Le libre-arbitre
C’est une question philosophique tellement vaste, que je ne prévois pas de la couvrir entièrement.
Le libre-arbitre revient à se demander si nous sommes vraiment libres d’effectuer les choix que nous faisons. Libres de toute influence, de tout contrôle. Et ce n’est bien souvent pas le cas. Parce que notre cerveau est ainsi conçu. Parce que nous sommes intégrés dans une société avec ses règles, ses lois, tacites ou manifestes. Parce que nous avons intégré les tabous de cette société, ou que nous en avons créé pour nous-mêmes.
Quant au cerveau.
On ne pourra pas se débarrasser de toutes les influences et de tous les biais avec lesquels notre cerveau compose nos décisions. En revanche, mieux les comprendre permet parfois de les contourner, ou d’atténuer certains effets. J’ai été frappée, à ce sujet, par certaines études en neurosciences qui démontrent que les émotions, nos états émotionnels, avaient une place prépondérante dans nos prises de décision. Sans nos émotions, on prend souvent des décisions qui vont à l’encontre de nos intérêts.
J’irais plus loin, et je dirais même que à trop vouloir se couper de ses émotions, à trop vouloir raisonner, et ce dans tous les aspects de sa vie, eh bien on finit par prendre des actions préjudiciables sur le long terme, qui nous privent par exemple de liens humains (big up à toi, belle-maman).
Quant aux règles de société.
Il est limite plus simple de les identifier, bien que les règles tacites et les tabous requièrent une analyse plus fine, demandent à être d’abord explicités avant de pouvoir être contournés. Le calcul devient alors : Si je ne me conforme pas, je risque quoi ? Et quelque part la rationalité trouve plus sa place, dans ces choix-là. Il me semble aussi que le dilemme « suivre son cœur ou suivre sa tête » apparait plus clairement.
Quant au destin.
La destinée, le sentiment que les choses sont comme elles sont parce qu’elles ont été décidées à l’avance par une force qui nous dépasse, apparait fréquemment dans les récits de fiction. Voire tout le temps quand il s’agit de fantasy ou de merveilleux. Le protagoniste est un élu. Il a un chemin tracé devant lui, un devoir qui le transcende et auquel il ne peut échapper.
Ce trope a tendance à m’agacer, parce que je ne crois pas une seule seconde en la destinée, même si j’admets que certains événements que je traverse me donnent l’impression d’avoir été écrits, tant ils sont incroyables (marier un homme rencontré au détour d’une conférence de quelques jours dans un autre pays : check !).
Je préfère pourtant y apposer la marque du hasard. C’est décevant pour certains, pour beaucoup même, mais le hasard existe, et il fait parfois bien les choses (comme la Nature, tiens, tiens…). C’est même plutôt inquiétant de se dire que la direction que prend notre existence ne tient à rien de tangible, et que chercher à la contrôler est illusoire. Nos décisions sont soumises à notre fonctionnement biologique, à notre environnement et au hasard. Mais considérons encore ceci.
Donner du sens.
C’est là le propre de l’humain, je pense. Quoi qu’il se passe, nous y cherchons un sens, et c’est cela qui peut nous « sauver ». Nous sauver de cette absurdité qu’est l’existence vivante. D’où la nécessité de croire, de considérer ce qui est plus puissant que nous. De penser que ce qui nous arrive, nous arrive pour une bonne raison, pour nous faire grandir, nous rendre meilleur, etc.
Donner du sens, c’est aussi se donner une mission, ou en recevoir une. Personnellement, je me sens perdue sans direction à suivre, sans objectif à atteindre. Je ne peux pas juste me laisser porter par le hasard, par le quotidien. C’est là le seul contrôle que je peux vraiment avoir sur mon existence : savoir ce que je veux et ce que je ne veux pas, puis aller par là.
En résumé :
- Le libre-arbitre est une illusion,
- Nos choix dépendent de notre fonctionnement neurobiologique,
- Nos choix sont influencés par notre environnement,
- Je crois au hasard plus qu’à l’intervention divine (ou encore : le hasard est mon dieu),
- Reprendre le contrôle sur ses décisions, c’est : 1. Se sensibiliser aux mécanismes invisibles d’influence (biais cognitifs et tabous, règles implicites) et 2. Donner du sens aux événements vécus, se donner une direction.
Ce que je voudrais pour moi et pour les autres :
Demeurer en capacité de prendre les meilleures décisions, et d’en comprendre mieux les mécanismes et les influences. Cultiver l'esprit critique et pratiquer la zététique. Quand on sait ce qui oriente nos choix, il est plus simple d’accepter de s’y conformer ou de le contourner. Et dans les conséquences de nos décisions, je voudrais que chacun ait la capacité de prendre les actions correctives nécessaires, d’assumer ses choix, de se détacher de modèles ou de limites toxiques. Que les croyances spirituelles ou dogmatiques soient un réel soutien et servent effectivement à relier et faire progresser les humains.
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