Chapitre 28 : Le secret de Philippa, Partie 1
Dès que le lien entre le technomancien et Tuesday fut rompu, Alexeï revint brutalement de sa transe, le souffle court.
- Eh bien… murmura-t-il, stupéfait. Voilà qui était assez étonnant…
- Qu’as-tu vu ? l’interrogea aussitôt Forlwey. Des nouvelles de Philippa ? Où est la fille ?
- Votre espionne et les shinobis les ont attaqués par surprise alors qu’ils campaient au fond d’une faille, lui apprit l’homme machine. D’après ce que j’en ai vu et la topographie de la région, j’en déduis que le refuge est à l’intérieur de la Montagne Décapitée. C’est un site assez célèbre dans la région. Manifestement ils cherchaient à y pénétrer avant d’être surpris par vos soldats… Un combat s’en est suivi et votre espionne a bien failli réussir à récupérer la fille. Mais les pouvoirs de la jeune princesse sont devenus encore plus puissants qu’à Lutécia et Philippa a été vaincue… Quant à Tuesday… elle a subi un sort funeste des mains de Sheamon Wave lui-même.
Forlwey haussa les sourcils.
- Il est censé être mort… lâcha-t-il d’une voix furieuse. La malédiction de Damoclès est fatale à celui qui en est atteint et Philippa m’a assuré l’avoir touché.
- Pourtant il était bien vivant… et en plein forme ! Il se battait comme un tigre enragé… il en avait un à ses côtés, d’ailleurs.
- Ne vous avais-je pas prévenu que l’exorciste était dangereux ? grommela Ace.
- Je dois reconnaître que vous aviez raison, commandant, reconnut Alexeï avec un frisson d’excitation. Tuesday est l’une de mes créations les plus puissantes, conçue pour combattre des magiciens et résister à leurs pouvoirs. Pourtant, il lui a arraché la tête à mains nues avec sa magie. Cependant, les données que j’ai pu récupérer au cours de ce combat sont inestimables… Cela aura été une leçon très instructive.
- Alors il a survécu… laissa tomber Forlwey avec un sourire inquiétant. Décidément, ce renégat ne cesse de contrecarrer mes plans. Je suis contrarié, c’est vrai… mais aussi impressionné. Cet homme m’intéresse. Il est dommage que je doive le tuer… Sheamon Wave aurait été un atout formidable lorsque la reine lancera la conquête de la Surface.
- Je suis ravi que vous sachiez où se situent vos priorités, Monseigneur, marmonna le commandant du Harakaï avant de se tourner vers Alexeï. Mais il était stupide de les attaquer avec un aussi petit nombre. C’était voué à l’échec.
- Au contraire mon cher, intervint Alexeï. C’était une manœuvre plutôt audacieuse de la part de Miss Philippa. Ils étaient acculés dans une crevasse, en sous nombre évident et leur niveau d’alerte était bas. En prenant en compte le fait qu’une fois à l’intérieur du refuge, il serait devenu difficile de les y poursuivre même avec notre armée, je pense qu’elle a pris la bonne décision. Elle avait déjà réussi à séparer la princesse de ses camarades. Et même affaiblie par la fatigue lié à ses… capacités, elle s’est presque emparée de celle-ci. Mais nous avons omis deux points essentiels : d’une part, la princesse devient de plus en plus puissante et ce à un rythme très rapide. Ce qui va nécessiter d’ailleurs quelques précautions supplémentaires pour sa capture. D’autre part… le lien entre moi et Tuesday ne s’est pas coupé tout de suite après que sa tête a été séparée de son corps. Il a subsisté juste assez longtemps pour que je puisse entrevoir celui qui semblerait être le gardien de cet endroit. Et je comprends mieux pourquoi personne n’a jamais trouvé ce refuge… C’est un dragon.
La stupéfaction se peignit sur les visages de Forlwey et d’Ace.
- Un… dragon ? répéta le commandant sidéré.
- Oui et un gros. Il fait au moins cent mètres de long et c’est une merveilleuse créature de destruction…
Les paroles du technomancien furent suivies d’un silence pesant, qu’Ace fut le premier à rompre :
- Il faut repenser notre stratégie, déclara-t-il. Affronter un dragon nécessite des préparatifs adéquats, des effectifs et du matériel qui risquent actuellement de nous faire défaut. Ce croiseur seul ne sera pas de taille contre une telle créature : pour l’éliminer nous devons rappeler toutes nos forces dispersées dans la région.
