Le devin dégaina son couteau et se plaça à ses côtés, tandis que Triss lançait sa pièce dans les airs, pour rattraper quelques secondes plus tard sa redoutable rapière.

• Vous n’avez pas votre fusil ? le questionna Triss, nerveuse.
• Il est resté dans ma cabine, répondit-il en serrant les dents. Mais j’ai encore deux fumigènes…

Les bruits de pas se rapprochèrent rapidement ; soudain la porte de la cabine s’ouvrit à la volée, livrant le passage à une escouade de vampires armés de haches, de lances et de couteau. Deux d’entre eux avaient également des fusils, pointés respectivement sur Jonas et Triss.

• Attendez avant de tirer ! ordonna une voix d’homme que Triss reconnut aussitôt, derrière les premiers combattants.

Les vampires s’écartèrent pour laisser passer Waldo, qui leva ses mains vides en signe de bonne volonté.

• Je le reconnais ! l’avertit aussitôt Jonas. Il aidait la femme à saigner ce pauvre gosse dans la cale de l’aéronef !
• Princesse, déclara Waldo d’une voix qui se voulait apaisante. Je vous en prie, baissez votre arme… Nous souhaitons régler cette situation pacifiquement.
• Comme lorsque vous avez enfermé ces pauvres gens dans des cages pour leur pomper le sang et les vendre comme esclaves ? rétorqua Jonas.
• Vous ne pouvez pas comprendre, répondit Waldo. Il s’agit d’une question de survie. Votre Majesté, s’il-vous-plait. Evitons de déclencher un incident regrettable… Si vous déposez les armes maintenant, je peux garantir à votre ami un sauf conduit pour quitter la région. Qu’en pensez-vous ?
• Vous pouvez-vous mettre votre sauf conduit dans le… commença Jonas, indigné.
• Et mes deux amies, Naru et Philippa ? s’enquit Triss.

Jonas resta un instant sans voix, stupéfait. Il voulut protester mais, d’un geste, Triss le réduisit au silence.

• La sorcière et la shinobi ? Bien entendu, elles seront également relâchées, lui assura Waldo, sautant sur l’occasion d’éviter l’affrontement. Elles seront bientôt amenées ici, ce n’est qu’une question de minutes…

Il avait l’air soulagé. Il intima à ses camarades l’ordre de baisser leurs armes.

C’était le moment qu’attendait Triss. D’un puissant coup de talon, elle projeta le lit qui était devant elle en direction du groupe de vampires. Le matelas et le sommier percutèrent de plein fouet Waldo et ses hommes, qui poussèrent des cris de surprise autant que de douleur.

• Jonas ! lança Triss.

Heureusement, le démon avait compris le signal. Allumant l’un de ses fumigènes, il le fit exploser aux pieds de leurs adversaires, et la pièce se remplit aussitôt d’un épais rideau de fumée blanche.

Triss fit alors apparaitre une lame d’énergie autour de son avant-bras gauche. Touchant le mur derrière elle pour se guider, elle pénétra aisément le métal de la paroi, découpant ainsi un cercle suffisamment grand pour les laisser passer elle et Jonas.

• Tirez ! ordonna Waldo entre deux quintes de toux. Ils ne doivent pas s’échapper !

Deux détonations retentirent, et Triss sentit les balles ricocher près d’elle. Mais comme les tireurs faisaient feu à l’aveugle, aucun des deux projectiles n’atteignit sa cible. D’autres détonations suivirent presque aussitôt.

• Plus vite, princesse ! la pressa Jonas alarmé. Ils vont finir par nous toucher, tu sais !
• Je ne vois rien ! gronda Triss, les dents serrées.

Enfin, elle acheva de découper le métal. D’un nouveau coup de pied, elle fit sauter le morceau de mur, libérant leur sortie de secours. La fumée l’empêchait de voir à plus de quelques centimètres devant elle mais elle savait que le sol se situait à une vingtaine de mètres.

Triss sauta sans hésitation et se transforma en essaim de chauves-souris pour atterrir en douceur. La jeune fille reprit forme humaine en touchant le sol, épée à la main. Quelques secondes plus tard, Jonas la rejoignit, ses ailes de démon encore déployées. Elles disparurent presque aussitôt.

Leur coup d’éclat n’était cependant pas passé inaperçu. Des vampires sur la place centrale, stupéfaits et alarmés, regardaient successivement la fenêtre d’où s’échappait le nuage de fumée, puis les deux fugitifs qui s’étaient figés.

• C’est la princesse…
• Et l’un de ses compagnons…
• Princesse ! Vous n’avez rien ? la questionna un autre, en se précipitant vers eux avec inquiétude.
• Ce n’est rien, répondit évasivement Triss en dépassant son interlocuteur, pressée de quitter cet endroit rapidement.
• Ils sont là ! rugit soudain une voix féminine triomphante et déformée par la colère.

Triss tourna la tête ; Opra arrivait dans leur direction depuis l’entrée de l’aéronef, avec Waldo et un important détachement de guerriers armés.

