un podium, parmi d’autres objets à l’aspect plus ou moins magique. Juste devant le podium, un braséro brûlait d’une flamme rose vif.
Soudainement, toutes les voix se sont tues. Je me suis renfoncé un peu plus dans l’embrasure, mais j’ai vite compris que ça n’était pas à cause de moi. Au bord du nid se tenait désormais ce que je ne pouvais que supposer être la reine des fées à cause de ses ailes différentes de celles des autres. Là où les ouvrières avaient des ailes translucides, celles de la reine étaient argentées et ornées de motifs fins.
Je l’ai vu se pencher sans un mot pour attraper un cristal violet, puis avec une grâce sans pareille, elle s’est envolée pour le lâcher dans le braséro. Instantanément, le cristal a explosé en un million d’étincelles qui se sont envolées vers le ciel nocturne.
Je me suis couvert la bouche pour ne pas crier. Si elle faisait la même chose avec le translocateur, je me retrouverais coincé dans cet univers pour de bon.
Les mantes m’intimidaient énormément, mais je n’avais pas le choix. La distance jusqu’au centre de la scène n’était pas très grande. J’ai pris la décision qu’au moment où la reine attraperait l’appareil, je me jetterai hors de ma cachette pour le saisir au vol. De là je n’avais plus qu’à espérer être assez rapide pour l’activer avant de me faire attraper par les insectes géants.
Ma respiration se faisait de plus en plus rapide à mesure que les objets se faisaient dévorer par le feu. Je ne suis pas expert en magie, mais de ce que j’avais l’impression que la reine y aller par ordre croissant de puissance magique. Évidemment, le translocateur allait être le dernier.
Le moment que j’attendais est enfin arrivée. La fée royale a ramassé le translocateur, ses ailes ont commencé à la porter dans les airs. Au même moment, je me suis mis à courir aussi vite que possible. Je crois avoir vu quelques têtes se tourner vers moi dans le public, mais il était déjà trop tard. J’ai sauté en tendant ma main autant que je le pouvais et j’ai réussi à saisir le translocateur juste avant qu’il ne touche le brasier.
Il ne me restait plus qu’à l’activer, mais alors que j’étais sur le point de le faire, j’ai senti une forte compression au niveau de mes poignets et mes bras se sont retrouvés écartés contre ma volonté. Mes pieds ont quitté le sol peu de temps après.
J’ai regardé autour de moi pour voir que chacune des mantes m’avaient saisi et qu’elles me tenaient maintenant suspendu dans les airs. Je tenais toujours le translocateur fermement dans ma main droite, mais je n’étais plus en mesure de l’utiliser.
Je sentais le regard globuleux des insectes géants sur moi tandis que je tentais de me débattre. Il n’y avait rien à faire, les créatures avaient une poigne de fer.
La reine des fées est alors venue virevolter devant mon visage. Le déplacement d’air provoqué par ces ailes me soufflait sur le nez. Elle m’inspecta longuement sous tous les angles. La sueur commençait à couler de mon front. Puis avec un « hmpf » presque indigné, elle s’est retournée en croisant les bras et s’est envolée plus loin. Il ne m’a fallu qu’un instant pour comprendre que ça voulait dire que je ne méritais pas qu’on me laisse en vie.
La force qui s’exerçait sur mes bras a commencé à s’accentuer et j’ai compris que les mantes allaient me les arracher. J’ai fermé les yeux pour ne pas assister à ce spectacle.
C’est alors que j’ai entendu un énorme craquement, comme celui d’un casse-noix sur une pince de crabe et je suis tombé au sol.
Avant même de pouvoir retrouver l’équilibre, un membre feuillu m’a soulevé pour me déposer sur une grosse branche sur laquelle m’attendait Xanthi.
« Alors, tu crois qu’un arbre ça aurait pu faire ça ? » s’est-il exclamé en riant.
J’ai alors baissé les yeux et compris, je me trouvais sur un vieux Xylomorphe qui s’éloignait à présent à grands pas de l’arbre de l’essaim !
« Mais, ai-je commencé, interloqué, je croyais que ton espèce ne bougeait plus passé un certain âge.
- Tu sais, la famille est toujours là quand on a besoin d’aide. Si je t’avais accompagné dans le tunnel, je n’aurais pas été d’une grande aide, mais quand j’ai réalisé que les fées organisaient leur rituel au sommet de leur arbre, j’ai réalisé que je pourrais peut-être t’apporter un peu de soutien. »
Sur le reste du chemin, Xanthi m’a assuré que les fées étaient trop stupides pour le reconnaître parmi les autres Xylomorphes et que je n’avais pas à m’en faire pour d’éventuelles représailles.
J’ai appris que le gigantesque être qui nous transportait était son arrière-arrière-grand-oncle. Une fois que nous nous sommes retrouvés à une distance suffisante, ce dernier nous a déposés au sol avant de se redresser, puis de s’immobiliser complètement. Quelqu’un qui serait arrivé après cela aurait sans doute eu beaucoup de mal à croire que cette imposante masse de bois ne se trouvait pas là depuis toujours.
J’ai encore une fois exprimé ma gratitude à Xanthi et lui ai demandé s’il y avait quoi que ce soit que je pouvais faire pour lui.
« Rien qu’une chose, m’a-t-il répondu, je voudrais vraiment te voir utiliser ton translocateur. »
J’ai souri face à ce garçon de bois si curieux (dans tous les sens du terme).
J’ai sorti l’appareil et l’ai mis en route. Le portail est apparu, non sans un « wouah » admiratif de Xanthi. Je lui ai jeté un dernier regard, puis j’ai quitté son univers.
Heureusement, de l’autre côté du portail, aucun danger ne m’attendait. Je suis depuis quelques jours au sommet d’une falaise herbeuse, au bord de l’océan. Les environs sont complètement déserts.
Dans cette histoire, je dois énormément à Xanthi. J’ai rarement été aussi près de perdre le translocateur et c’est uniquement grâce à lui que j’ai pu m’en sortir.
Si je dois retenir une chose de tout ça, c’est que je ne peux jamais baisser ma garde, même pas un instant.
La recharge s’est terminée il y a trois paragraphes. Il est temps de me remettre en route.
NDLA : Merci d'avoir pris le temps de lire jusqu'ici. Je suis en pleine expérimentation avec cette histoire et je suis loin d'être arrêté au niveau de la forme. Tout retour est donc très apprécié !
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