- Allons mon ami, le tempéra Forlwey en levant la main. Pas de précipitation, voyons.
- Je crois que vous ne comprenez pas, Monseigneur, rétorqua le démon. Nous pensions devoir écraser de simple vampires, des fugitifs sans véritables compétences militaires. Mais si Sheamon Wave vivant est déjà un problème, un dragon c’est encore autre chose. Le seul dont j’ai entendu parlé, c’est Dracula : et si celui-ci possède seulement le tiers de sa puissance… Nous allons avoir un sérieux problème.
- C’est cela qui est excitant, non ? murmura Forlwey avec une lueur de folie dans le regard. Je n’ai jamais vu de dragons et à l’idée d’en affronter un… mon sang bouillonne d’impatience… Que s’est-il passé lorsqu’il est apparu ?
- Je n’ai pas pu en voire davantage, Monseigneur, révéla le technomancien. Le peu d’énergie qui restait à Tuesday s’est évaporé et le lien s’est rompu. Mais la princesse avait épargné votre espionne et, sauf erreur de ma part, elle est encore en vie, n’est-ce pas ?
Forlwey acquiesça en caressant du doigt la bague sertie d’un joyau rouge dont l’éclat brillait d’une intensité surnaturelle.
- C’est exact, acquiesça le nosferatu. Le lien entre elle et moi ne peut être rompu que par sa mort. Ce qui veut dire qu’elle peut encore m’être utile…
- Et nous savons désormais où se situe le refuge, renchérit Alexeï. J’ai assimilé la mémoire de Tuesday. Il ne me faudra pas longtemps pour retrouver la crevasse et l’entrée dans la montagne. Plus besoin de perdre notre temps à ratisser les Enfers ou de nous inquiéter à l’idée de perdre leur trace. Ils sont arrivés à destination.
Le sourire de Forlwey s’accentua.
- Alors c’est décidé, susurra-t-il. Nous allons envoyer toutes nos troupes là-bas et encercler ce trou à rats afin d’exterminer la vermine qui s’y est terrée. Je vous confie la tâche d’éliminer le dragon et les gêneurs potentiels. Avec tes armes, technomancien, et la puissance militaire de votre flotte, commandant, cela devrait être réalisable. Quant à la princesse et l’exorciste… je m’en occuperai personnellement.
Les autres acquiescèrent silencieusement. Forlwey sentit alors monter en lui une soif de sang, une envie folle de prendre des vies et de passer à l’action. Un sourire étira ses lèvres.
« Bientôt » se promit-il mentalement.
***
Triss avait été assise aux côtés d’Evander à la table principale, placée sur une estrade devant un grand feu de joie. La place centrale devant l’ancien croiseur réaménagé était à présent remplie de personnes qui dansaient tandis que des musiciens menaient le bal avec flûtes, tambours et d’autres instruments de fortune. Il n’y avait pas de nourriture (car les vampires n’en mangeaient pas), mais les boissons, alcoolisées pour la plupart, coulaient à flots. Triss observait les visages heureux des réfugiés qui semblaient avoir retrouvé une raison de sourire, en essayant de ne pas prêter attention à ceux qui l’observaient dans leur coin en chuchotant entre eux. Elle savait qu’elle était la cible de tous les regards, ce qui la mettait mal à l’aise. Néanmoins la jeune faisait mine de n’avoir rien remarqué. Pour des gens vivant reclus ici depuis des années, elle devait être une véritable attraction.
Lorsque la fête avait commencé, Evander l’avait officiellement présentée à toutes les personnes occupant une place importante dans l’organisation du refuge. Parmi eux, une femme vampire entre deux âge avec une terrible marque au fer rouge sur le front qui l’avait chaleureusement accueillie.
- Bienvenue à Varenn, princesse Triss, lui avait-elle déclaré les yeux remplis d’étoiles. C’est un honneur et une joie immense de faire votre connaissance ! J’ai toujours répété à mon fils que le vent tournerait un jour en notre faveur… Je suis Opra, la responsable de nos réserves, c’est moi qui m’assure que nous ne manquions de rien. Et quand on doit assurer le quotidien de deux-mille personnes, c’est une sacrée responsabilité, croyez-moi !
- Vous avez un rôle important, l’avait complimentée Triss en souriant, même si elle commençait à sentir des crampes. Votre fils doit être fier de vous.
Le sourire d’Opra avait disparu aussitôt et un éclair de tristesse était passé dans son regard.