• Arrêtez-les ! hurlait cette dernière. Ce sont des ennemis de notre refuge qui veulent provoquer notre perte !

A ces mots, la totalité des vampires se retourna vers eux, une expression de haine sur le visage. Triss songea naïvement pendant une seconde à tenter une explication, mais la main ferme du vampire qui l’avait interpellée juste avant lui rappela que la diplomatie n’était plus de mise dans leur situation.

• Ne résistez pas, princesse, gronda-il, devenant nettement moins poli. Je ne veux pas avoir à faire du mal à une gam…

Le poing de Triss s’écrasa avec une telle force sur sa mâchoire qu’elle sentit celle-ci se briser sous l’impact, tandis que sa victime était brutalement envoyée trois mètres plus loin. Ce fut le signal qui déclencha les hostilités. Alors que la foule tentait de les encercler, Triss et Jonas détalèrent, remontant la grande rue à toute vitesse.

Aussitôt, les vampires se jetèrent à leur poursuite en poussant des cris de colère. Menés par Opra et ses subordonnés, ceux qui n’avaient pas eu le temps de s’armer convenablement brandissaient des balais, des fourches et d’autres ustensiles de bricolage ou de ménage, mais qui n’en restaient pas moins dangereux entre les mains d’un vampire déterminé.

L’une de leurs poursuivants se mit en travers du chemin de Triss, brandissant un couteau de cuisine. Elle ne s’était sans doute jamais battue de sa vie, et si la colère lui donnait la force de la menacer de son arme, son inexpérience lui fut fatale. La jeune fille esquiva sans difficulté son attaque maladroite et, d’un coup d’épée, lui entailla la cuisse gauche avant de la percuter avec son épaule. La femme s’écroula en hurlant de douleur. D’autres assaillants, attirés par les cris de la foule, voulurent s’interposer. Triss les bombarda de rayons incandescents. Nombre d’entre eux furent touchés et s’effondrèrent, mais d’autres, plus malins, se jetèrent au sol ou derrière des abris de fortune.

Certains cependant, même blessés, continuaient courageusement d’essayer de les arrêter ; les deux fugitifs perdaient ainsi de précieuses secondes à les esquiver ou à les repousser. La foule gagnait du terrain… Et Triss ne pouvait pas se battre à la fois devant et derrière elle.

• On doit aller plus vite ! cria-t-elle à l’intention de Jonas.
• Tu plaisantes ? rétorqua le devin, essoufflé. Je suis à mon maximum, figure-toi !

Triss allait lui répliquer que sa vie était en jeu, lorsque soudain une détonation retentit au-dessus d’elle ; une balle ricocha sur le sol juste devant. La jeune fille leva les yeux et s’aperçut qu’il y avait également des sentinelles armées sur le toit des bâtiments. Une autre détonation suivit, puis encore deux. Triss remarqua alors, qu’à une centaine de mètres devant eux, un barrage de vampires bloquait leur seule issue. Elle poussa un grognement de frustration. Comment les habitants de Varenn pouvaient-ils être aussi bien organisés ? La situation devenait difficile…

Quelque chose lui agrippa soudain les jambes, et Triss chuta lourdement. Elle se retourna aussitôt pour constater que ce qui s’était enroulé autour de ses chevilles était une arme étrange composée d’une corde avec un poids attaché à chaque bout. Elle n’eut pas le temps de la trancher qu’un vampire se précipitait sur elle, une lance à la main.

Triss cessa alors de se préoccuper de ses adversaires. Elle dévia l’arme aisément avec son épée, puis pointa sa paume vers la poitrine de sa cible, en laissant partir un rayon incandescent qui lui transperça le cœur. Son assaillant s’écroula. Cependant, un autre avait surgi derrière elle ; avant qu’elle pût se retourner pour se défendre, il leva son hachoir… Mais Jonas lui agrippa soudain la gorge et d’un geste rapide lui transperça le torse. Surpris, son adversaire s’effondra incrédule devant le sang qui s’échappait de son corps.

• Dépêche-toi, princesse ! la pressa le démon en lui tendant la main.

Triss trancha la corde et accepta l’aide de Jonas pour se relever. Mais les quelques minutes ainsi perdues avaient permis à la horde qui les poursuivait de les rattraper. Sur les bâtiments autour, les tireurs prenaient également position. Les assaillants arrivaient de toutes parts, aussi la jeune fille et le devin choisirent-ils de se coller dos à dos pour éviter d’être pris par surprise. Leurs adversaires affichaient une haine aveugle, Opra en tête. C’est alors que Waldo leva la main pour empêcher la foule de se jeter sur eux. Triss s’aperçut qu’il avait récupéré un pistolet.

• Vous êtes cernés, gronda-t-il en levant son arme. C’est terminé, alors facilitez nous la vie et abandonnez.
• Si vous nous voulez, venez nous chercher ! répliqua Triss, provocatrice.

A suivre...