Chapitre 32 : Sacrifice, Partie 1

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De nouveau, Triss se retrouva à l’âge de six ans, jetée à terre par Léo qui, indifférent à ses cris de douleur, la frappait à coups de pied devant les autres enfants paralysés par la peur de devenir ses prochaines victimes.

  • Alors qu’est-ce que t’en dis, le monstre ? ricana son bourreau. Tu fais moins la maligne maintenant !

Triss essayait de se protéger comme elle le pouvait de ce déchainement de violence dont la brutalité augmentait à chaque coup. Elle s’aperçut du coin de l’œil qu’Angelica avait disparu. Avait-elle fui pour éviter d’attirer l’attention de leur tortionnaire ?

  • Bien fait pour toi, sale tricheuse ! lui lança Prunilla avec un sourire réjoui. T’es qu’un sale monstre de toute façon.
  • Ouais, un monstre ! renchérit Léo avant de répéter en boucle : Monstre ! Monstre ! Monstre !

Pendant quelques secondes, le frère et la sœur furent les seuls à scander ainsi cette insulte. Peu après cependant, d’autres se joignirent à eux ; bientôt presque tous les enfants répétèrent en chœur :

  • Monstre ! Monstre ! Monstre !

Ils devaient être soulagés de ne pas être les victimes de Léo, peut-être même certains commençaient-ils à prendre plaisir à ce spectacle, préférant instinctivement se placer du côté du plus fort. Peu leur importait la souffrance de Triss, du moment qu’eux-mêmes y échappaient. Ce n’était pas la méchanceté qui les poussait à agir ainsi, mais la peur du courroux de Léo s’ils osaient manifester la moindre empathie pour elle. Ceux qui lui avaient parlé amicalement tout à l’heure paraissaient même être devenus les plus virulents à son encontre.

Triss sentit les larmes couler le long de ses joues quand elle comprit que cette journée ne se finirait pas aussi bien qu’elle l’avait escompté. La petite fille, qui avait tant espéré se faire de vrais amis, comprit qu’elle serait une fois de plus mise à l’écart, traitée en indésirable, détestée de tous. Soudain, elle reçut un coup de pied au ventre plus violent que les autres…

Et subitement tout changea. Dans son cœur, la peur et la douleur se transformèrent en colère et en haine. Son instinct prit le pas sur sa raison et, pour la première fois, son sang de vampire se manifesta.

Triss ouvrit les yeux : comme au ralenti, elle vit Léo lancer de nouveau sa jambe en direction de ses côtes. Il était lent. La petite fille réagit alors avec la rapidité de l’éclair et, en une seule seconde, attrapa la cheville de son adversaire.

Pendant un instant, Léo fut pétrifié par la surprise ; tout le monde se tut. Le bourreau croisa alors le regard de sa victime et Triss eut l’étrange satisfaction d’y trouver de la peur. Puis, avant même que Triss comprît elle-même son geste, sa main se resserra autour de la cheville de Léo avec une force qu’elle n’aurait jamais cru posséder. Un craquement sinistre retentit quand celle-ci se brisa.

Le garçon, un instant tétanisé, s’effondra en hurlant de douleur. Il n’avait plus rien de la brute au sourire sadique qui avait attaqué Triss. Il ressemblait désormais à un gamin terrorisé, appelant à l’aide ses parents à grand renfort de larmes.

La panique s’empara des autres enfants. Ils s’enfuirent en hurlant le plus loin possible de Triss. Cette dernière se redressa enfin, estomaquée par ce qui venait de se passer. Elle croisa alors le regard de Prunilla, figée devant ce retournement de situation imprévu. Face à Triss, celle-ci prit peur à son tour et recula lentement.