- Il l’aurait été… l’avait-elle corrigée d’une voix crispée. Mais il est mort comme ses deux sœurs pour amuser mon ancien maitre…
Triss en resta sans voix, embarrassée et peinée.
- Je… Je suis désolée, avait-elle balbutié. Je ne savais pas…
- Ce n’est pas grave Votre Majesté, l’avait rassurée Opra en lui serrant la main avec force. Leurs morts seront vengées. Après tout, vous êtes là avec nous…
Triss avait soudain remarqué que les yeux de son interlocutrice brillaient d’une lueur de convoitise qui lui avait donné des frissons : elle s’était sentit aussitôt très mal à l’aise. Une main s’était alors posée sur l’épaule de la femme.
- Allons, Opra, ne va pas effrayer la princesse, avait déclaré en s’esclaffant un vampire de grande taille dont l’apparence rappelait presque celle d’un gorille. Sinon elle risque de croire que ces années cloitrés ici ont fini par nous rendre complètement givrés !
Le nouveau venu s’était ensuite galamment incliné devant Triss.
- Waldo, votre Majesté, pour vous servir. Je suis l’ingénieur en chef du refuge. Donnez-moi un moteur de novellus, quelques planches, des clous, plus une corde bien solide avec des explosifs, et je peux vous confectionner un vaisseau rapide qui vous transportera jusqu’au Paradis ! Ou un ventilateur… selon vos priorités.
- Vous êtes inventeur ? s’était étonnée Triss.
- Je sais que je n’en ai pas vraiment l’allure, mais c’est le cas, oui. C’est moi qui ait plus ou moins orchestré la construction de cet endroit. Il ne paye pas de mine c’est sûr, mais j’en suis fier. Après tout il est toujours debout après deux siècles, donc je ne suis pas si mauvais, non ?
Triss avait ri à son tour.
- Comme vous dites, ce que vous avez accompli est vraiment impressionnant.
- Je n’ai pas été seul ! La plupart de ceux qui sont ici ont travaillé autant que moi pour que nous puissions construire notre foyer… Et puis, c’est grâce à l’aide de Voldra qui nous a apporté la plupart de nos, hum… matériaux de construction.
Triss s’était souvenue de sa première réflexion en découvrant Varenn pour la première fois. Les aéronefs qui avaient servi à construire cet endroit étaient donc bien des victimes de Voldra…
- Voldra n’a pas l’air d’être particulièrement aimable… Avait-elle laissé entendre, curieuse d’en savoir plus sur ce lien étrange unissant le dragon à la communauté de vampires.
- Oh, il peut se montrer serviable quand on sait comment s’y prendre avec lui, avait assuré Waldo. De nous tous, c’est Ilyann qui s’en sort le mieux pour négocier avec ce dragon. Ce gamin est très doué…
Parler d’Ilyann lui avait rappelé comme une aiguille douloureuse la situation critique de Philippa, mais également Naru, qu’elle n’avait pas revues depuis leur arrivée ici.
- En parlant de lui, je ne l’aperçois pas ici…
- Il doit surement patrouiller autour de la montagne ou bien inspecter la porte. Il prend son rôle très à cœur je dois dire et c’est une bonne chose.
- Ilyann est un brave petit, avait renchérit Opra. Il est généreux et se met toujours au service des autres.
- Je vois… avait murmuré Triss, pensive.
C’est alors qu’Evander l’avait prié de le rejoindre ; elle s’était donc excusée avant de quitter Waldo et Opra pour retrouver le guide et le groupe de personnes qu’il souhaitait lui présenter. Quand elle en eut enfin fini avec ces formalités qui lui semblèrent interminables, Triss s’était laissée tomber sur la chaise qu’on lui avait désignée tandis que la musique battait son plein et que les plus téméraires dansaient autour du feu un verre à la main. Mais d’autres convives s’étaient soudain présentés devant elle pour lui parler à leur tour. La jeune fille avait fait de son mieux pour se montrer charmante, répondant à leurs questions et écoutant leurs discours avec un certain embarras qu’elle s’efforçait de dissimuler. Contrairement à Stella qui excellait dans ce domaine, Triss n’avait jamais été douée pour tenir une longue conversation anodine avec des inconnus, et l’épreuve était de taille. Heureusement, Evander revint s’installer à ses côtés et se mit à participer aux conversations, ce qui la soulagea grandement. Entretemps, elle avait cherché Ilyann du regard, espérant pouvoir lui parler afin qu’il l’emmenât voir Naru et Philippa, mais le jeune vampire demeurait invisible.
