Prologue
Un sifflement bref fendit l’a et le chevreuil tomba lourdement, une flèche fichée dans son poitrail. L'animal n’avait pas souffert. D’un bond souple et léger, l’homme sauta de l’arbre où il était resté à l’affût. Il se tenait devant son trophée, qu’il examina, satisfait, avant de le jeter sur son épaule. Dans cette forêt, le gibier ne manquait pas.
Sur le chemin du retour, il était perdu dans ses pensées.
Il se souvenait des paroles de son grand-père, transmises depuis des générations, lui expliquant que, jadis, les hommes passaient leurs journées à chasser les animaux et à cueillir des plantes, c’était leur seule façon de se nourrir. Ces anciens savaient reconnaître les bonnes baies à cueillir et les champignons que l’on pouvait manger. Pour qui sait y trouver ses trésors, la forêt a toujours été un garde-manger. Cela lui rappela une mésaventure qu’il avait connue dans sa jeunesse.
Un jour, il était tombé gravement malade après en avoir mangé, depuis il les évitait. Moins doué que ses aïeux pour repérer les plantes nocives, il était triste de ne pas posséder cette faculté d’identifier au premier coup d’œil les bonnes choses qu’offre la nature. Quant à la chasse, il ne la pratiquait dans les bois que pour améliorer le quotidien et un peu pour son plaisir aussi, et même s’il était habile avec un arc dans les mains, il était impossible pour lui d’y aller tous les jours : Gvär était fermier, il élevait des chèvres.
Il travaillait dès le lever du soleil, jusqu’à son coucher, comme son père et son grand-père autrefois, usés par cette vie de labeur. Le jeune homme savait qu’il était déjà à la moitié de sa vie. Il avait toutefois la chance de posséder sa maison et ses bêtes, il n’avait de compte à rendre à personne.
Lors de rares moments de répit où il était seul et pouvait réfléchir à sa condition, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il aurait aimé vivre comme son aïeul. La communauté dans laquelle il vivait n’aurait pas compris, au village tout le monde ou presque avait un travail. On ne passait plus ses journées dans la forêt à chasser et à s’adonner à la cueillette. Son troupeau devait fournir les habitants en lait, fromage et viande. De plus, il avait une femme et des enfants, il devait assurer leur subsistance et leur sécurité. C’en était fini de la vie errante ; un homme devait construire sa maison, son foyer et participer aux tâches collectives.
Il se sentait moins libre que ses ancêtres et cela le rendait mélancolique.
Sur le chemin du retour, il eut un mouvement de la main devant ses yeux, comme pour chasser ces pensées. Il se ressaisit pour revenir à ses préoccupations du moment. Le dernier orage avait endommagé un enclos pour le bétail, il devait renforcer une partie de la structure en bois.
Annotations
Versions