  • Non… murmura-t-elle d’une voix apeurée. Ne me fais pas de mal… Je suis désolée, je ne voulais…

Au même moment elle trébucha, ce fut le choc de trop. Elle éclata en sanglots, persuadée que Triss allait s’en prendre à elle. Mais cette dernière se sentait encore trop stupéfaite, trop interloquée, pour réagir. Elle fut alors envahie par un profond sentiment de détresse. Elle n’avait jamais voulu ça. Elle souhaitait seulement que Léo cessât de la frapper…

  • Mon bébé ! s’écria soudain une voix perçante de femme.

Une dame, sa mère sans doute, se précipita pour serrer Léo dans ses bras et le réconforter. Elle poussa un cri terrible en voyant la cheville de son fils, comme si elle était elle-même blessée. Un homme, le père probablement, se hâta également au chevet de Léo, examinant d’un œil plus calme la blessure.

  • On dirait que sa cheville a été broyée ! constata-t-il avec un étonnement mêlé à de la colère. Qui lui a fait ça ? Quel est le sale lâche qui a osé s’en prendre à un enfant ?!
  • C’est elle ! hurla Prunilla en tendant le doigt vers Triss. C’est ce monstre le coupable !

Pendant un instant, le regard des parents se posa sur Triss, la scrutant de la tête aux pieds. Si la petite fille nota le dégoût évident et la gêne qu’ils semblaient éprouver en remarquant sa peau cadavérique et ses yeux rouges, ils détournèrent très vite les yeux.

  • Ne dis pas de bêtises, Prunilla ! la tança sèchement son père. Comment une si petite fille aurait eu assez de force pour commettre une telle chose ?!
  • Mais je l’ai vue ! Elle lui a attrapé le pied, puis il y a eu un gros crac avant que…
  • Prunilla ! intervint son père.

Triss était encore sous le choc et n’avait aucune idée de comment réagir. Devait-elle dire la vérité ? Elle aperçut soudain son oncle qui accourait en compagnie d’Inès, laquelle tenait également Angelica par la main. Apparemment, sa camarade ne s’était pas enfuie, comme Triss l’avait d’abord supposé. Elle était allée chercher de l’aide. Triss lui en fut profondément reconnaissante…

Mais son soulagement s’effaça sitôt qu’elle remarqua leurs visages. Tous les trois exprimèrent en effet une profonde consternation en découvrant Léo, blessé et en larmes. Comme Angelica les avait prévenus de ce qui se passait dans la cour, il ne fut probablement pas difficile pour eux de faire le lien avec Triss… Et leurs regards se tournèrent machinalement vers cette dernière.

La petite fille y lut de l’effroi…

***

Triss se réveilla de nouveau, avec un léger goût amer dans la bouche, dans ce qui semblait être une cellule sale et sombre. Pendant quelques secondes, la jeune fille se demanda pourquoi elle se trouvait dans un endroit pareil. Puis tout lui revint brusquement en mémoire : elle se rappela qu’elle avait été jetée sans ménagement dans cette cellule. Ensuite elle avait été maintenue au sol, pendant l’extraction de la balle logée dans son épaule. Triss avait supporté l’opération en serrant les dents, consciente que les vies de Naru et Philippa dépendaient de sa coopération. Quand ils avaient terminé, Triss avait senti la blessure se refermer rapidement. Apparemment, Evander ne voulait pas sa mort… pas pour le moment en tout cas. Mais son calvaire n’était pas fini, car l’un de ses geôliers lui enfonça sans ménagement une seringue dans la peau avant d’en déverser le contenu dans son corps. Puis, aussi brusquement qu’ils l’avaient emmenée dans ce lieu, les gardes étaient repartis, l’abandonnant seule dans le noir. Elle se rappelait vaguement avoir été très rapidement prise de torpeur et d’engourdissement, avant de s’évanouir presque instantanément.

