54. Deux jeunes filles en détresse (partie 2)
Jayu vit sa protectrice se décomposer et obéir en dirigeant ses mains à l’arrière de sa tête. Elle perdit brièvement l’équilibre sur les coussins mous du canapé, avant de se positionner à genoux, face à l’assise et les mains sur le crâne. Ses yeux fixèrent Jongchul avec stupeur.
— Je sais, ça peut surprendre, expliqua le gangster. Mon appartement est un cercle. On peut revenir au point de départ, sans jamais faire demi-tour. Je ne pense pas que l’architecte imaginait que son concept permettrait à des types comme moi de découvrir le vrai visage des hypocrites qui l’entourent.
— Depuis combien de temps nous écoutez-vous ? demanda Hyuna. Je peux tout vous expliquer.
Elle tenta de décoller les mains de son crâne et de se déplacer. Jongchul réaffirma sa menace, par un geste du poignet et en haussant la voix :
— Ne bouge pas ! Lève-toi ! Recule !
Elle obéit tout en continuant de parler.
— Regardez ! Je n’ai pas d’arme. Et je peux tout vous expliquer. Baisser votre arme, s’il vous plait. Je vais tout vous expliquer. Qu’avez-vous entendu ?
— Ferme-la ! C’est à moi de poser les questions. Et toi…
Il regarda Jayu.
— … mets aussi tes mains sur ta tête.
L’adolescent en jupe s’exécuta, ratatiné dans son canapé. Jongchul fit le tour du meuble et s’avança lentement vers la jeune femme.
— Enlève ton t-shirt.
Elle avala sa salive et ferma ses yeux. Jayu crut que son cœur venait de cesser de battre. Quel bordel ! Ils n’avaient pas survécu à Luka pour finir abattus par un gangster du Jusawi. Jayu regretta sa jalousie, son manque de confiance. Il avait obligé Hyuna à lui avouer ses intentions. Sans lui, rien de tout ça ne serait arrivé.
— J’ai dit : enlève ton t-shirt.
— Pourquoi ? temporisa la captive.
— Arrête de jouer à ça. Je te l’ai demandé gentiment. Ne m’oblige pas à être désagréable, Hyojin. Si c’est bien ton vrai nom… Hyojin.
— Ce n’est pas mon vrai prénom, expliqua la jeune femme en laissant glisser son t-shirt au-dessus de sa tête. Mon véritable prénom est Hyuna et mon nom de famille est Choi.
Ses hanches se découvrirent, Jayu vit tout de suite l’arme qu’elle avait glissée dans son pantalon. Le t-shirt dévoila ensuite sa poitrine, habillée d’une brassière sportive noire. La jeune femme jeta son haut devenu inutile au sol et secoua sa chevelure pour dégager son visage.
Elle paraissait digne, mais devait être aussi effrayée que lui. Le gangster s’approcha pour récupérer le Canik Shark de Hyuna, qu’il rangea dans son dos, au niveau de sa propre ceinture.
Lentement, silencieusement, Jongchul fit le tour de la jeune femme. Jayu eut l’impression d’assister à la ronde d’un fauve autour de sa proie. Puis, le criminel glissa le canon de son flingue sous le menton de Hyuna. Des fourmis agitèrent les membres de Jayu, dans ses jambes, dans ses bras. Il tremblait d’envie de se jeter sur cet homme. Pourtant, il n’y avait pas réellement de lubricité dans son regard, plutôt une colère sourde et de la déception. Pas forcément plus rassurant. Le canon de l’arme à feu servit finalement à soulever les cheveux pour les faire passer par-dessus l’épaule de Hyuna et dégager ainsi le dessin qu’elle avait dans le dos. Jongchul observa longuement le tatouage, avant de dire :
— Je ne connais pas cette fleur. Je ne connais pas ce clan. Pour qui travailles-tu ?
— Ce n’est pas le symbole d’un clan. C’est un lys orange. Cette fleur symbolise la vengeance. Je me la suis fait tatouer pour ne jamais oublier que Lee Baehyun ne mérite pas de vivre. J’agis seule. Je ne travaille pour personne.