Quand enfin, on la laissait un peu tranquille, Triss s’autorisa à relâcher la pression. La jeune fille s’aperçut subitement que son verre avait été rempli mais qu’elle ne l’avait pas touché. Triss le vida d’un trait. C’était du vin, mais la jeune fille avait été habituée à en boire depuis ses dix ans, les vampires ayant une grande résistance à l’alcool.
A sa droite, Sheamon et Jonas mangeaient avec une certaine résignation un pain noir et rance qu’on leur avait servi en guise de repas, accompagné de viande de piranhodons qui, d’après ce que lui avait confié le second, était sèche et sans goût. En revanche, sous les regards envieux de son maitre et du devin, Ryku, allongé derrière eux sous sa forme de tigre, dépeçait allègrement la carcasse d’une créature semblable à un sanglier couvert d’écailles et doté de défenses aussi grandes que l’avant-bras de Triss.
-Je suis navré si notre nourriture n’est pas à votre goût, messieurs, s’excusa Evander à sa gauche en inclinant la tête. Il est vrai que nous sommes peu habitués à recevoir des personnes qui ne soient pas vampires… Aussi n’avons-nous rien susceptible de vous contenter hormis un peu de ce pain noir et quelques piranhodons attrapés par nos chasseurs. Mais je dois dire que votre animal est épatant. Le topokor qu’il a attrapé est une vraie calamité. Ces saletés creusent leur nid dans la roche et peuvent surgir de n’importe où… En plus d’être de dangereux monstres qui peuvent vous faucher une jambe d’un coup, ils envahissent l’intérieur de cette montagne et, malgré tous nos efforts pour les éradiquer, il y en a toujours davantage. Ils mettent en danger l’intégrité de nos bâtiments avec leurs galeries souterraines. Si votre tigre en vient aussi aisément à bout, je vais finir par vous supplier de rester.
- Il aurait pu au moins partager… grommela Jonas.
- Cela nous suffit amplement, merci, déclara Sheamon avec une courtoisie visiblement forcée. Et puis si la nourriture n’est pas des meilleures, vous avez du vin de qualité pour compenser…
Evander esquissa un sourire.
- C’est probablement l’une de mes plus grandes fiertés, lui avoua-t-il. Chaque mois, je mène une expédition en compagnie de quelques hommes pour descendre dans la ville la plus proche, afin de faire du troc. Bien sûr, nous prenons soin de dissimuler nos origines. Les démons tolèrent les semi-humains, mais je ne veux pas attirer l’attention. Nous achetons du tissu, des remèdes, des armes, des outils, tout ce qui est difficile à trouver et à fabriquer dans cette contrée isolée… ainsi que des boissons. Du vin de la surface, du viralt, de la vodklass, de la bière rouge-dragon… Nous avons des dizaines de variétés différentes.
Sheamon haussa les sourcils.
- Et contre quoi échangez-vous ces marchandises ? l’interrogea-t-il. Que trouvez dans ces montagnes qui ait suffisamment de valeur pour les marchands démons ?
Le sourire d’Evander se figea ; Triss sentit soudain une tension circuler entre les deux hommes au milieu desquels elle était assise. Elle avait l’impression de se retrouver entre deux tornades qui risquaient fort de l’écraser.
- La Montagne Décapitée possède bien des richesses insoupçonnées, Monsieur Wave… laissa entendre Evander d’un ton à la fois amusé et (Triss l’aurait juré) presque menaçant.
Un vampire posa soudain sa main sur son épaule et lui chuchota quelque chose dans son oreille. Malgré l’ouïe sensible de Triss, la musique et la clameur de la fête l’empêchèrent d’entendre ces propos, mais Evander resta de marbre. Quand le vampire eut fini de lui parler, le guide de Varenn le congédia d’un geste de la main, puis il se leva.
- Veuillez m’excuser de vous abandonner ainsi, déclara-t-il en inclinant la tête. Mais des affaires importantes me réclament. J’espère que vous profiterez de la fête. Monsieur Wave, puis-je vous proposer de me rejoindre plus tard dans mon bureau afin que nous discutions… en privé ?
- J’accepte volontiers, répondit Sheamon d’une voix neutre.
- Formidable, j’enverrai quelqu’un vous chercher. D’ici là… faites-moi le plaisir de vous amuser.
