Pour une raison qui m'échappe encore
Pour une raison qui m'échappe encore, mes phares étaient allumés. Peut-être la commande s'était-elle enclenchée à cause des sauts de cabri du camion ? Toujours est-il que le spectacle était dantesque !
Au travers d'une puissante averse qui tombait, non pas du haut vers le bas, mais de la droite vers la gauche, je pris la mesure des évènements. Les gouttes d'eau fusaient comme des missiles bleu argentés, se précipitaient vers des cibles invisibles et les percutaient avec fracas. La densité des rafales variaient selon la puissance des bourrasques. Le vent...
Ce fut seulement à ce moment que je l'entendis. Trop occupé à me remettre debout, enfin assis, je n'y avais pas pris garde. Et c'est quand même à se demander comment cela put se faire ! Ainsi, après les montagnes russes en espace clos, voila que s'invitèrent les féroces vociférations de vents auxquels je n'avais encore jamais été confronté. C'était la Symphonie de la Fin du Monde, rien de moins ! Jamais je n'avais entendu la haine de la Nature s'exprimer avec une telle rage. Elle jouait sur la totalité des octaves audibles pour moi. Cela partait du roulement lourd et profond d'une menace lointaine qui arrivait à toute allure, comme de gigantesques armées de tanks armés jusqu'aux dents, déferlant tout autour de moi dans un vacarme apocalyptique et par vagues successives. Mon corps entier était transpercé par ces basses fréquences, me faisant craindre une implosion. Puis, la seconde d'après, c'était le sifflement aigu d'un javelot sonore qui me faisait vriller les tympans. Les mains pressées sur les oreilles ne suffisaient pas à contenir l'infernale douleur. Et les secousses redoublaient de violence, pendant que le plus terrible désordre régnait à l'intérieur et à l'extérieur ! Mon pauvre camion luttait comme il pouvait pour résister aux assauts furieux de la tempête. Parce qu'il s'agissait bien de la tempête dont la radio parlait quelques heures auparavant. Et quelle tempête !
Sidéré, je regardais la folie climatique de cette nuit d'encre, à peine percée des feux de mon camion. Les mugissements des vents allaient toujours plus fort, semblant ne jamais vouloir faiblir. Acagnardé sur mon fauteuil, je n'en menais pas large et sous mes yeux fascinés défilaient toutes sortes d'objets, de toutes les formes et de toutes les tailles possibles. Cela allait des poubelles en plastique arrachées à quelque résidence du coin jusqu'aux poteaux qui drainaient derrière eux quantités de câbles électriques enchevêtrés dans d'inextricables noeuds gordiens. Ce ne fut qu'à l'instant où une grosse voiture creva les faisceaux de mes phares, manquant de peu de me percuter, que je réalisai l'immense précarité de ma position...
- Euh...fis-je d'une voix incrédule, tu devrais peut-être trouver un endroit où te protéger, mon pote...
Je venais seulement de comprendre que j'étais réellement en danger.
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