C'est comme dans un film d'action

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C'est comme dans un film d'action, version américaine. Je suis allongé sur un lit en fer, une flopée d'appareils clignotent et bipent en cadence, probables signes positifs pour ma petite santé. Je ne suis pas à proprement parler dans une chambre mais dans un espace plus ou moins protégé, à peine séparé des autres patients par un simple rideau blanc. Au-dessus de moi, je suis du regard les tubes métalliques qui forment charpente et supportent une gigantesque tente militaire, au moins par sa couleur vert sombre. L'éclairage est assuré par une tripotée de néons qui, pour certains, grésillent et donnent quelques premiers signes de fatigue. En prêtant l'oreille, je distingue au loin le bruit que font un ou plusieurs générateurs qui permettent la bonne marche de tout ce bastringue de champ de bataille.

J'ai soudain la stupide envie de me lever mais, à ma grande surprise, je réalise que j'ai la jambe dans le plâtre...Et puis que plusieurs seringues m'ont été gentiment glissées sous la couenne, dans le bras, sur la main. Parce que les toubibs devaient disposer d'un stock important de trucs et de bidules indispensables à leur besoin de me prodiguer les meilleurs soins, j'ai enfin une bonne dizaine de capteurs colorés sur le torse, sur le cou, sur le front. Je n'ose pas desserrer les fesses, de peur d'en voir une palanquée en surgir. Bref, je suis, comme qui dirait, connecté !
Je soupire, n'ayant jamais été un bon client pour les toubibs et autres carabins. Je dois, toutefois, admettre que je me sens bien mieux qu'il y a quelques heures, preuve de l'efficacité de leur boulot.
Je ne peux donc pas me lever.
Que faire, en attendant que la doctoresse revienne ? Il n'y a même pas un livre sur ma table de chevet. Normal... Je n'ai pas, non plus, de table de chevet... L'hopital en temps normal est déjà bien ennuyeux, mais alors, en cas de lendemains de tempête, c'est carrément chiant.

J'en suis là de mes lamentations intérieures quand, de l'autre côté du rideau, j'entends une méchante voix bien rauque tousser comme un catarrheux. A mon avis, le mec doit fumer depuis des décennies... C'est à redouter de l'entendre cracher ses deux poumons en même temps. Ca n'en finit pas. J'imagine le type, rouge écarlate, en train de lutter pour reprendre son souffle.

  • Ca va aller ? finis-je par demander. Vous voulez un verre d'eau ? Ou que j'appelle quelqu'un ?

Mon voisin s'épuise en toux grasses et puissantes, puis finit par me remercier entre deux quintes carabinées.

  • Non, mon gars. J'te r'mercie, mais ça va aller.
  • Vous êtes sûr ? On est dans un hopital, alors autant ne pas se gêner.
  • Pour se faire chouchouter un brin ? rétorque la voix d'un air déjà égrillard.
  • Pourquoi pas ? Après ce qu'on vient de subir, on aurait quand même droit à un peu de tendresse, non ? fais-je en souriant.
  • T'as b'en raison, mon gars ! Mais t'es où, là ? J'te vois pas !
  • Derrière le rideau ! C'est pas loin !
  • Ben, viens donc me voir. On va se fumer une clope, tranquilles.
  • A mon avis, vous feriez mieux de passer à autre chose... Fumer, c'est pas bon pour la santé !
  • C'est qu'est-ce qu'ils m'disent tous, ces enviandés en blouse blanche ! Mais maintenant, j'm'en fous. Il m'reste pas bézef à vivre, alors autant plus m'emmerder avec c'genre d'considérations !

C'est étrange de parler à une personne qu'on ne voit pas alors qu'elle est juste à quelques pas de soi... Les téléphones qui nous pourrissent le quotidien ne me font pas cet effet. C'est comme si je parlais avec le rideau.

  • Je peux pas vous rejoindre, j'ai une canne dans le plâtre.
  • Eh ben, si c'est qu'ça, j'arrive, mon gars !

Et j'entends le mec se démener pour sortir de son lit, ahanant comme un boeuf sous le joug, maugréant quelques insanités. J'entends aussi quelques roulettes grincer. J'imagine que c'est le portique auquel sont accrochées ses perfs à lui. A croire qu'il s'est emberlificoté dans son appareillage personnel parce qu'il tarde à franchir les deux trois mètres qui nous séparent. J'en souris gentiment, presque soulagé de constater que la vie reprend son cours normal, avec son lot de personnes inattendues, presque improbables...

Ah, ça y est presque ! J'aperçois une main décharnée attraper le rideau. Encore une cascade d'imprécations diverses et je découvre enfin la trogne de mon voisin.

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