Le flux de boisson : la Cervusé, dépendance et historique. Théopharne, beau parleur et inquiet.
Ne consentant à personne de lui chercher des différends verbalement, ce hardi ne se laissait pas terroriser, à ceux lui insufflant un chemin tumultueux vers l'avenir. Rebelle des pensées normatives, ses intentions et ses yeux malicieux dissimulaient un homme prêt à tout pour s'immerger dans des joutes verbales et interagir avec ses relations opportunes afin de découvrir les coutumes les plus prioritaires, que ce soit sous l'ex-régime ou celui en ce moment.
Peu de personnes s'exprimaient avec autant de verve et de majesté. Les dialogues lui procuraient des moments dont il savait profiter pleinement. Son pacte d'entente cordiale et singulière propulsait son génie au sommet, sa façon sympathique et majestueuse d'exprimer ses pensées rendant les conversations dont il était observateur profondément enracinées dans ses idées pro-divinités. Cela lui permettait de promouvoir de nouvelles manières d'appréhender le réel. Les informations qu'il parvenait à obtenir lui fournissaient une symbolique expérience pour défendre son point de vue lors d'échanges avec d'autres conteurs.
Il perfectionnait la globalité de son être grâce aux informations recueillies par son aura sociale auprès des clients. À seulement 18 ans, il se hissait tel un chef sur le podium des plus grands parleurs, consolidant son bien-être en relevant les challenges que lui lançaient le public manifeste, des défis laissant l’ombre des mots sur les certitudes de son point de vue.
L'après-midi, en compagnie de sa copine, il avait décidé de rester à la taverne de sa mère, une femme dynamique aux rôles multiples de serveuse et de gérante de son petit établissement de boissons. Son mari étant occupé ailleurs, elle se préoccupait seule d’assurer le bon fonctionnement de son échoppe et ne laissait aucune place à l'imprécision lorsqu'il s'agissait d'écouter les diverses préoccupations des habitants de Vlotrios.
Suinoréa disait à Théopharne, remplie à la fois de tendresse et d'amour réciproque : « Viens, Théopharne, mets-toi derrière le comptoir et sers les clients, tu en es capable ! » Au lieu de pourvoir à une boisson chaude pour sa progéniture, elle lui recommndait d’assurer des responsabilités auxquelles le jeune Théopharne ne pouvait que consentir, surtout lorsqu'il voyait sa mère lui adresser un large sourire d'accueil.
Théopharne répondait, non sans une pointe de gêne : « Bien maman, je t'obéis ! » Il ne voulait pas prendre la place de sa mère, toujours si serviable envers eux. Dans un ton obligé, peu encouragé à vouloir faire ses preuves dans l'établissement maternel, Théopharne consentait le rôle de serveur, ses mots valant tant de métiers au détriment du rôle que sa mère lui avait assigné.
C'est ainsi que, sous les ébouriffements de sa compagne Jédoké, Théopharne gérait avec sa mère le flux de clients, mais surtout désaltérait au maximum leurs soifs avec une variété de boissons aussi intrigantes que méconnues pour le jeune adulte. Il sortait les gobelets, demandait poliment la boisson désirée et s'appliquait à un service digne d'un successeur et héritier de la taverne. Il mettait un point d'honneur à désengorger le flux de clients toujours plus pressants et exigeants.
Il parcourait les différents barils et, chaque fois, les clients demandaient une boisson bien particulière. Intrigué, il demandait à sa mère : « Dis maman, quelle est la boisson de ce tonneau ? » Sérieuse, et le regardant d'un air assuré, elle répondait professionnellement à Théopharne : « Ceci, c'est la Cervusé, notre plus gros pourvoyeur de flux. Une véritable mine aux oeufs d'or. Cette boisson énergétique et revigorante fait monter la pression sanguine de félicité aux esprits tourmentés. Elle possède nombre de vertus, et son goût piquant, irritant la gorge, incite les habitants à se pincer le nez avant de la boire. Mais au niveau des sensations, elle promeut une aura paralysante les tourments et instaure une grande dépendance en rapport à cette boisson sucrée. Les clients en redemandent tant de fois. En moyenne, un client consomme plus d'un litre de Cervusé par jour. Elle remplace l'eau, source de vie. »
Théopharne, un peu perplexe, se demandait pourquoi les clients étaient si attirés par cette boisson dont l'odeur répugnait un Théopharne de plus en plus inquiet. Il disait à sa mère : « Je la sens, et son odeur ne me semble pas aussi enivrante. Qu'y a-t-il derrière cette composition ? »
La réponse de la mère enveloppait la boisson d'un mystère captivant : « Personne ne connaît la véritable composition de ce breuvage. Des rumeurs et des interrogations planent quant à son origine. Selon certains historiens, sa naissance, millénaire, remonte à un roi, brutal envers ses sujets et narcissique dans sa vision du monde. On raconte que dans d'anciens royaumes moins bienveillants que le nôtre, cette boisson était utilisée comme un instrument de soumission, de docilité et de dépendance. Peu de personnes ont pu témoigner avoir retrouvé leur lucidité après avoir bu du Cervusé. Il est également dit qu'elle a le pouvoir d'apaiser les chevaux impétueux et de conférer à celui, dont l’esprit chercherait à asservir, un grand pouvoir sur les animaux et les êtres humains... C'est ainsi qu'elle est présentée !»
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