Sur ces mots, Evander se retourna et disparut dans la foule à la suite de son serviteur. Sheamon le suivit du regard en vidant son verre d’un trait, suspicieux.
- Il cache quelque chose, c’est évident… lâcha-t-il avec méfiance.
- Tu crois ? s’étonna Jonas. Moi j’ai beaucoup de respect pour lui. Diriger une communauté pareille doit faire peser une sacrée pression sur ses épaules. Pourtant, ce type arrive à gérer ça et mieux encore, il est apprécié de ceux qu’il dirige. C’est suffisamment rare pour être souligné...
Jonas s’empara d’une bouteille dont il observa l’écriture gravée dans le verre avec un sourire goguenard.
- Du rhum datant de mille-sept-cent-quarante… murmura-t-il avec une certaine vénération. Quelqu’un possédant de tels trésors est forcément un saint homme !
Le démon jaugea son verre du regard, puis la bouteille, avant de hausser les épaules et de porter directement cette dernière à ses lèvres. Il avala plusieurs longues gorgées avant de reposer le rhum en poussant un bruyant soupir de satisfaction.
- Ouais, c’est une relique presque aussi inestimable que la mienne ! Apprécia-t-il. Je me demande où Evander a pu trouver toutes ces merveilles. D’après mon expérience, tout ce qui vient de la Surface n’est pas donné en Enfer. Seuls les nobles peuvent s’offrir ça.
- Justement, cela ne te parait pas étrange que des réfugiés censés avoir coupé tout lien avec le monde, possèdent autant de choses provenant de l’extérieur ? l’interrompit Sheamon. Et avec quoi pourraient-ils s’offrir tout cela ? Il n’y a rien dans ces terres désolées qui vaudrait de l’or…
- On ne sait jamais, intervint Triss, plutôt par solidarité vampire. Il est possible que le sol sous cette montagne regorge de pierres précieuses. Mon oncle m’avait dit que ce genre d’environnement pouvait parfois receler des trésors insoupçonnés.
- Et comment cette communauté pourrait-elle rester secrète s’ils se mettaient à échanger des pierres précieuses contre des marchandises, habillés comme des vagabonds en plus ? Les démons ne sont pas stupides. Ils finiraient par trouver étrange que des vampires provenant d’une telle région, réputée dangereuse et désertée, puissent posséder de telles richesses. Cela attirerait forcément l’attention de la milice. Je pense qu’Evander connait pertinemment les risques d’entrer en contact avec les démons. Cet endroit ne serait pas resté caché si longtemps autrement.
- Alors comment ont-ils pu récupérer tout ça ? l’interrogea Jonas en étendant les bras.
- J’ai plusieurs suppositions, mais ce dont je suis certain, c’est qu’il y a des choses qu’Evander ne nous dit pas… marmonna Sheamon en buvant sa coupe avec un air sinistre. Devin, j’aimerais que tu consultes l’avenir… par précaution.
- Attends mon ami, l’arrêta Jonas, les yeux fixés sur deux jolies vampires âgées d’une vingtaine d’années qui dansaient autour du feu et lui souriaient, semblant l’inviter à les rejoindre. Déjà, il faut que tu saches que malgré ma grande résistance à l’alcool, utiliser mes pouvoir avec ce que je viens de boire me filerait la pire migraine de tous les temps. Et je suis navré, mais l’amour me réclame !
- Vous ne les connaissez même pas… objecta Triss.
- Voyons, princesse… s’offusqua Jonas. La fille de droite s’appelle Prunella et celle de gauche Irisa. Je les ai rencontrées lors de ma promenade tout à l’heure et elles ont un certain intérêt pour mes récits épiques. Je crois qu’elles m’aiment bien, ajouta-t-il avec un clin d’œil taquin.
- Et quand liras-tu le futur pour… lui rappela Sheamon.
- Voilà ma prédiction pour l’immédiat, déclara le devin en s’emparant de la bouteille avant de se lever d’un pas décidé, bien que légèrement vacillant à cause des quantités élevées d’alcool déjà ingurgitées. Je vais aller divertir ces jeunes damoiselles et goûter aux trésors que renferment les caves de Varenn. L’avenir peut bien attendre quelques heures, mon ami. Je te promets que demain après avoir dégrisé, je vous renseignerai sur notre futur.
Sur ces mots, ils se fondit dans la foule avec un sourire aux lèvres.
A suivre...
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