Triss constata qu’elle se trouvait encore dans la même cellule sombre, les jambes et les poignets attachés au mur avec des chaines passées dans un anneau de fer. Avec un peu de mal, en raison de ses mouvements restreints et de ses membres ankylosés, elle put cependant se redresser pour tester ses entraves. Les runes gravées dessus réagirent aussitôt, activant un enchantement qui devait surement servir à renforcer ses liens. Mais Triss ne ressentit pas une grande résistance, sans doute parce qu’Evander n’avait pas les moyens de créer des enchantements plus puissants. Elle pourrait parvenir à les briser, elle en était certaine. S’enfuir d’ici ne serait donc pas compliqué. En revanche, l’ennemi détenait toujours Naru et…

  • Triss ! l’appela soudain Philippa d’une voix faible, la jeune fille releva aussitôt la tête.

Elle vit alors l’ancienne secrétaire de son oncle, enchainée elle aussi dans la cellule en face de la sienne, qui l’observait avec inquiétude. Celle-ci tremblait et paraissant toujours aussi affaiblie. Cependant, son regard était clair et elle ne souffrait pas d’autres blessures, du moins en apparence. Le cœur de Triss fit un bond dans sa poitrine :

  • Philippa ! s’écria-t-elle avec soulagement, avant d’ajouter, sur un ton plus inquiet ; Tu vas bien ?
  • Autant que possible… répondit son interlocutrice, le visage sombre. Ils m’ont permis de prendre ma drogue, parce que ton amie la sorcière les as suppliés. Cela me permet de supporter la douleur et de rester éveillée. Mais j’ai à peine assez de forces pour ramper… Ils m’ont portée jusqu’ici après nous avoir séparées, Naru et moi.
  • J'espère qu’elle va bien…murmura Triss
  • Je ne pense pas qu’ils lui feront du mal, ils savent que c’est dans leur intérêt de garder leurs otages en bonne santé. Quant à moi, ils ont dû penser que j’étais mourante, ce qui est probablement le cas… Pour eux je ne représente aucun danger dans l’état où je suis. Et toi, comment te sens-tu ?
  • Etonnamment en pleine forme, répondit Triss, elle-même stupéfaite que ce fût la vérité. Ils m’ont injecté un truc dans le corps qui m’a fait dormir, mais je n’ai pas l’impression qu’il ait été très efficace… Je sens toujours mes forces, ma magie… Ils se sont peut-être trompés de dosage…
  • Je n’en suis pas si sûre… rétorqua Philippa. Leur chef… Evander, c’est ça ? Il n’a pas l’air d’être un homme à commettre ce genre d’erreur stupide. A mon avis, il voulait s’assurer que tu sois en pleine forme.
  • Ça n’a pas de sens ! Pourquoi me donner la possibilité d’être au meilleur de mes capacités alors qu’il sait que je peux facilement les retourner contre lui ?
  • Probablement parce qu’il a besoin que tu sois parfaitement reposée et qu’il sait pertinemment que tu ne peux pas t’enfuir, puisque tu ne nous abandonneras pas.

Triss comprit que Philippa avait vu juste. Mais dans quel but Evander avait-il besoin d’elle ? Il avait parlé de lancer sa révolution le soir même… Que voulait-il dire par là ? Allait-il lui ordonner de se battre immédiatement pour lui ? Il lui paraissait pourtant peu probable que la révolte projetée par les réfugiés de Varenn fût imminente…

La jeune fille décida de ne pas s’attarder sur les motivation du guide de Varenn. Il valait mieux se concentrer sur une stratégie pour se tirer de cette situation épineuse. Car même si Jonas avait réussi à s’enfuir et parvenait à prévenir Sheamon, elle ne pouvait pas simplement compter sur l’hypothétique secours du renégat pour les tirer d’affaire.

