Chapitre 4

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Une année entière était passée. Les deux chantiers avançaient bien, la tribu pourrait bientôt faire une grande célébration pour fêter la construction des monuments.

C’est par un de ces matins frais de la fin du printemps que l’on découvrit le corps.

Juric, écrasé sous une pierre du Dolmen.

L’effroi saisit le village. Ce devait être un accident, ce ne pouvait en être autrement.

La découverte ayant eu lieu à l’aube par un homme se rendant sur le chantier, cela voulait dire que Juric était mort pendant la nuit. Un évènement d’une telle ampleur, jamais vue au sein de la tribu, fit que toute la communauté se réunit spontanément sur la place centrale du village. Les palabres se superposaient dans la confusion la plus totale. Que faisait le Chef du village, la nuit sur le chantier ? Était-ce vraiment un accident ? Toutes ces questions se multipliaient dans la tête des villageois.

Le chaman fit taire l’assemblée qui se demandait comment un Dolmen pouvait s’effondrer pendant la construction. Les constructeurs, sûrs de leur savoir-faire, ne pouvaient imaginer remettre en cause la solidité de leur édifice. Nemneas, dans un silence de mort, dressa son bras et désigna de l’index un villageois : Thoron.

Il se lança dans une violente diatribe contre l’ami de Gvär, prétextant que Kämna lui avait rapporté qu’il l’avait vu rôder aux abords du dolmen, bien qu’affecté au chantier du Tumulus. Nemneas accusa Thoron d’avoir tué le chef pour lui prendre sa femme, car la sienne ne pouvait lui donner un fils !

L’accusation était tellement infondée, les mensonges si grossiers, que Thoron resta bouche bée et ne sut quoi répondre. Gvär se trouvait dans le même état de sidération.

La posture du chaman, sa position sociale et son aplomb eurent tôt fait de convaincre la majorité des villageois. L’instinct grégaire et l’effet de foule finirent d’achever les incrédules, qui rallièrent la majorité des avis. Malgré ses vives protestations, Thoron fut emmené et enfermé dans une cage de bois solide. Son sort serait scellé lors du prochain conseil au solstice d’été.

Gvär fut certain que le chaman avait pris cette décision rapidement pour calmer les esprits de tous et ramener le calme, sans y croire vraiment, sans fondement. L’essentiel était de préserver l’intégrité et surtout l’unité de la tribu face à l’adversité.

Les jours suivants, Thoron clama haut et fort son innocence, mais personne ne le crut. Il ne pouvait pas savoir qu’il faisait l’objet de la jalousie de la part de plusieurs hommes du clan, qui enviaient son pouvoir de séduction. Un danger pour les couples établis : Thoron était le coupable idéal.

Gvär, certain de l’innocence de son ami, savait qu’il devait agir vite. Alors le soir venu il jura à Marta et à la femme de Thoron de tout faire pour convaincre le clan. Thoron n’était pour rien dans la mort de Juric. Encore fallait-il trouver la vérité.

Pendant la nuit, il se rappela qu’un jour Marta lui avait rapporté une conversation qu’elle avait eu avec la femme d’à côté, celle qui avait donné du pain et des lentilles à ses enfants. Elle lui avait raconté combien son mari était doué pour pister le gibier. C’était un homme au tempérament rude et austère du nom de Lennart.

Gvär décida d’aller lui rendre visite dès le lendemain. Sur le versant du coteau exposé au soleil, le voisin austère était occupé à entretenir le petit vignoble qu’il possédait. Un bon millier de pieds de vigne s’étendait sur la pente. Il en tirait un vin plutôt aigre. L’éleveur de chèvres le rejoignit au milieu de sa parcelle. Il fut accueilli fraîchement par l’atrabilaire, qui n’aimait pas être dérangé. Gvär se garda bien de commenter la qualité de la vinasse ainsi produite, et se concentra sur ce qu’il avait à lui demander.

Lennart avait donc un autre talent que celui de vigneron. Gvär espérait secrètement qu’il fut plus doué dans sa seconde compétence, comme le prétendait sa femme : Il savait pister le gibier. Gvär avait dans l’idée qu’il l’aide à trouver des indices près du chantier du dolmen. Bien sûr, au premier abord, le vigneron-pisteur ne voulut pas aider le fermier. Ils n’avaient jamais été amis et il ne voyait quel était son intérêt à aider son voisin.

Gvär mit plusieurs jours à le convaincre en lui promettant du bon lait de chèvre et de l’aide pour vendanger la vigne à la saison venue. Devant l’insistance et la pugnacité du fermier, Lennart finit par accepter.

À la nuit tombée, discrètement, les deux hommes se rendirent sur les lieux du drame. Lennart à quatre pattes examina l’herbe aplatie sous le dolmen et tout autour. Il en était certain, à la vue des traces, il n’y avait pas eu deux hommes ici lors de ce drame, celles supposées de Juric et de Thoron, mais trois ! Il trouva également un éclat de silex, qui aurait pu servir à couper une corde qui retenait une pierre sur le chantier.

Les jours passèrent et le solstice s’approchait, il ne restait que peu de temps à Gvär pour prouver l’innocence de son ami et le sauver d’une mort certaine.

Lors de la fête de la pleine lune précédent le solstice, Gvär profita de l’effervescence dans le village pour se glisser subrepticement dans la hutte de Juric, qu’il fouilla méthodiquement et rapidement. La tunique de lin avait disparu. Or il ne la portait pas la nuit de sa mort.

Et si Juric avait été tué pour qu’on lui vole sa robe ?

Ce morceau de silex retrouvé l’intrigua. N’écoutant que son courage et surtout ne voulant pas voir son meilleur ami pendu au bout d’une corde, il courut voir Milsen le tailleur de pierre.

Comme Gvär pouvait s’y attendre, Milsen protesta vivement, jurant qu’il n’était pour rien dans la mort de Juric. Gvär le mit devant les preuves accablantes, son désir de posséder la tunique du chef, le morceau de silex retrouvé sur les lieux du crime. Il restait le mystère de la troisième trace de pas que Gvär se garda bien d’évoquer. Et si Milsen avait un complice ? Bien qu’on ne lui connût aucun ami assez proche pour l’aider à tuer un chef.

Le jeune fermier revint chez lui plein de doutes. Il avait besoin de la chaleur de la couche de Marta pour se réconforter, et peut-être qu’ensuite, dans la torpeur de la nuit, il y verrait plus clair dans ses idées.

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