Papa
Si je devais définir la relation qui nous lie, je n'hésiterais pas à la comparer à une passerelle extrêmement fragile, figé tout de même entre deux imposantes falaises, peut être à deux doigts de s'écrouler et ne plus jamais exister. En son centre, nous retrouverions les vestiges brisés de notre passé commun. Nous serions deux âmes immobiles faisant face l'une à l'autre devant ce tel désastre. Enfin, je serais face à toi, tu me tournerais sans doute déjà le dos. On pourrait se dire, que ce pont a subit beaucoup de désagréments, d'acharnements, de coups, de blessures et d'attaques puis qu'il a finit par s'étioler.
Ce serait faux parce qu' Il ne pourrait pas réellement s'abîmer par sa structure puisqu'il n'a jamais été achevé. Le pont n'aurait juste pas été construit correctement, Papa. Tu n'aurais pas utilisé les bon outils, ni le bon savoir faire qui, bien disposés, auraient pu le rendre magnifique, un peu comme le viaduc de Milau. il n'aurait pas été ni le plus grand du monde, ni le plus beau, mais il aurait eu du charme, du caractère et serait solidement construit. ça m'aurait largement suffit. Il aurait reflété nos liens indissolubles et la complicité qui aurait caractérisé notre relation. Nous nous serions laissés émerveillés par le paysage, la hauteur, le ciel, la vie.
Mais, toi. Je ne sais pas. Tu n'as pas voulu me rejoindre, ou tu n'as pas su le construire et du coup, tu as baissé les bras. Mais je trouve ça lâche, parce que moi, j'essaye encore, après trente ans, je suis toujours la à m'accrocher à ce putain de pont qui est en train de se détruire. Je ne comprends pas, je t'assure que je tente de le faire mais je ne trouve pas de solution. Je tends les bras comme je peux comme si, avec ce simple geste, je pourrais te rejoindre et sauter dans tes bras, comme j'ai dû le faire quand j'étais vraiment petite, mais ça ne marche pas. Alors, j'attends, j'attends simplement que quelque chose se passe.
Certes, il y a eu des pères plus mauvais, qui eux, ont pris leurs jambes à leurs coups et qui sont partis, laissant leurs enfants orphelins. Toi, tu es resté, tu n'as pas affronté la situation mais tu es resté. Je peux peut être me contenter de ça, parce qu'au fond une chose est sûr ; tu nous aimais assez suffisamment pour t'interdire de fuir physiquement même si je pense quand même que cette pensée t'as traversé l'esprit. Seulement maintenant, je me demande, si je n'aurais pas préféré que tu ne sois pas du tout là, parce que j'attends encore et toujours que tu prennes conscience de ce que nous ne sommes pas. J'espère secrètement en silence quand tout le monde me demande de me faire une raison, que tu vas venir me chercher malgré tout. J'ai fait comme j'ai pu avec les armes et les larmes que j'avais, comme on ne m'en a pas donnée beaucoup, forcément, ça ne donne pas un très bon résultat.
Au fond, je n'ai même pas envie de déblatérer à propos de toutes les responsabilités que tu as fuis, parce que c'est trop tard et ça ne sert à rien. Je ne demande pas, la lune, ni des millions, Je veux juste un Papa. Mais, j'ai cette impression amère que ces Millions sont plus proche et accessible que ce que je te demande. Tu sais, je suis ta fille, par évidence Je t'aime. Et comme toutes les filles qui aiment leurs pères, j'aimerais que tu me le montres en traversant ce foutu pont qui nous sépare, que je puisse enfin te serrer dans mes bras sans rancœur ni animosité.
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