  • Je peux peut-être retourner ça à notre avantage, déclara Triss. Sortir d’ici ne sera pas un problème. Si on arrive à se faufiler hors de cette cellule sans se faire repérer, je suis sûre qu’on pourra sauver Naru et s’échapper…
  • C’est une idée stupide ! répliqua Philippa en secouant la tête d’un ton sans appel. Pour commencer, même si nous arrivions à sortir d’ici, nous ne savons absolument pas où nous nous trouvons actuellement. Or ce refuge, du moins d’après ce que j’ai pu observer, est plutôt vaste. Sans oublier qu’il y a probablement des gardes derrière cette porte, prêts à donner l’alerte à la moindre tentative d’évasion. Si nous sommes repérées, la ville entière sera à nos trousses en quelques minutes. Et, à supposer que nous réussissions à nous échapper sans être repérées puis à retrouver ta camarade, tu ne parviendras pas à t’enfuir avec une infirme tout en protégeant la sorcière. Je suis trop faible, Triss.
  • Alors que proposes-tu ? Rétorqua Triss, agacée.

Philippa esquissa un sourire attristé.

  • Tu dois me laisser ici et t’enfuir seule, déclara l’espionne. Tu es puissante, forte et rapide, je ne doute pas que tu puisses libérer facilement ton amie, pour peu que tu sois prudente. Ensemble, vous pourrez vous enfuir…

Triss resta sans voix pendant quelques secondes.

  • Tu… me demandes de te laisser mourir ? réussit-elle finalement à articuler d’une voix blanche.
  • Je pense que de toutes façons je finirai par mourir bientôt, répondit Philippa d’une voix tranquille. Et honnêtement avec tous les crimes que j’ai commis, je ne peux pas dire que ce soit injuste. Mais si je peux partir en sachant que toi tu as pu t’échapper, ce serait avec plaisir…

La jeune fille sentit son cœur se serrer. Elle savait que Philippa avait raison, c’était sa meilleure chance de s’échapper rapidement. Mais cela ne l’empêchait pas d’être totalement opposée à ce plan.

  • Tu te souviens de mon premier jour à l’école ? l’interrogea Triss. La fois où j’ai brisé la cheville de ce garçon…

Philippa haussa un sourcil, ne saisissant pas ce que la jeune fille voulait ainsi lui faire comprendre.

  • Oui, je m’en souviens, acquiesça-t-elle. Ton oncle a dû dédommager les parents mais ils n’ont pas fait d’histoires, probablement parce que leur fils avait commencé. Après ça, tu as dû quitter l’école pour éviter d’attirer l’attention, puis tu t’es barricadée pendant deux mois dans ta chambre. Tu ne voulais voir personne, sauf moi et ton oncle.
  • C’est vrai. C’est la première fois que mes pouvoirs se sont manifestés, et j’avais peur qu’ils finissent par me dépasser. Surtout… je n’arrivais pas à me sortir cette journée de la tête : les cris et les rires des gamins autour de moi, les insultes… particulièrement leur terreur quand j’ai brisé la cheville de Léo. C’est à ce moment précis que j’ai compris, même si je ne voulais pas l’admettre, à quel point j’étais non seulement différente des autres… mais également que je ne pourrais jamais vivre comme tout le monde…
  • Par la suite, ton oncle n’a pas tardé à fonder l’école du Quartier Umbrella, objecta Philippa. Il voulait aider la communauté à se développer, mais sa principale préoccupation était que tu puisses te faire des amis. Même s’il continuait à t’assigner des cours particuliers en plus… parce que tout le monde sait bien que connaitre la différence entre le magma et la lave, c’est essentiel pour Triss Aleyran !

Triss éclata d’un rire léger.

  • Je préférais l’école où j’ai rencontré Romy et les autres, avoua-t-elle avec un sourire nostalgique. Mais même là-bas, je savais que je serais toujours différente. La fille de la Reine de la Nuit, celle qui peut résister au soleil… c’est un très lourd fardeau à porter. Et depuis la destruction du Quartier Umbrella, il est devenu de plus en plus pesant. Les gens se battent et meurent dans le seul but de mettre la main sur moi. Trop de ceux qui me sont chers sont déjà morts par ma faute…
  • Raison de plus pour que tu survives, Triss ! martela Philippa avec force. Tu ne dois pas céder maintenant, sans quoi tous ces sacrifices n’auraient plus aucun sens !
  • Non, c’est terminé !

