LE temps, malgré tout, reste et demeure...
Si, intrinsèquement, le pour l’emportait face aux contres. Il y avait fort à parier que Théopharne suivrait son instinct pendant, un moment, pour ensuite le délaisser. Car, à en croire, les différents scénarios possibles : le rush face à une Cervusé omnipotente contribuait à alimenter son niveau d’homme servile.
Autant se rendre compte que chaque fois qu’il réclamait un surplus d’énergie, il nécessitait à sa mère et devant ses proches d’en boire une. La suprématie de la victime qu’il avait choisi d’interpréter et la recherche pour un effet immédiat à ses tracas menait la vie difficile à Théopharne de renflouer ses arrières pour devenir adulte. Sa veille et son respect pour les règles lui donnait une lourdeur de réaction si intrusivement mal menée. Bien connu comme une dépendance primaire, elle incluait ses émotions et ressentis, miroir de la vile intronisation de la Cervusé comme légère et efficace. L’inspiration à cette boisson revendiquait une sorte de découverte d’un trésor quand son emballage était défait. Une sorte de profonde introspective agitait les hautes instances de la Vroiens afin de réguler ses effets d’un organisme vigoureux dans sa prise d’une dose.
Théopharne émergeait d’une torpeur et s’en suivait une réjouissance. Ensuite, il avait la Cervusé à prendre pour de nouveau sublimer ces joies Est-ce que c’était une normalité si j’étais dans un autre univers ? Sans doute, un homme reste un homme et l’objet immonde d’une dépendance résulterait dans les mêmes conséquences.
Pour renforcer sa triviale volonté, il s’inventait des raisons probantes auxquelles son esprit était habitué.
Le hasard, inutile pour sa mère d’avoir tenté d’accorder attention et sollicitude, il devenait pour Théopharne une si grande propension à établir des règles peu orthodoxes. Par sa misère à se rétribuer dans les vagues coléreux de la tempête, il avait émis une hypothèse : comment ménager sa douce velléité de sortir d’une si grande complainte.
Il avait effectivement su se défaire des ruines prédicatives de son existence embrasant ses deux jambes d’un caractère trempé au fer moulu. Force était de prendre en compte sa manière de régir ses travers. Aucun alibi de comportement ne pouvait mettre sur pied une si parcimonieuse don de soi. Autour de son cou suave il retapait les lugubres souvenirs d’une existence qu’il tentait de redresser par la force de son désespoir.
La manière subtile dont Théopharne s'amusait à rire de sa liberté, entravée par un fléau - la Cervuse et ses idées influentes et dangereuses - l’incitait à revoir ses plans, transformant profondément sa stratégie en un jeu d’échecs. Se voir beau dans l’imaginaire ou explorer scrupuleusement les tortueuses plaines de la réalité, plaçait Théopharne face à un dilemme - subir les affres de la dépendance ou questionner son passé, son présent et futur. Comment pouvait-il remplir fièrement son devoir alors qu'il conservait cette expérience singulière d’un cobaye en laboratoire ? Ses parents avaient amplifié le phénomène par leurs positions subtiles par rapport à Théopharne et au contexte de la Cervusé.
Vitouriop ne sommerait pas son fils de conquérir sa liberté sans un combat épique contre la Cervusé. Il pensait qu'un éventuel échec d’une pensée stagnante, si elle ouvrait la porte à des manipulations au-delà de la simple volonté, serait perçu comme une échappatoire, une évasion propice à des larmes émouvantes.
Pour autant, l'imagination fertile, nourrissant des images de torture, de maladie et de chagrin, ne connaissait guère de frontières, mais s’envolait vers des horizons protecteurs, comme un hommage à la Vie, nourrice de toutes les vertus. Face à la Cervusé, la confiance épurée de son envol limpide et son engagement moribond suscitaient en Théopharne non pas seulement un questionnement, mais plutôt une profonde apathie, un relâchement nourrissant un instinct mortel.
La dépendance, consciencieusement enveloppée, agissait comme une lourde massue sur sa tête, le propulsant vers des états de consciences temporelles. Elles provoquaient des images comme : la jouissance d’un passé insouciant, le chaos d’un futur en suspens et le changement d’un présent actuel. La dépendance régalait une large vue de sa représentation du monde, la transformant en une facette si enthousiasmante, d’une part et si meurtrie, d’autre part.
Des éclats de colère, de joie et de tristesse surgissaient souvent chez Théopharne. Ces émotions perturbaient la fluidité de ses gestes quotidiens et se traduisaient par des mouvements involontaires.
Cervuse préoccupait Théopharne par ces petits soucis physiques. De temps en temps, il se muait en malade à raison de petites paralysies dans les bras, de douleurs diffuses à l'estomac et de battements de cœur irréguliers. L’excès de sucre qu'il buvait, il le digérait mal. Par ces effets indésirables, il laissait son corps sans remède. Des bruits étranges, rappelant un glou glou, émanaient de son corps. La peur de ces sons lui sapait le moral et se disait en permanence atteint de maladies non guérissables.