— C’est ce qu’ils disent tous.
— Elle vous dit la vérité, intervint Jayu. Elle ne fait pas partie d’un clan.
— Laisse parler les adultes ! Quel gang ?
— Il n’y a pas de gang, répéta Hyuna, une pointe d’inquiétude commençait malgré elle à percer dans sa voix. Réfléchissez, M. Jang, je ne vous ai pas abordé, c’est vous qui l’avez fait. Rien de tout cela n’était prémédité. Je n’ai été envoyée par personne, j’ai saisi une opportunité.
— Tu portes une arme sur toi, Hyojin. C’est difficile de me faire croire que tu es venue ici sans préméditer quelque chose.
— Ce n’est pas contre vous. C’est Lee Baehyun que je veux tuer. Est-ce que vous savez pour quelle ordure vous travaillez ? Est-ce que vous savez ce qu’il m’a fait ?
— Ta gueule ! Je pose les questions. Je dois être absolument sûre que tu ne me caches rien. Enlève ton pantalon.
— Les tatouages claniques se font rarement sur les jambes.
— Rarement ne veut pas dire jamais et tu es bien informée… pour une fille qui ne fait partie d’aucun gang.
Hyuna se mordit les lèvres.
— Enlève ton pantalon. Enlève-le et remets les mains sur ta tête ensuite.
Les mains de Hyuna se baissèrent pour retirer son pantalon. Malgré les grands efforts qu’elle faisait pour ne pas montrer sa peur, Jayu vit qu’elle tremblait. Lui-même avait de plus en plus de mal à respirer. Le jean glissa et dévoila les jambes longues et blanches de la jeune femme. Elle portait un shorty beige. Jongchul inspecta les membres révélés. Ils ne lui apprirent rien de plus.
— Je t’aimais bien, Hyojin, regretta-t-il tout en la scrutant dans sa semi-nudité. Tu es un joli brin de femme, mon genre, absolument mon genre. J’aimerais mieux sans le tatouage. Ça me fait de la peine que tu m’aies menti. Je ne suis pas un homme qui aime frapper les femmes, mais il faut que tu me donnes des noms, Hyojin.
Jayu avait toujours les mains bien en vue sur sa tête, mais il avait les pieds ancrés sur le sol, prêt à bondir.
— L’homme pour qui tu travailles, cette pourriture, lui, il aime frapper les femmes.
— Ne traite pas M. Lee de pourriture.
— Non… tu as raison. Je corrige… C’est un porc ! Un sale porc !
Jongchul leva la main et abattit son avant-bras sur Hyuna au niveau des côtes, sous l’aisselle gauche. Sous la force du coup, elle tomba à genoux. Aussitôt, Jayu se jeta sur lui en avant, de toutes ses forces. Il parvint à le faire basculer et ils chutèrent tous les deux en même temps sur le sol.
Jongchul chercha à se dégager, mais Jayu l’avait enserré par la taille. Le gangster tenta donc de rouler sur lui-même, il écrasa l’adolescent sous son poids et lui donna plusieurs coups de coude. Jayu relâcha sa prise, en poussant un cri de douleur. Jongchul se releva, frappa Jayu à terre et tourna son arme dans sa direction.
Jayu se cacha le visage derrière ses bras repliés, prêt à être transpercer. Les yeux fermés pour ne pas voir sa mort en face, il entendit le bruit du coup de feu, à faire saigner les tympans. Il attendit la douleur dans sa propre chair.
Cette dernière ne vint pas. À la place, un hurlement d’homme se fit entendre.
L’adolescent rouvrit les yeux. En contre-plongée, Hyuna paraissait immense, elle tenait son Canik Shark dans les mains, ses doigts étaient pressés sur la détente. Un mince filet de fumée, pareil à celui d’une allumette que l’on vient de souffler, remontait depuis la gorge du canon, vers les hauteurs du plafond.
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