Philippa se tut pendant quelques secondes, effrayée.

  • Tu ne veux quand même pas… commença-t-elle d’une voix blanche.
  • Tu l’as dit toi-même, Philippa, il est impossible de s’enfuir tous ensemble. Et je refuse que toi ou Naru mourriez par ma faute. Voilà pourquoi c’est à moi d’assumer, maintenant…

Philippa s’apprêtait à répliquer, lorsque la porte s’ouvrit brusquement, livrant le passage à un groupe de gardes armés de fusils et menés par Evander. Triss chercha aussitôt à se composer un visage menaçant pour intimider le guide de Varenn.

  • Je suis ravi de te voir en pleine forme, Triss, la salua ce dernier de nouveau.
  • Plus de Votre Altesse, maintenant ? railla l’intéressée.
  • Puisque que nous sommes allés aussi loin, je crois qu’il est inutile de faire semblant… Nous préférons tous les deux éviter les écrans de fumée, je suppose.
  • Parfaitement, acquiesça Triss en tirant brusquement sur les chaines qui la retenaient.

Elle dut y mettre plus de force qu’elle n’aurait imaginé, mais l’effet escompté se produisit : ses entraves explosèrent et la jeune fille se redressa aussitôt sous les cris de surprise des gardes. En un instant, une dizaine de fusil furent pointés sur elle, mais Triss n’en avait cure. De sa main droite, elle visait Evander qui n’avait pas l’air surpris, simplement agacé.

  • Je croyais que tu avais compris que toute résistance était inutile, lui rappela-t-il. Tu sais que s’il m’arrive quoi que ce soit, tes amies mourront.
  • A cette distance-là, je vous aurais tué avant que vous n’en donniez l’ordre ; et peut-être même le reste de vos hommes aussi, rétorqua Triss. Ensuite, je continuerai à ravager Varenn jusqu’à ce que je meure, ou que vous soyez tous morts.
  • Espèce de monstre ! s’exclama un garde, apeuré.

Triss esquissa un sourire amusé.

  • Exactement ! ironisa-t-elle. Je suis un monstre dangereux que vous pensez à tort pouvoir maitriser. Croyez-moi, je vais tordre ces barreaux, vous massacrer, et ensuite je défoncerai cette porte. Quand je sortirai d’ici, vous comprendrez rapidement que vous auriez dû me tuer quand vous en aviez encore l’occasion !

Elle constata avec satisfaction que sa menace avait eu l’effet escompté, car les gardes frémissaient de terreur. Ils craignaient visiblement à leur tour que Triss ne s’attaquât à ceux qu’ils connaissaient et chérissaient. Seul Evander resta de marbre.

  • Que veux-tu ? l’interrogea-t-il, enfin.
  • Faites sortir vos hommes d’ici, c’est à vous que je veux parler.

D’un discret signe de tête, Evander ordonna à ses gardes d’obtempérer. Certains protestèrent, mais le regard impérieux de leur chef les réduisit immédiatement au silence. Ils obtempérèrent et sortirent lentement de la pièce, laissant Triss et Philippa seules avec Evander.

  • Bien joué, Triss ! lança l’espionne en se redressant avec peine. Maintenant qu’il est notre otage, on peut aller chercher ton amie et s’enfuir d’ici ! Personne n’osera nous toucher...
  • Oh, ça n’arrivera pas, répondit tranquillement Triss en soutenant le regard d’Evander. Il préférerait mourir plutôt que de servir d’otage pour me laisser quitter Varenn, n’est-ce pas ?
  • Tout à fait, confirma Evander en dégainant un petit poignard avant de l’approcher près de sa poitrine avec un sourire satisfait. Je vois, princesse, que tu es remarquablement perspicace. Je ne trahirai pas les miens. Si tu essaies de m’utiliser comme otage, je n’hésiterai pas à me tuer moi-même. Et ma mort entrainera du même coup celles de la sorcière et de ton amie l’espionne. Je préfère te prévenir que la sorcière est gardée en lieu sûr. Tu n’as aucune chance de la trouver.
  • Ce qui nous plonge dans une impasse, reprit Triss. Vous n’avez pas d’autre option que d’utiliser des otages pour m’empêcher de m’enfuir. Cependant, nous savons tous les deux que dès que vous aurez obtenu ce que vous voulez de moi, vous tuerez mes amies.