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Pour l'instant, personne n’obligeait Théopharne à acheter quoi que ce soit. Cette Cervusé restait une maison à fenêtre fermée où ses instincts n'agissaient pas spontanément sur ses actions. Il souhaitait, avant tout, libérer ses passions vives et vivre une vie sans heurts, de rires avec des liens familiaux, émotionnels et affectifs : évoluant au gré de sa maturité.
Boire deux à trois gobelets de ces boissons fraîches et revigorantes ne suffisait pas à Théopharne pour trouver le repos serein. Son estomac était une cavité obscure, un entrepôt organisé où il arrosait ce dernier comme une éponge par une quantité excessive de Cervusé. Malgré cela, une devise "Fin de soi, faim de tout" naissait de son comportement. Théopharne, sentant sa propre logique faillir, ne s'occupait pas du moment vraiment terrifiant que pouvait avoir les composantes de ce liquide. Vis à vis de cet homme démuni, sa volonté se couchait en regard du besoin constant de Cervusé.
Vitouriop avait des soucis persistants, comme une brulure rougeoyante, du rayonnement du soleil en plein été. Intérieurement, face à une incompréhension déconcertante, il subissait les changements brutaux du comportement de son fils, Théopharne, peu disposé à donner des sources d'espoir à son père. A la fois, Théopharne était parcouru d'un filament de plaisir éphémère quand il s'enfilait des boissons énergisantes sans arrêt, et, à la fois, il était cloué au sol, sans vitalité, marqué par une tristesse d’un lendemain plein de perspectives qui ne venaient jamais quand il s’en abstenait quelque peu.
Suinoréa, sa femme, espérait foncièrement voir leur fils, un tristounet, qui serait différent de la vision qu’il avait donné jusqu’alors : plus enjoué et moins triste. Même si comme actuellement, la Cervusé parvenait à combler cet hangar de la conscience, désaffecté et emplis d’ émotions fortement négatives, comme une boite à chaussure où on mettait les paires toutes abimées, par une vigueur présente et d’une énergie émancipatrice que Théopharne appréciait.
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Sa puberté d’un temps pas si lointain que cela, avait vu poindre des modifications notables sur le plan physique, comme un renouveau printanier. Maintenant, il arborait une stature longiligne équilibrée. Des bras, des mains et des jambes, proportionnelles au reste de sa taille, menaient ses actes à la parole. La mainmise de son nouveau corps le cantonnait à un rôle d’acteur, au même titre que ses parents. Il était conscient de sa nouvelle stature qui lui offrait des possibilités qu’il n’aurait jamais atteintes auparavant. Avec son profil, élancé et dégageant une sensation de réconfort, il devenait brusquement adapté aux dangerosité et aux besoins de la vie.
Or, sa transformation, éternelle point de rupture entre un passé et un présent, faisait un héritier insoumis : le comportement et la conscience de Théopharne. En aucun moment, inné ou acquis, il n’avait mis son cerveau à rude contribution pour intégrer les coutumes et mœurs de la cité. Partisan du moindre effort, il effaçait ses tracas dans une vision sombre du futur. Et, chaque fois qu’il souhaitait agir et repousser ainsi sa mélancolie, il était confronté à ses limites : une barrière mentale de peu de confiance en lui et d’estime de soi. Contrairement à la plupart de ses congénères, l’inspiration et les idées claires lui faisaient défaut, provoquant chez lui, une marche debout et sur place.
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Théopharne avait bien trouvé une échappatoire, malgré lui. Se jetant, ou plutôt se vautrant sur la boisson, tel un taureau sur son toréador, il ne laissait jamais le temps à quiconque de garder sa nouvelle conquête. Fier, embelli d’un sourire aux coins des lèvres, il désaltérait sa soif par le va-et-vient du gobelet entre ses mains.
« Inutile de se lamenter sur son sort », disaient ses parents en chœur. Peu d’habitants de Vlotrios avaient échappé aux tourments de ce nectar. Bien que ses effets se dissipaient après quelques heures, il redevenait ce fou furieux, en redemandant toujours plus dans sa besace d’estomac.
La vie lui offrait des opportunités, semblables à celles que l’on trouve en cueillant des fleurs, mais Théopharne se lassait de trier ce vaste champ, tel un jardinier distinguant le bon grain du mauvais.
Sans jugement et autonomie élaborés, il allait nulle part, et les défis que son âge lui procurait le dévastaient de l’intérieur, comme une vaste plaine où chaque acteur devait jouer sa partition, avec Théopharne en maître d’orchestre.
Vu ses faiblesses actuelles, il devait reprendre le contrôle de sa vie et faire resurgir sa mainmise sur le devant de la scène.
Mais, à quoi bon tourner autour du pot, si ce n’était pour tenter d’avoir une approche compatissante ?
La solution pointait le bout de ses dents. Un moyen aurait permis à Théopharne d’émerger de sa vie sans responsabilité. Dans un monde où le surnaturel dominait, seule la Déesse Frodotéa pouvait l’aider. Personne jusqu’alors n’avait eu cette finesse de jugement, où seule une divinité, de la conscience, aurait fait briller l’âme de Théopharne. C’est pour cette raison que Théopharne décida de quitter ses parents. Accompagné de Jédoké, il se mit en route vers l’antre de la déesse, l’endroit où elle était apparue pour la dernière fois.
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