Chapitre 1

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De corpulence moyenne, Gvär avait de longs cheveux bruns et raides, qu’il coiffait en tresse la plupart du temps. Sa barbe était également nouée, une perle de bois attachée au bout. Il ne paraissait pas très robuste au premier abord, il était en réalité endurant. Sa musculature était fine par rapport aux autres hommes du clan, il ne fallait pas s’y fier.

Dans son jeune âge, il avait eu maille à partir avec d’autres enfants. Il avait esquivé les coups avec agilité et en avait donné des bien placés. Lors des bagarres, des attroupements se formaient, les adultes riaient, encourageaient leur progéniture. Il fallait se montrer courageux en toutes circonstances. Or il y avait des règles, un combattant ne devait pas blesser son rival. Dans le Clan, on avait besoin de tous les hommes dans la force de l’âge. C’est ainsi que Gvär avait forgé sa réputation et gagné sa tranquillité. De caractère plutôt placide, il pouvait vite s’énerver si on le défiait. Et tout le monde le savait.

Il s’était marié jeune avec Marta et ils avaient déjà trois enfants. La peine l’étreignait parfois, car il aurait aimé passer plus de temps avec eux pour leur apprendre les choses de la nature. Cependant il devait prendre soin des chèvres et participer aux travaux communs à longueur de journée ; alors c’est Marta qui s’occupait des petits la plupart du temps. Les enfants étaient libres d’aller et venir, à condition de rester dans le village. La communauté les protégeait des dangers de l’extérieur. L’entraide et la solidarité étaient les règles tacites de vie au village. Un individu trop solitaire, indépendant ou paresseux eut tôt fait d’être rejeté par les autres.

Le meilleur ami de Gvär était Thoron. Ils se connaissaient depuis l’enfance. Leurs deux familles avaient noué des liens solides. Les deux amis étaient très différents. Thoron, élancé et au corps athlétique, avait le visage glabre et le cheveu clair, court et hirsute. Son caractère enjoué le plus souvent charmait ses interlocuteurs. L’âge adulte approchant, il faisait l’admiration de la plupart des gens du village par son aisance et son charisme. Les femmes, surtout l’aimaient beaucoup… Après quelques années d’errance affective, Thoron avait fini par prendre épouse. Une blessure cachée le rongeait ; le temps passait et le ventre de sa femme ne s’arrondissait pas. Il ne montrait jamais à personne son inquiétude à ce sujet, pas même à son meilleur ami.

L’amitié de Gvär et Thoron était connue de tous. Et parmi la centaine d’hommes du village, ils ne se connaissaient pas d’inimitié ni de jalousie. Pendant l’enfance, les deux amis avaient scellé un pacte d’attachement éternel. Indestructible, croyaient-ils.

Ils étaient à ce moment-là de jeunes adultes et ce lien était plus fort que jamais.

Thoron n’était pas fermier, ni tailleur de pierre, ni même charpentier. Il était un peu tout cela à la fois, et même davantage. Il n’avait pas de métier déterminé, il savait presque tout faire. Seul son caractère léger et dilettante l’empêchait de se concentrer sur une seule tâche et la mener à bien. Les autres villageois appréciaient beaucoup sa disponibilité. Il était toujours prêt à rendre service, à aider à tailler des pieux ou à ramener un troupeau dispersé.

Le village était en perpétuelle construction et réparation. Il y avait de nombreuses huttes et maisons construites dans ce val assez éloigné des basses montagnes que l’on apercevait par-delà la forêt. Au milieu coulait une rivière aux rapides ondoyants, qui pouvaient devenir dangereux à la fin de l'hiver lors de la fonte des glaces.

La rivière fournissait l’eau. L’élevage et les cultures nourrissaient le village. La vie sociale s’organisait, chacun contribuait à développer une communauté prospère.

Tous les ans, lors du solstice d’été, le conseil se réunissait pour désigner un chef. Le vote se faisait à main levée. Tous les adultes y participaient, y compris les femmes.

Chaque nouvelle lune était prétexte à une célébration, de longues veillées nocturnes se tenaient. Les vieux sages aimaient raconter aux plus jeunes les évènements survenus dans le village au cours des années passées. Il arrivait qu’un ancien enjolive la réalité ou la déforme pour flatter les guerriers, taire les échecs et faire grandir le sentiment d’appartenance au clan, et c’est ainsi que naissaient des légendes. Les anciens étaient respectés alors personne n’osait mettre en doute leur parole.

Parmi les nombreuses histoires racontées, une anecdote savoureuse était souvent narrée dans ces soirées, devant un grand feu au centre du village, les protagonistes en étaient Gvär et Thoron. Dans leur prime jeunesse, ils s'étaient aventurés de l'autre côté de la basse montagne. Ils savaient par leurs parents, qu’un autre clan était établi par là-bas. Leur marche avait duré trois jours. Quelle ne fut pas leur déception en arrivant, de voir que d’autres membres de leur communauté étaient déjà là en train de marchander des céréales et de bons fruits bien juteux avec les habitants du village voisin. Devant la mine déconfite des deux compères, les villageois des deux clans rirent de bon cœur. Cette histoire faisait rire aussi les enfants à qui on la racontait des années après, assis en rond autour du feu.

Dans les conversations entre villageois, il se disait aussi que l’on rencontrait de plus en plus souvent des voyageurs venant de régions lointaines. Leurs habits étaient chamarrés et ils transportaient quantité d’épices inconnues et d’étoffes exotiques, cela impressionnait beaucoup le clan. Certains parlaient une langue étrange, mais lorsqu’il s’agissait d’échanger nourritures et bijoux, la compréhension se faisait aisément.

Quelques voyageurs, charmés par la beauté des lieux ou d’une femme, s’étaient installés à proximité. L’arrivée de nouveaux venus se faisait parfois non sans heurt, mais le troc donnait un certain équilibre dans les relations. Des individus à l’esprit belliqueux n’auraient pas survécu longtemps.

Autour du village, la construction récente d’une palissade avait nécessité tous les hommes. Il fallait se protéger des bêtes sauvages et éviter que les troupeaux domestiques ne s’échappent trop facilement. Un grand nombre d’arbres avait été abattus et taillés en épieux, si bien qu’on pouvait distinguer une nouvelle clairière à l’entrée de la forêt en raison de cette coupe claire. Le travail le plus dur avait été de creuser les trous à distance des habitations pour y planter les pieux. Ces projets unifiaient encore un peu plus ce peuple. La solidarité entre les habitants se renforçait. L’instinct de propriété aussi…

Une fois la palissade terminée, une grande fête fut donnée. Lors de cette fête, le chef fit une grande annonce : le conseil s’était réuni et avait décidé de construire un immense dolmen et un tumulus pour y rassembler les dépouilles des chefs précédents qui étaient disséminées dans des sépultures éparses. Les lieux avaient été choisis, le dolmen serait au sommet de la colline la plus proche, le tumulus funéraire à l’entrée de la forêt, à côté du chemin principal. C’était le début de l’automne ; le conseil décida d’attendre le printemps pour commencer ce projet d’envergure.

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