Evander parut hésiter à répondre.

  • Allons, lui rappela Triss avec une pointe d’ironie. Nous préférons éviter les écrans de fumée, n’est-ce-pas ?
  • C’est bien entendu mon intention, avoua le guide de Varenn avec un air de méfiance, comme s’il commençait à cerner Triss. Il est évident que je ne peux pas laisser s’enfuir des visiteurs connaissant la localisation de notre refuge.
  • Pourtant si vous les éliminez, je vous tuerai, vous et tous ceux qui auront eu le malheur de croiser mon chemin, conclut Triss d’une voix lourde d’avertissement. Si je sens que Philippa et Naru mourront quoi qu’il arrive, rien ne me retiendra. Vous savez que j’en suis capable. Je parie que vous n’avez aucune envie de risquer la destruction de ce refuge que vous avez mis si longtemps à bâtir, non ?

Evander ne répondit pas mais il acquiesça sèchement. Triss se sentit encouragée. Ses menaces étaient prises au sérieux.

  • Je vous propose donc un accord raisonnable pour tous, déclara-t-elle en essayant de prendre un ton convaincant et ferme. Libérez mes amies tout de suite et je promets de ne pas résister… Quel que soit le sort que vous me réserviez…
  • Non ! rugit Philippa en tirant vainement sur ses chaines, son état de faiblesse ruinant aussitôt ses espoirs.

Triss l’ignora et soutint le regard d’Evander.

  • Ce serait pure folie de ma part, estima ce dernier. Dès qu’elles seront libres, je n’aurai plus de moyen de pression, et je ne suis pas naïf au point de croire aveuglément en ta parole. De plus… Mes camarades réclament vengeance. Ta petite escapade avec ton ami le démon tout à l’heure a eu des conséquences terribles. Neuf morts et vingt-et-un blessés, dont certains sont assez grièvement atteints. Nous nous connaissons pratiquement tous ici, presque comme une grande famille. La douleur que l’un de nous se voit infliger doit être rendue au centuple. Je me dois de châtier quelqu’un pour apaiser leur soif de revanche. Quelqu’un doit payer.
  • Alors punissez-moi à leur place, offrit Triss sans sourciller. Quel meilleur bouc émissaire que la fille de Némésis, celle qui les opprime tous ? Ils seront ravis j’en suis certaine...
  • Hors de question ! intervint Philippa. Triss, je ne te laisserai pas…

Elle fut alors prise d’une violente quinte de toux qui la réduisit momentanément au silence. Profitant de l’occasion, Triss insista :

  • C’est votre meilleure chance d’éviter un drame, Evander. Si vous n’acceptez pas, il sera trop tard pour sauver vos hommes. Car si nous ne parvenons pas à trouver d’accord maintenant, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour fuir avec mes amies, peu importe le nombre de victimes. Si nous sommes toutes les trois condamnées quoi qu’il arrive, autant jouer toutes nos cartes…

Evander observa attentivement Triss, le regard perçant. La jeune fille soutient son inquisition sans broncher. Le guide de Varenn accepterait-il son marché, ou bien refuserait-il de pactiser avec elle ? Dans le second cas, Triss devrait agir vite. Elle avait parlé avec assurance devant Philippa et Evander mais, en son for intérieur, elle doutait sérieusement de pouvoir venir à bout de deux-milles vampires toute seule. Dans ce cas son échec condamnerait presque assurément Philippa et Naru. Triss attendit, le cœur battant la chamade. La survie de ses camarades dépendait donc d’une manière presque certaine de la décision d’Evander.

A suivre...

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