Ce mercredi-là, Alba se leva paresseusement à onze heures. Ses pensées s’orientèrent aussitôt sur ce jour si particulier. Elle avait désormais un cinquième de siècle. Elle eut un pincement au coeur en se rendant compte de sa vieillesse, mais après tout, elle avait encore bien du temps devant elle, et surtout, elle attendait avec impatience de fêter ça avec ses supers-amis. Cu fut donc le sourire aux lèvres qu’elle sortit de sa chambre, mais non sans une grande prudence en se remémorant le jour de son dix-neuvième anniversaire qui avait commencé avec une douche peu agréable à chaque franchissement de porte. Cette fois-ci, cependant, ni ketchup ni sceau d’eau ni rien du tout ne lui tomba sur la tête et ce fut à l’image d’un matin banal qu’elle arriva dans la cuisine au son des disputes quotidiennes du QG. Ni petits mots ni grande banderole ni aucune décoration sur les murs, personne ne vint la surprendre par derrière en lui hurlant un “JOYEUX ANNIVERSAIIIIIRE !!!”. Rien. Uniquement un :

— Salut Alba ! fit Kaka.

— Bien dormi ? demanda José.

— Oui merci.

Elle s’étonna. Ils n’avaient quand même pas oublié son anniversaire !?

— Et vous, ça va ?

— Niquel cheffe !

Elle tenta un truc :

— Je me sens vieille aujourd’hui !

— Ah bizarre… T’inquiète, ça va passer ! la rassura Maurice.

Dépitée, elle petit-déjeuna sans entrain. Puis elle retenta un truc en arrivant dans le salon :

— On est quel jour aujourd’hui ?

— Ben le 18 je crois…

— Y a rien de spécial ?

— Pas qu’on sache…

— Enfin qui sait, peut-être que Maurice va retrouver le cerveau qu’il a perdu à sa naissance, hein ! lança Georgette.

— Connasse.

— Toi-même !

— Nan !

— Si, c’est celui qui l’a dit qui l’est !

— Vos gueules les débiles !

C’est ainsi que se passa la journée la plus lambda du monde. De seconde en seconde, la tristesse envahissait la cheffe, qui tentait désespérément de repérer un éventuel échange de sourire ou de regard complice entre ses camarades, en vain. Elle refusait de croire qu’ils étaient d’excellents acteurs au vu de la moyenne de bouletitude de ses amis qui s’élevait à environ 100%. Elle se consola donc avec des bières, bien au chaud sous sa couette. Elle espérait le miracle, la surprise, n’importe quoi. Elle perdit définitivement espoir à 23:58.

Elle sortit de son lit comme une furie, alla secouer les pires abrutis du monde décevants au plus haut point héros et les engueula très très très très fort :

— VOUS ÊTES LES PIRES DU MONDE, DES BONS À RIEN, DES NULS, DES ABRUTIS, DES SOUS-SOUS-SOUS-SOUS MERDES !!! VOUS ME BRISEZ LE COEUR ET BAH MOI JE VAIS VOUS BRISER LA NUQUE UN PAR UN BANDE DE ******!!!!

— Mé pourquoi cheffe ?

— PARCE QUE VOUS AVEZ OUB…

Ding dong.

Ce fut une Alba sur le point d’exploser qui alla ouvrir la porte et…

— Albracadabra ?

— Lui-même, chère cousine.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— À ton avis ? Je viens te s…

— Oh tu as pas oublié ?! Oh merciii je t’adore PARCE QUE CES CONS ONT OUBLIÉ !!

— Oublié quoi ?

— TOI AUSSI [insérer une insulte, je suis à court d’idée] ?!?!

— Alba ? fit Maurice. Calme-toi trois secondes et réponds à ma question : es-tu en train, à tout hasard, de douter de nous ?

— Un peu que je doute de vous, vous avez oublié mon…

— On n’a rien oublié du tout, dit Georgette.

— C’est vrai, il est 29:59 et 27 secondes, précisa José.

— Donc il est encore temps… compléta Paulette.

Alba sentit l’espoir renaître d’un coup et son visage s’éclaira d’un sourire lumineux.

—… de te dire bonne nuit ! acheva Albracadabra.

Alba clignota violemment, tout espoir disparu, fracassé, brisé, réduit en miettes, à néant… Bref, vous avez compris.

— MAIS ! ajouta Paulette avant que la cheffe puisse dire quelque chose.

— Avant ça… continua Maurice.

[Pour un suspense optimal, suite au prochain chapitre]