2.8 – Séparation

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Loin des yeux, mais proches du cœur.”


Les chevaleresses approchaient de l’Auberge des Quatre Chemins.

Lorsqu’elles arrivèrent enfin à destination, Pétronille leur ouvrit d’un air guilleret.

— Encore une mission réussie, à ce que je puis constater ! J’imagine votre fatigue, vos chambres vous attendent. Et vous, jeune dame, je vais vous montrer la vôtre, suivez-moi.

Devant l’incessant babillage de Pétronille, Gersande resta enfermée dans son mutisme. Elle se laissa accompagner et soutenir par Marie-Sophie.

— Voici. Souhaitez-vous un bain ?

La nouvelle arrivée écarquilla les yeux devant cette pièce luxueuse. Déboussolée par ce qui l’entourait, elle acquiesça.

— Je vais vous laisser vous détendre, lui dit son aide. Vous pouvez me faire signe en cas de besoin.

Les guerrières partirent se coucher, et aucune ne ressentit le besoin d’être bercée avant de sombrer dans un profond sommeil. À l’exception de la jeune sauveuse, persécutée par ses pensées tourmentées et inquiète pour Gersande.

Ne pouvant y tenir, elle se leva pour aller lui rendre une visite. Berthilde sortait justement de la pièce. Comme elles allaient se croiser, la femme de chambre laissa la porte ouverte, puis s’arrêta un instant, tourna la tête en sa direction et haussa les épaules.

— Je ne sais pas par quoi elle est passée, mais elle a beaucoup souffert. Et question hygiène… il a fallu bien frotter ! Heureusement qu’il y a des gens comme toi pour s’occuper de ces pauvres filles. Tu te rappelles quand tu m’as tirée des griffes de ce monstre ? Je ne pourrais jamais assez te remercier.

Marie-Sophie ne s’en souvenait que trop bien. À l’époque, elle n’était qu’écuyère et sa supérieure l’avait envoyée régler l’affaire. Elle avait dû s’interposer entre Berthilde et un homme corpulent qui la battait de toutes ses forces, à coup de ceinturon. Son père… Il avait fini quelques dents en moins et une belle entaille au bras, continuant à vociférer après sa fille alors qu’il gisait au sol, terrassé.

La gratitude que Berthilde lui manifestait lui vint droit au cœur, dégageant un petit coin de soleil au milieu de la tempête.

— Je n’oublierai jamais cet instant, Berthe. Dis-moi, comment va-t-elle ?

— Je l’ai couchée, mais je crois qu’elle est complètement perdue. Il lui faudra du temps pour refaire surface.

— Merci, tu peux y aller. Je prends le relais.

— J’imagine que je n’aurai pas mon petit câlin ce soir…

— Ça me semble compromis ma belle. Et rappelle-toi, je ne m’attache pas.

La jeune femme entra. La soigneuse, roulée en boule dans son lit, se retournait en tous sens. Reconnaissant sa sauveuse, elle se détendit progressivement.

Marie-Sophie tira une chaise près du lit et s’assit.

— Comment allez-vous ?

Un léger sourire étira péniblement la bouche de Gersande. Lavée, une chemise de nuit propre sur le dos, les cheveux coiffés, elle ressemblait désormais plus à un être humain. Hélas, la terreur dans ses yeux ne la quittait pas.

Pas de réponse.

— Vous ne parvenez pas à dormir ?

La chevaleresse lui tendit une main à laquelle elle s’accrocha.

— Vous souhaitez que je reste près de vous ?

Gersande opina du chef.

— Merci, souffla-t-elle du bout des lèvres.

C’était la deuxième fois qu’elle prenait la parole depuis son évasion. Rassurée par la présence de celle qui l’avait tirée des cachots, elle s’abandonna aux bras de Morphée. Quand son sommeil fut assez profond, la veilleuse rejoint son lit afin de se recharger en huile. Enfin soulagée, elle put se reposer.

Émergeant de leur hibernation en milieu d’après-midi, les voyageuses se restaurèrent et firent des provisions. Elles partiraient le lendemain matin jusqu’à Montbrumeux.

La sage femme dormait encore.

Avant le départ, Marie-Sophie se rendit dans la chambre de la comtesse qui terminait d’emballer des affaires dans sa musette.

— Je pense rester ici quelque temps, lui dit-elle en préambule.

— Ton petit cœur blessé te commande de t’occuper d’elle, n’est-ce pas ? Et son joli minois ne te laisse pas indifférente !

— Il y a de ça. Mais aussi, elle n’est pas en mesure de voyager. Mon canasson ne pourra pas nous porter toutes les deux longtemps. Nous vous ralentirions. Je reviendrai plus tard, dans une semaine, un mois ou plus, avec ou sans elle. Je veux être certaine de son bon rétablissement, surtout psychologique.

— Qu’il en soit ainsi. Prends ton temps, mon amie. La vie d’une femme est précieuse, le temps que tu pourras lui consacrer sera bien employé.

Dès potron minet, trois chevaleresses accompagnées d’Isabelle et Manon, se mirent en chemin.

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