Karim
« C’est clair qu’elle ne m’acceptera pas », se dit Karim, calé dans le fond de son siège.
La visite s’est mal passée. Dès son entrée, il a senti que cette septuagénaire ne souhaitait pas louer son appartement à quelqu’un « comme lui ». Délit de sale gueule. Trop bronzé, trop frisé, sa silhouette sent trop le couscous et la harissa. Quitter Bruxelles pour s’installer dans un village alentour, c’est bien plus compliqué que ça en a l’air quand le nom ne correspond pas aux bons critères de sélection. Finalement, on peut avoir un bon emploi, bien gagner sa vie et rester exclu de simples privilèges.
Il voudrait bien, lui, s’installer à la campagne. Fuir les bruits de la ville, le stress quotidien, les sirènes et les embouteillages. Mais c’est déjà le quatrième appartement qu’il visite dans le coin, pour entendre à chaque fois le même refrain final.
« Je vous rappelle, mais j’ai déjà quelqu’un qui a posé une option sur le bien… »
Et le téléphone ne sonne jamais.
- Titre de transport s’il vous plaît.
- Oh, bonjour. Attendez…
Karim fouille ses poches mais ne trouve pas le petit morceau de papier demandé.
- Attendez, je l’avais, je vous assure.
Le contrôleur reste impassible, planté devant lui tandis qu’il farfouille dans son portefeuille.
- Ce n’est rien monsieur, je vous délivre un titre ici même dans le train, que vous pouvez payer maintenant avec un supplément de 15 euros, ou alors en gare avec un supplément de 75 euros.
- Mais j’avais mon ticket, j’ai pris un aller-retour pour visiter un appartement à Rixensart. Je… J’ai dû le perdre.
- Je veux bien vous croire, mais mon boulot c’est de vérifier votre ticket et de verbaliser si vous n’êtes pas en ordre.
Tout à coup, le train freine dans un vacarme épouvantable de frottements métalliques. Le contrôleur est projeté quelques mètres en avant, tandis que retentit une sirène stridente. Il se relève aussitôt et court vers l’avant du wagon, ignorant Karim.
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