Dire que je me lançai alors avec frénésie
Dire que je me lançai alors avec frénésie dans la recherche d'une tenue adaptée ainsi que de tout le petit matériel nécessaire pour me trouver un refuge serait un simple euphémisme mondain.
Dénicher une paire de chaussettes ou, plus simplement, des pantalons ne fut pas une mince affaire. Entre deux secousses, toujours plus violentes, c'est finalement par miracle, comprenez que cela me prit un temps fou, comme pour la réalisation du plus ridicule petit miracle, que je mis la main sur des vêtements. Ce ne fut qu'une fois le principal réuni que je me fis deux remarques étranges.
D'abord, et sans savoir pourquoi, je m'étais évertué à ne collecter que des vêtements propres, comme si je prétendais me préparer à une soirée amoureuse ou protocolaire. Ensuite, je m'étonnai avec candeur de la grande capacité d'encombrement de ma cabine. C'est fou, somme toute, comme on peut s'entourer de choses inutiles...
Bef, j'étais enfin protégé pour affronter les intempéries. J'en doutai un instant quand j'observai au travers de mon pare-brise la férocité des averses qui ne faiblissaient toujours pas. Mais peu importait alors : il me faudrait me résoudre à sortir de là, à un moment ou un autre.
Par acquis de conscience, j'avais attendu avec patience la seconde opportune pour tenter un exfiltration, comme aucun militaire digne de ce nom n'aurait pas hésité à le dire. Toutefois, j'avais dû me raviser à plusieurs reprises parce que nombre de projectiles de tout genre fusaient de toute part autour de moi. A présent, il s'agissait de pans entiers de charpentes, de cloisons murales, de cadres de fenêtres et d'une myriade de tuiles. En somme, me dis-je, je ne devais pas être loin d'un bourg en pleine dévastation ou d'un magasin de bricolage procédant malgré lui au plus grandes soldes de sa vie. En tout cas, ces preuves de civilisation proche me laissait espérer une prompte mise à l'abri.
C'est alors qu'éclata l'orage. Pas un petit orage de rien du tout, genre éclair timide à la sauce parisienne. Pas même la version paysanne de la chose, toujours un peu plus rugueuse. Non, non...
Là, ce fut un déchaînement magnétique totalement inédit pour moi. Vinrent donc s'ajouter aux hurlements furieux des vents, les détonations immenses d'éclairs propres à faire trembler Zeus lui-même. Et la cadence s'enfiévra au rythme d'une zumba céleste encore inconnue sur les terres de Guillaume le Conquérant. Le ciel s'illuminait pendant de longues secondes, laissant entrevoir de gigantesques nuages noirs et torturés, soumis à la fantaisie infernale de la tempête.
J'hésitai, dès lors, à sortir de ma cabine. Imaginez que je me fisse foudroyé au bout de quelques pas à peine ! Pour le moment, planqué au fond de mon camion, je pouvais espérer que celui-ci ferait office de cage de Faraday si la foudre venait à me toucher.
Sage réflexion de ma part... Quelques minutes plus tard, dans un tonnerre assourdissant, une foudre s'abattit sur moi, je ne sais pas où précisément. Toujours est-il que les pneus explosèrent sous l'intensité électrique et si la pluie n'avais pas été aussi drue, tout cela aurait pu prendre feu et j'aurais probablement fini rôti comme une saucisse au barbecue. Ma première réflexion venait de me sauver la vie. Mais, et parce que les éclairs tombaient presque à chaque seconde, je finis par craindre que Farafay, un jour, mais peut-être pas tous les jours...
Je n'avais donc plus aucun autre choix, au moins était-ce la conclusion de ma terreur soudaine à ce moment précis. Il me fallait prendre le risque d'une sortie ou accepter la possibilité de terminer mes jours sous forme de charbon de bois. Alors, la main tremblante, j'allais ouvrir ma portière quand, sans prévenir, le vent se mit à mugir comme dans les cinquantièmes. La faible épaisseur de la carosserie ne suffisait pas, bien sûr, et je me couvris les oreilles des deux mains pour amoindrir la douleur. Mais cela ne s'arrêta pas là...
Le vent ne hurlait pas pour rien : je sentis mon camion, un petit quarante-quatre tonnes quand même, se soulever de terre ! Mon mastodonte prétendait passer son brevet de pilote au pire instant de ma vie. Embarqué dans une spirale ascendante, je réalisais au travers des éclairs qui déchiraient la nuit de leur lumière bleue et blanche que j'étais déjà à trois ou quatre mètres du sol. Alors, par pur instinct de survie, je n'hésitai plus : je tirai sur la poignée de la porte. Celle-ci, immédiatement arrachée de ses gonds, disparut instantanément. Moi, ainsi que tout le contenu de ma cabine, je fus littéralement expulsé comme un squatter, aspiré par la brutale dépression, comme un astronaute le serait de sa fusée dans le vide sidéral.
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